Olga est née à Cotonou (République du Bénin, ex- Dahomey) en 1964. Ses parents avaient choisi de conserver la nationalité française lors de la décolonisation de ce pays africain par la France en 1960. C’est ce qui a permis à la petite Olga de pouvoir bénéficier de soins appropriés à sa malvoyance, et d’accéder à un enseignement d’abord à l’Institut national des jeunes aveugles de Lyon puis à partir de 1976 dans le circuit ordinaire. « Je voulais aller à l’école comme mes soeurs et mon frère. Ca a été très difficile, mes parents ont dû se battre, ma mère m’a fait scolariser contre le gré des enseignants. Parce que cela s’est avéré plus simple, je suis entré dans un établissement privé, je pouvais plus aisément déployer mon attirail : loupes, jumelles ». Des outils qu’Olga prête à ses camarades qui la voyaient « comme un petit enfant tombé de la Lune ». Ou plutôt échangeait contre un peu d’aide pour les leçons. « Même aujourd’hui, mon autonomie passe par les autres. Je ne suis pas assistée mais quand je ne peux pas faire une chose, je demande de l’aide sans hésiter. Si je n’agissais pas ainsi, j’aurais été larguée ».
L’apprentissage de la discrimination. Olga suivra des études en langues étrangères appliquées qui la conduiront à exercer quelques années comme interprète- traductrice. Avec bien des difficultés : « les employeurs n’ont pas l’habitude de voir dans ce métier une femme noire et presque aveugle. C’est dans ce travail que j’ai subi la discrimination. Quelque part, je choquais, je ne correspondais pas à la norme. Et pourtant je travaillais à l’international, j’aurais pu entrer à l’Organisation des Nations-Unies, ma formation me le permettait. Mais la discrimination m’a fait fuir le métier. Ca n’aurait certainement pas été pareil si j’avais été secrétaire, mannequin ou chanteuse : c’est dans ces rôles qu’on aime bien voir les femmes noires ».
Le séjour d’Olga aux USA, lors de ses études universitaires, demeure une expérience très forte: « l’accueil des étudiants handicapés est superbe. On m’a tout de suite attribué un professeur pour revoir mes notes de cours, agrandir mes copies, m’expliquer des points mal compris ». Un professeur, pas un Emploi- Jeune. « Tout n’est pas parfait aux USA mais avec un système similaire en France, je ne serais peut-être pas allé plus loin mais j’aurais appris plus vite. Et je serais peut-être entrée directement dans le journalisme ». C’est en effet durant ses années universitaires qu’Olga a l’idée de collecter dans un recueil des notes et textes d’articles agrandis en gros caractères. Mais c’est en 1995 qu’elle se lance dans l’aventure de la création d’un nouveau média.
L’aventure de l’Agrandi. « Du fait de ma malvoyance, il me fallait une activité professionnelle plus flexible. Le journalisme me convenait mieux que l’interprétariat ». Si sa décision a été vite prise, il aura fallu qu’Olga puisse faire accepter l’idée que le Braille ou le « sonore » ne conviennent pas aux malvoyants : « il fallait convaincre qu’ils peuvent lire. Même avec un faible potentiel visuel, il faut exercer sa vue. Garder le plaisir de l’écriture et de la lecture ». Elle a donc créé L’Agrandi, premier magazine d’actualités générales en gros caractères. Tout en réservant une partie aux informations utiles aux malvoyants : activités artistiques ou de loisirs adaptées, conseils de vie pratique. « Le groupe l’Express a accueilli l’idée à bras ouverts, ce qui a ouvert bien des portes ». L’Agrandi reprend essentiellement des articles parus dans la presse magazine et quotidienne et dont les auteurs et publications renoncent à leurs droits. Olga pense que cette presse s’y retrouve, en image de marque et en renouant le contact avec un lectorat qui ne peut plus lire une édition traditionnelle. Pourtant, malgré qu’une grande partie du contenu soit fournie à titre gratuit, l’équilibre financier n’a été trouvé que depuis 18 mois : « la fabrication coûte cher, nous utilisons un papier anti- reflets plus coûteux ». Dans cette aventure, Olga a su tirer avantage de la couleur de sa peau qu’elle perçoit comme un attrait de l’exotisme chez l’homme. Il n’y a guère que son banquier qui n’ait pas succombé au charme !
L’Agrandi est entré dans une période cruciale de son existence : le magazine cherche les moyens d’assurer un développement durable. Dans l’indifférence des groupes de presse, essentiellement dirigés par des hommes, qui ne sont pas prêts à investir dans ce qu’ils considèrent être un micro- marché. Olga a encore des batailles à mener, même si elle voudrait déléguer pour passer plus de temps avec ses deux enfants : » je veux les voir grandir ». Elle prépare activement le septième anniversaire de l’Agrandi qui sera célébré en février 2002 à la faveur du centième numéro du magazine.
Laurent Lejard, octobre 2001.