Les 22 et 29 janvier 2017, plusieurs partis de gauche appellent, lors de Primaires Citoyennes, à voter pour élire le candidat qui les représentera lors de l’élection présidentielle du printemps prochain. Primaires à laquelle plusieurs candidats de gauche (ou revendiqués comme tels) ont décidé de ne pas se soumettre, tels l’ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon auquel se sont ralliés les militants communistes, ou l’ancien banquier puis ministre des finances Emmanuel Macron, sans parler des partis d’extrême-gauche. Que peuvent apprendre les citoyens handicapés en consultant les sites web des sept candidats à cette primaire, et qu’ajoutent leurs équipes de campagne quand on les interroge ?
Jean-Luc Bennahmias n’a rien à dire. Est-ce son goût pour l’écologie qui a fait de Jean-Luc Bennahmias un caméléon ? Ancien dirigeant national des Verts, il a quitté ce parti en 2007 pour le centre-droit du Modem de François Bayrou tout en continuant à siéger avec Les Verts au Conseil Régional PACA et au Parlement Européen, puis a joué la courroie de transmission du Parti Socialiste version Guérini lors des municipales 2014 à Marseille pour finir par créer son propre parti, le Front Démocrate. Ce politicien ne s’intéresse pas aux personnes handicapées, tout juste concernées par la création d’un revenu universel par redéploiement « de dispositifs disparates », sans précision de montant. Contacté par téléphone, il assurait vouloir s’adresser aux personnes handicapées, on attend toujours…
Benoit Hamon n’est pas impliqué. Ministre des gouvernements Ayrault et Valls (2012-2014) sous le quinquennat de François Hollande dont il conteste une partie du bilan, Benoit Hamon voudrait créer « un revenu universel d’existence pour éradiquer la grande précarité et contribuer à définir un nouveau rapport au travail et au temps libre », qui atteindrait au terme de son déploiement 750 euros, soit la moitié du SMIC brut et moins que l’actuelle Allocation aux Adultes Handicapés. Pourtant cette dernière serait, dès son élection, revalorisée de 10% comme les autres minima sociaux : où est la cohérence ? Il propose également de taxer les robots intelligents, alors qu’ils sont conçus comme une alternative concurrentielle autant à la main d’oeuvre qu’à l’aide humaine, et de légiférer sur l’aide médicale à mourir. Son programme qui se veut de « vraie gauche » n’évoque pas spécifiquement les personnes handicapées, et son équipe de campagne n’a rien à ajouter.
Arnaud Montebourg parlera… mais quand ? Autre ministre des gouvernements Ayrault et Valls (2012-2014), Arnaud Montebourg souhaite « poursuivre l’effort de la Nation en faveur de l’intégration des personnes en situation de handicap. L’intégration en milieu scolaire, le renforcement de l’offre d’établissements et de services, particulièrement pour la prise en charge de l’autisme, des handicaps rares et des personnes handicapées vieillissantes, l’insertion professionnelle et l’amélioration des maisons départementales des personnes handicapées constitueront mes priorités. » La poursuite de la politique actuelle en quelque sorte, avec un oubli de taille : l’accessibilité du cadre bâti et des transports. En dira-t-il davantage dans la « communication complète » qu’il annonce vouloir faire et que l’on attend encore ? Arnaud Montebourg propose également de revaloriser les minima sociaux « sur la durée du quinquennat », une couverture complète par la Sécurité Sociale des prothèses auditives et des lunettes, une mutuelle minimale à 10€ par mois pour les sous-smicards.
Vincent Peillon est toujours professeur. Idées vagues chez Vincent Peillon, avec des propositions portant essentiellement sur l’éducation, le candidat n’oubliant pas qu’il fut ministre de l’Education nationale du gouvernement Ayrault (2012-2014). S’il s’engage à mettre en oeuvre le 3e plan autisme, qui s’achèvera fin 2017, c’est avec un coup de pied de l’âne, en soulignant qu’il « comportait 37 mesures, et dont 22 mesures n’ont pas vu le jour – 6 seulement partiellement. » Evoquant à peine les besoins liés à l’insertion professionnelle dont il assumera pleinement le coût, sa perception des discriminations est restreinte à la religion ou la couleur de peau, oubliant que le handicap constitue la seconde cause de discrimination en France. Enfin, Vincent Peillon souhaite légaliser l’aide médicale à mourir, sans préciser qui pourrait la demander. Là encore, son équipe est aux abonnés absents.
