Évoquer quelques moments et séquences de la vie politique en toutes connaissances accessibles du passé n’est pas polémiquer, mais tenter de comprendre pour le présent, afin de mieux respirer à l’avenir, changer d’airs. La Conférence Nationale de la Santé, instance consultative de 130 membres, inscrivait ce message en exergue du rapport d’activité 2011 de la Commission des Droits des Usagers de la santé (CDU) : « Embrasser une approche globale de la santé ».
Lors de l’examen en mars 2015 par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale des articles du projet de loi relatif à la santé, alors qu’était préfigurée la création de l’agence Santé Publique France, le député et médecin Élie Aboud (Les Républicains) soulignait : « Nous souhaitions garantir que les associations d’usagers agréées par les agences régionales de santé (ARS) soient davantage impliquées dans la gestion de la politique de santé, ce que le rapporteur a refusé. Or, à l’alinéa 16 sont évoquées l’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire des associations. De deux choses l’une : soit ces associations sont impliquées avec l’État dans la gestion de la politique de santé publique, soit elles ne le sont pas. »
Le rapporteur du texte, Olivier Véran alors député socialiste, répondit sur la forme: « Avis défavorable. Ce que nous souhaitons, c’est faire participer la population et assurer sa pleine information, et non pas seulement garantir la transparence des décisions prises par l’administration ou par les médecins. Notre rédaction va donc plus loin que la vôtre. » La transparence garantie, vraiment ?
Les droits aux savoirs.
Notre mémoire retiendra que sur la période de 2013 à 2015, jusqu’à la création de Santé publique France, dans un souci de « prévention de la rationalisation » des stocks de masques de protection sanitaire, de délitement des moyens de l’hôpital et de gestions des dépenses, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) a vu ses financements baisser de près de 47%. Créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, il assurait sous la tutelle du ministère de la Santé la gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves, tant du point de vue humain (réserve sanitaire) qu’au plan matériel (produits de santé).
A l’issue de l’allocution du Président de la République du 13 avril 2020 repoussant au 11 mai la période stricte de confinement à domicile de l’ensemble de la population, notre mémoire collective de confinés retiendra que lors des manifestations et heurts avec les forces de l’ordre des stocks de masques furent préservés, que les manifestants avaient déjà appris à en confectionner, en acheter pour se défendre des produits dangereux projetés par les « forces de l’ordre » sur des blouses blanches par exemple, et des patients également…
Mais nous citoyens, avions-nous le droit de savoir qu’il n’y avait pas de stocks ? Que les entreprises et donc les établissements et services médico-sociaux auraient dû les commander en Chine ou bien en Inde avant de craindre et de vivre la mort dans un pays qui ne dispose pas de stratégie du respect de la biodiversité, de l’environnement, c’est-à-dire de la vie ?
La vie est-elle consultative ?
La démocratie sanitaire n’a pas été respectée, les différentes instances consultatives en lien avec les exécutifs et les Agences Régionales de Santé, tels les Conseils Territoriaux de Santé, la Conférence nationale de Santé, les commissions Prévention ou Droits des Usagers des Conférences Régionales de la Santé et de l’Autonomie, le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie, Conseils des Droits des Usagers des établissements hospitaliers ou bien des Groupements Hospitaliers Territoriaux, les Conseils de Vie Sociale, comités d’entente, collectifs, tous leurs membres, le Conseil Economique Social et Environnemental et ses entités dans les régions, qui représentent des millions de citoyens n’ont pas été respectés, n’ont pas eu accès à ces informations.
Pas plus, évidemment, que les membres du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sollicité à deux reprises récemment, entre autres sujets sur les tris des patients, et ceux du conseil pour les questions sémantiques, sociologiques et éthiques au sein du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). Des milliers de personnes investies dans des actions solidaires et d’accompagnements, qui représentent des organisations économiques, sociales et environnementales, ont été ignorées ou bien écoutées avec condescendance.
Ordonnances pour mieux vivre ensemble.
Les citoyens se débrouillent fraternellement, solidairement pour l’accès égal aux soins pour tous, et ne sont toujours pas tous testés, ni protégés. Entre les projets de lois demeurés à l’état de projets tels la création d’un 5e risque de protection sociale [lire les actualités des 25 avril 2008, 31 mars 2009 et 6 février 2013 NDLR], celle du Grand âge, d’autres élans sont impérieux pour la protection des enfants et des jeunes, les soutiens aux familles, un véritable revenu d’existence pour tous ainsi que la reconnaissance du droit fondamental de vivre à domicile et d’y être soigné jusqu’en fin de vie, droits qui doivent être appliqués avant la fin de ce quinquennat.
Anticiper et protéger les besoins en oxygène, je pense que les Français y veilleront sans tomber dans les pièges des simplifications qui altèrent les ventilations des crédits et la confiance. Constitutionnaliser la protection de l’environnement en même temps qu’orienter la création monétaire par des investissements ciblés sur la transition écologique et la santé, via un Pacte « Finance-climat et santé » européen, peuvent être décidés. Que des chaos persistent en changeant de nature, ne signifie pas qu’ils doivent durer, tant nous aimons la vie, nous les Français qui avons confiance dans la vérité des faits. Refaire société ensemble pour « l’après » ou bien « l’après demain » a déjà commencé par les solidarités inventives, réactives, qui sauvent des vies. Nous le savons toutes et tous, des moyens financiers pour l’accès égal aux services publics sans stratégies des biens communs est discriminatoire, mortel.
La protection des populations et de leurs projets de vie, les espérances de la jeunesse, les rêves des enfants, nos joies sont redevenues des priorités évidentes… et non consultatives. Les handicaps sans solutions, c’est terminé, nous ne voulons plus en entendre parler, et pour toujours. #RienPourNousSansNous !
Claude Boulanger-Reijnen, Vice-président de la Commission Transports et Mobilités du Conseil Economique, Social et Environnemental Île de France, mai 2020.