David Labarre, autoentrepreneur âgé de 29 ans, est connu des amateurs de cécifoot. Actuellement, il joue au Toulouse Football Club cécifoot, et il a surtout été un joueur essentiel de l’équipe de France avec laquelle il est vice-champion paralympique (Londres 2012) et d’Europe (2013). Il est l’un des très rares citoyens handicapés à se présenter aux suffrages des électeurs pour devenir député de la huitième circonscription de Haute-Garonne, les 11 et 18 juin prochains. Il se présente au nom du parti Résistons !, d’un candidat malchanceux à la Présidence de la République, Jean Lassalle.
Question : Qu’est-ce qui a conduit un joueur de cécifoot à s’engager en politique ?
David Labarre : J’ai arrêté le foot. J’aime beaucoup la politique, je n’ai jamais voulu en faire en étant sportif de haut-niveau parce que, pour moi, on ne mélange pas le sport et la politique. Après avoir quitté l’équipe de France, je me suis rapproché de Jean Lassalle parce que je le connaissais déjà, je voulais défendre le handicap au sein de l’élection présidentielle. Je pense qu’on n’en parle pas du tout, donc c’était un devoir, une obligation pour moi de parler de ça, et Jean Lassalle a été quelqu’un d’extraordinaire, il m’a ouvert les bras, m’a dit « il faut que tu viennes avec moi ». Je suis entré dans son équipe de campagne et je l’ai suivi pendant deux jours sur tous les plateaux télés. On a discuté, il a appris beaucoup de choses, et après les élections présidentielles il m’a rappelé en me proposant de me lancer pour les législatives. Ça a été pour moi une grosse réflexion, parce qu’on prend beaucoup sur soi, il y a des sacrifices à faire. Mais comme je suis un homme qui fonce partout, qui fait les choses à fond, je lui ai dit « allez, on y va » !
Question : Outre la rencontre avec un homme politique atypique, c’est votre parcours personnel qui vous a conduit à vous engager en politique ?
David Labarre : Je suis quelqu’un qui aime la politique, mais pas comme elle est faite aujourd’hui. Je suis quelqu’un du peuple, issu de la vie civile, je ne suis pas carriériste, je voudrais faire changer les choses et notamment qu’une personne comme moi puisse faire changer les choses.
Question : Pour vous, c’est quoi la politique ?
David Labarre : C’est gérer, comprendre, écouter et aider les gens. Voilà, c’est ça la politique pour moi. Ce n’est pas renvoyer des ascenseurs ou des choses comme ça. C’est agir pour aider la population à être heureuse et bien vivre.
Question : Dans votre encore courte expérience d’action politique aux côtés de Jean Lassalle, quelle différence avez-vous constaté dans les rapports avec les gens entre Paris et votre région ?
David Labarre : Dans la région où j’ai grandi, les gens sont très gentils. Ils sont plus ruraux, ce sont des montagnards, c’est une autre forme d’approche. C’est extraordinaire parce que je peux rencontrer des citadins, dans ma circonscription il y a une grande ville, je peux rencontrer des paysans, des ouvriers, c’est enrichissant pour moi.
Question : Quand vous allez au contact tract à la main avec votre équipe de campagne, comment ça se passe lorsque les gens voient que vous êtes aveugle ?
David Labarre : Ça se passe très bien, et c’est pour cela qu’il faut faire attention parce que les gens peuvent avoir parfois un sentiment de pitié. Je ne suis pas du tout dans cette approche, je veux être considéré comme un candidat normal, je suis un candidat normal. Mon message passe très bien, sur les marchés, lors des rendez-vous. C’est pour cela qu’il faut faire attention, il y a eu une fois un débordement, je me suis fait traiter comme quoi « les handicapés, on payait trop pour eux »… Ça a été le seul incident.
Question : Justement, quel est le message que vous proposez pour votre circonscription ?
David Labarre : J’ai bâti un programme sur le Comminges. Je défendrai le Comminges, et je défendrai après les 12 millions de personnes handicapées. Sur le Comminges, mon programme est très clair, c’est le maintien des usines, c’est très important, et le développement du télétravail. On est dans une région qui est désertique, beaucoup d’habitants de Toulouse et de grandes villes françaises rêvent, je pense, de venir s’installer ici pour travailler chez eux. Le problème c’est qu’ils n’ont pas Internet et que le réseau téléphonique n’est jamais trop fiable, donc il faut développer tout ça. Je voudrais aussi créer un village de start-up, attirer une importante entreprise du genre Airbus. Il y a une désertification des jeunes qui partent sur la métropole toulousaine parce que dans la circonscription il n’y a pas de BTS, après leur bac pro, ils partent. Il faut créer des BTS, ça ne coûtera rien parce qu’on a déjà les infrastructures, pour maintenir nos jeunes ici. Je voudrais aussi créer une AOC du Comminges pour faire rayonner tous les petits producteurs au niveau national. C’est une partie de mon programme, parce qu’il se construit de jour en jour sur le ressenti des gens
Question : Quelles sont vos propositions pour les personnes handicapées ?
David Labarre : Je veux faire bouger les lignes. Aujourd’hui, une personne handicapée qui touche l’Allocation aux Adultes Handicapés ne peut pas prendre de crédit à la banque; si elle vit en concubinage, son AAH va diminuer, ce sont des choses qui ne sont pas normales. Je me battrai aussi sur l’accessibilité. Aujourd’hui, on la fait parce qu’il faut la faire; par exemple, on construit un bâtiment neuf avec un ascenseur accessible pour les déficients visuels mais on ne va pas rendre accessible le chemin entre l’entrée et l’ascenseur ! On doit faire l’accessibilité à 100%.
Question : Si vous êtes élu à l’Assemblée Nationale le 18 juin, vous deviendrez le second député aveugle après Georges Scapini (1928-1940), qu’est-ce que cela vous inspire ?
David Labarre : Je pense qu’un aveugle sera doublement écouté à l’Assemblée. Pour l’instant, je ne pense pas trop à tout ça. Je me concentre pour être au second tour, c’est déjà très important. Mais si j’ai l’honneur d’être élu par le peuple commingeois, je ferai tout pour faire rayonner le Comminges, et que les gens soient fiers d’une personne handicapée.
Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2017.