Sylvia Pinel, le grand vide. Publié le 11 janvier, le programme présidentiel de la présidente du Parti Radical de Gauche, et ministre des gouvernements Ayrault et Valls (2012-2014), est vide de toute perception du handicap ou de proposition en faveur des personnes qui le vivent. Alors qu’il est très précis en matière de fiscalité et aides pour les entreprises. Tout juste peut-on relever la rénovation thermique et mise en accessibilité des bâtiments publics pour relancer le bâtiment (mais pas à titre principal pour faciliter la vie des usagers), l’accès aux minima sociaux (et leur éventuelle fusion) via un guichet unique, une réforme des retraites basée sur la durée d’activité qui désavantagerait fortement les travailleurs handicapés aux carrières irrégulières, le relèvement du minimum vieillesse (Allocation de Solidarité aux Personnes Agées) à 85% du SMIC. Globalement, le programme de Sylvia Pinel, seule femme candidate, réserve une part importante aux droits des femmes et à l’égalité hommes-femmes, mais son équipe ignore les personnes handicapées.
François de Rugy, le statu quo. Peu de choses à relever chez ce député qui a quitté Les Verts l’an dernier pour créer son groupuscule, le Parti Ecologiste, mais un propos qui se veut pragmatique : « Je suggère que le prochain mandat présidentiel repose sur un double engagement : qu’aucun des dispositifs législatifs existants ne fasse l’objet de remise en cause ou de recul dans son application. Je pense notamment en écrivant ces lignes aux ordonnances d’application – de recul – sur la loi handicap de 2005. Et le second engagement, c’est de renforcer, dans toutes les formations de personnels au contact du public la formation à la prise en charge du handicap. » Il se prononce également pour l’individualisation des parcours des élèves handicapés, la ratification de la charte des langues régionales qui inclut la Langue des Signes Française, le suicide médicalement assisté et le droit à l’euthanasie choisie. En négatif, on relève la suppression des avantages fiscaux défavorables à l’environnement, ce qui supprimerait sans contrepartie l’exemption des personnes handicapées du malus automobile écologique. Comme les autres, son équipe de campagne ne répond pas aux questions plus précises.
Manuel Valls, entre bilan et revirements. Son programme tel que publié en ligne se réduit à ces quelques mots : « Faire plus pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes vivant avec un handicap ». Venant du chef du Gouvernement (2014-2016) qui a porté au Parlement la réforme d’allègement de l’accessibilité du cadre bâti et des transports, a gelé les pensions d’invalidité, rentes accident du travail, AAH et aides au logement, le propos laisse songeur. Manuel Valls se prononce pour « un revenu décent, issu de la fusion des minima sociaux existants, pour toutes les personnes de plus de 18 ans résidant régulièrement sur le territoire sous conditions de ressources » sans indiquer le montant dudit revenu minimum non universel. Côté santé, « Améliorer l’accès aux soins en remboursant à 100%, c’est à dire sans ticket modérateur, un ensemble de soins de ville », là encore sans préciser le « panier » concerné. Pour les travailleurs, protéger leur santé « et compenser la pénibilité comme nous avons commencé de le faire avec le compte pénibilité », c’est-à-dire se contenter de ce que son Gouvernement a instauré. Manuel Valls n’évoque ni l’accessibilité, ni l’emploi, ni la vie autonome, domaines dans lesquels le Premier ministre Manuel Valls a conduit une politique négative et sur lesquels son équipe de campagne reste muette.
Laurent Lejard, janvier 2017.
Toujours envie de participer ? Suivez ce lien… Le comité technique d’organisation des primaires précise qu’elles sont organisées avec les mêmes dispositions d’accessibilité que pour un vote habituel, et que les bulletins sont téléchargeables au format PDF zippé et imprimables.