« Acceptez-vous d’être privé de toute ressource et d’être dépendant de votre future femme ici présente ? » C’est à cette question qu’a dû répondre Maxime Bouche devant la mairie de Tourcoing (Nord), le 7 mars dernier. Né avec une infirmité motrice cérébrale à Lille il y a 42 ans, il s’est ce matin-là marié pour l’exemple avec Katy Vuylsteker, conseillère municipale Europe Ecologie-Les Verts. « Il est difficile dans cette période de pandémie d’organiser des événements sur un sujet qui touche plusieurs de nos militants. On a voulu prendre du plaisir à militer et ça nous est apparu amusant, avec bouquet, tenue de mariage, chapeau haut-de-forme. Des gens ont moins de droits que d’autres, c’est su et débattu, et balayé par des dirigeants qui disent qu’il n’y a pas les moyens. » La volonté des écolos tourquennois était de mobiliser sur ce droit à vivre en couple sans être puni : « Il y a une erreur de certains politiques qui croient que les personnes handicapées ne peuvent se mobiliser, alors qu’elles sont très militantes et engagées. »
En campagne chez Les Verts
Engagé, Maxime Bouche l’est au sein des Verts : il était candidat aux élections municipales de Tourcoing le 15 mars 2020, 6e d’une liste qui n’a obtenu que deux élus lors d’un scrutin bouclé dès le premier tour. « La campagne des municipales a été un tourbillon, c’était chouette. J’ai mis beaucoup de choses entre parenthèses pendant deux mois. Mon intégration a été aisée au sein des militants. J’avais en charge les volets culture et ville accessible, des rencontres avec des associations pour élaborer un projet viable et durable. On a organisé beaucoup de réunions en petits groupes chez l’habitant, la plupart étaient néophytes. » C’est la première fois que les Verts partaient seuls en campagne municipale à Tourcoing dont le premier adjoint sortant n’était autre que l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Maxime Bouche ne s’était pas encore engagé dans l’action politique locale : « C’est un ancien responsable des Verts de Tourcoing, exilé à Marseille, qui m’a appelé pour me proposer de les rejoindre. » Mais il est déjà bien ancré dans la vie locale ; s’il a grandit à Roncq, il vit à Tourcoing depuis 20 ans, est impliqué dans des actions culturelles depuis ses 18 ans, et joue dans l’orchestre d’harmonie de la ville (OHTG), le plus réputé des cinq que compte ce fief de ce genre musical. Après le lycée et un BTS, il est entré dans la banque par hasard, en emploi d’été, puis en apprentissage, et travaille actuellement comme conseiller clientèle dans un centre de relation clients : « Je faisais des études de musique mais pour des raisons d’endurance liées à mon handicap, je n’ai pas pu présenter les concours d’entrée dans d’importants conservatoires. Je suis né à 7 mois et demi de grossesse en 1979 mais le diagnostic d’une IMC n’a été fait qu’à mes 18 mois. J’avais des difficultés à tenir debout, j’ai fait de la kiné, de la balnéo, de l’ergothérapie. » Cette infirmité motrice cérébrale n’a toutefois pas atteint la parole mais il subit une perte progressive d’autonomie debout qui l’a conduit à passer au fauteuil roulant manuel il y a cinq ans; précédemment il utilisait des béquilles. Tout cela ne l’a jamais empêché de jouer de la musique avec son instrument de prédilection, le cor : « Je joue du cor d’harmonie, le french horn, héritier du cor de chasse. On est présents dans tous les orchestres en faisant le lien entre trompettes-trombones et les bois. Il faut avoir du souffle, je travaille sur la colonne d’air. »
Le plaisir chevillé au cor
Son plaisir de jouer, il le fait partager en enseignant dans une école de musique associative, et vers des publics qui ne pratiquent pas spontanément la musique, pour amener des enfants au conservatoire : « Avec des collègues, on a créé un orchestre de cor, le Pop K’Horn, pour faire découvrir l’instrument avec un répertoire populaire allant de Renaud à Supertramp en passant par Harry Potter. On adapte des partitions pour que nos élèves intègrent l’orchestre très vite puis progressent rapidement. C’est l’antichambre de l’orchestre d’harmonie et de conservatoire. Je m’occupe également d’une compagnie de danse créée avec Louise Langlet pendant le premier confinement du printemps 2020, Grains de Grenade. En lien avec la culture iranienne via une amie artiste, une vingtaine de danseurs va créer des spectacles locaux : le premier, En toute liberté, met en action des danseurs de 11 à 25 ans, pour parler de la situation actuelle et comment ils s’y projettent. Ils ont choisi la musique, on a fait une vidéo d’appartement, et on est en fin de tournage d’une autre vidéo dans divers lieux de la ville, qui a déjà accepté de la diffuser. »
Maxime Bouche se définit « Écolo dans l’âme, plutôt à gauche, et très à gauche. Au moment des élections présidentielles, des connaissances du Parti Socialiste m’ont proposé de les rejoindre pour se joindre à En Marche, je ne comprenais pas que des socialistes trahissent le PS. J’ai rencontré les écolos dans le cadre des dernières municipales, à un bon moment pour me tourner vers les autres. A Tourcoing, c’est compliqué, au quotidien, de donner à réfléchir aux gens sur les enjeux, mais des solutions existent avec les conseils de quartier. Mon dada, c’est la ville accessible : la population vieillit et il est nécessaire de réfléchir à des solutions permettant à chacun de se déplacer, et d’inverser la bétonisation. » Il apprécie la solidarité et de l’entraide qui restent des valeurs ancrées chez les gens du Nord. Et à mille lieues de la politique politicienne : « Je suis assez loin de ces jeux politiciens, pas impliqué dans les tendances et les calculs. Je suis venu chez les Verts en rencontrant des gens de conviction, de valeur, en espérant être utile. Moi qui ai fréquenté pendant 10 ans une organisation syndicale, la CFDT, les querelles internes et les courants sont vieux comme le monde ! »
Que fera-t-il dans quelques semaines ? « J’ai envie de m’engager pour les élections départementales et régionales mais je vais devoir faire des choix, notamment pour les régionales. J’en discuterai bientôt avec la formation. Mais sans faire acte de candidature. J’aimerais rester sur ce qu’on a semé lors des municipales, m’investir au niveau local. J’ai besoin de ce contact auprès des citoyens. » Et aussi de musique…
Laurent Lejard, mars 2021.