Les citoyens français vont élire le 26 mai leurs représentants au Parlement Européen, pour un mandat de cinq ans. 34 listes de 79 candidats ont été déposées, ce qui devrait entrainer un émiettement favorisant celles qui récolteront le plus grand nombre de voix : il est en effet nécessaire d’obtenir au moins 5% des suffrages pour obtenir un siège, le scrutin proportionnel à la plus forte moyenne reposant sur une répartition nationale. Dans ces conditions, il est probable que la France n’enverra au Parlement Européen aucun député handicapé : placée en 27e position sur la liste macroniste « Renaissance », Charline Mathiaut (qui a refusé de s’exprimer sur sa candidature, lire l’actualité du 10 avril 2019) est à la limite de l’éligibilité, et Sébastien Peytavie (11e sur la liste Génération.s) est tributaire du résultat qu’obtiendra le parti de Benoît Hamon. Avec un rattrapage possible lorsque le Royaume-Uni quittera effectivement l’Union Européenne, la France récupérant alors cinq députés : 74 sièges seulement seront attribués après le scrutin du 26 mai.
Ce pataquès est parfaitement représentatif de ce qu’est devenue l’Union Européenne. Son omnipotente Commission non élue a été présidée ces cinq dernières années par l’ancien Premier ministre du Luxembourg qui avait élaboré et déployé dans son pays un système d’imposition favorisant les entreprises qui se sont empressées de domicilier leur siège social dans ce paradis fiscal. Il n’est donc pas étonnant que le mandat de Jean-Claude Juncker ait été marqué par une inertie totale en matière d’harmonisation fiscale et de lutte contre le dumping social ; c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Garant du système monétaire européen, le président de la Banque Centrale Européenne ces huit dernières années a distribué aux banques 3.000 milliards d’euros sans contrepartie pour financiariser davantage l’économie, approche logique pour l’ancien vice-président d’une banque américaine qui a contribué à trafiquer la comptabilité publique de la Grèce afin de masquer son déficit. On connaît le résultat, avec une faillite publique, une baisse des salaires et des retraites accompagnée d’une hausse des impôts et taxes ainsi que d’une vente sous contrainte d’entreprises publiques et sites patrimoniaux grecs à des sociétés privées promues par la Commission Européenne et la BCE. Du (haut) vol.
Dans un tel contexte, les populations ne comptent guère et les européens handicapés ont peu vu leur situation évoluer. Le traité de Marrakech du 27 juin 2013 instituant une exception mondiale en faveur de l’édition adaptée a été laborieusement ratifié par l’Union Européenne après quatre ans de procédure opaque (lire l’actualité du 11 mai 2017), une directive européenne sur l’accessibilité numérique a été adoptée en octobre 2016, et l’Acte européen d’accessibilité précédemment annoncé pour 2014 a finalement été adopté il y a quelques semaines, mais pas encore publié. Il est encore prématuré de tenter de l’analyser mais les observateurs estiment que son ambition initiale a été fortement rabotée par l’action des lobbies au fil de son élaboration. A cet égard, le Forum Européen des Personnes Handicapées, présidé par l’inamovible Yannis Vardakastanis qui voit défiler depuis 20 ans députés et dirigeants, n’a guère fait le poids. « A ce moment, on n’a pas préparé un bilan », répond son porte-parole quand on l’interroge sur la mandature qui s’achève. Si son plaidoyer « 10 raisons de voter aux élections européennes » liste les droits dont disposent les Européens handicapés, il ne peut que constater l’impossibilité pour eux de s’établir librement dans un pays de l’Union : « Cela s’explique car si l’UE coordonne les systèmes de sécurité sociale, certains pays européens ne sont toujours pas à jour : il y a quelques semaines, par exemple ils ont refusé de nouvelles règles qui auraient permis la mise en place d’un système plus intégré. » L’harmonisation et la transférabilité des droits sociaux liés au handicap n’existent pas, il faut remplir les conditions spécifiques à chaque pays et justifier à nouveau de son handicap pour y vivre et travailler. « Le jour où les pays membres parviendront à une harmonisation, il y aura du travail pour les Etats, constate Florian Guzdek, président du Conseil français pour les questions européennes (CFHE). Il ne faut pas que l’Union Européenne oublie son rôle et ses devoirs. Pourquoi devrait-elle uniquement s’engager sur les marchés financiers ? »
De son côté, la politique française a réduit les droits européens de ses nationaux. Le Gouvernement a en effet refusé d’expérimenter la Carte Européenne d’invalidité (lire l’actualité du 17 mai 2017), déployée dans huit pays membres seulement, parce que la France créait alors la carte mobilité inclusion (CMI). Résultat, la CMI stationnement n’est pas reconnue par tous les pays de l’Union Européenne et des Français handicapés sont verbalisés. Par ailleurs, la transposition en droit français de la directive européenne sur l’accessibilité numérique s’effectue a minima, sans réelle obligation de résultat, maintenant une volonté politique de façade alors que la réalité est à l’opposé (lire cette analyse). Enfin, lors de la réforme de l’accessibilité des années 2014-2015, la nouvelle législation française a supprimé la procédure de plainte instituée par le Règlement Européen sur les transports routiers de passagers sans que cela ne soulève la moindre objection ; il faut dire que ces plaintes n’aboutissaient jamais…
Laurent Lejard, mai 2019.
Pour vous informer sur les « politiques sociales en Europe », le Fonds Handicap & Société a réalisé une brochure téléchargeable qui résume l’action de l’Union Européenne en matière de santé, pauvreté, handicap et autonomie, et présente sur ces sujets les propositions de formations politiques françaises qui lui ont répondu. Les listes de candidats et professions de foi des différentes formations sont publiées quant à elles sur ce site du ministère de l’intérieur, en PDF et version sonore, ainsi que, pour quelques-unes, en texte et sonore « facile à lire et à comprendre ».