Beaucoup de télespéctateurs français connaissent Jeanne Pelat, porte-parole du Téléthon 2004. Agée alors de huit ans, sa myopathie s’était déclarée deux ans auparavant, en décembre 2002; elle avait eu des mots forts, pour l’évoquer, lors d’un reportage d’actualités, parlant de son rêve d’un « Docteur Saitout » qui fabriquerait des remèdes magiques. Jeanne fut alors choisie pour incarner les personnes touchées par les myopathies et les autres maladies d’origine génétique. De retour à Paris à l’occasion du Téléthon 2005, ses parents racontent comment leur vie a changé, et leur façon d’affronter la maladie : « Dès le début, on a été accompagnés par le Service Régional d’Aides et d’Informations de l’A.F.M, expliquent Isabelle et Jean-Pierre Pelat. Jeanne est touchée par une forme fulgurante de myopathie, dont le diagnostic n’est pas vraiment fixé. Un an après l’apparition de la maladie, elle a perdu la marche. Notre vie de famille a été bouleversée. Il y a un an, on était dans l’espoir, depuis, on vit la galère. Il n’y a pas eu de temps de répit pour Jeanne, l’évolution de sa maladie ne la fait rentrer dans aucune ‘case’. D’autant qu’elle a d’autres soucis de santé, dont une maladie génétique qui desquame sa peau ».
Les deux parents travaillent, et aucun ne peut envisager d’arrêter, au risque de rompre le fragile équilibre des ressources du foyer : leurs salaires cumulés approchent les 3.000€ mensuels, revenu qui leur permettait une vie correcte avant la maladie de Jeanne. « Depuis, on a dû déménager dans une autre maison aux pièces plus vastes, que l’on doit aménager, en restant à proximité des établissements de soins et de l’institution qui reçoit Jeanne durant la journée. On avait fait construire une maison et emprunté pour cela, on a dû faire un nouvel emprunt, acheter une autre voiture, acquérir des aides techniques pour Jeanne, toutes nos économies y sont passées. Il faut réaliser pour 40.000€ de travaux d’aménagements; on a 8.500€ de subventions, l’Association pour le Logement des Grands Invalides (ALGI) nous accorde 5.000€ mais en conserve 1.000 au titre des ‘frais de dossier’ ! L’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat a refusé tout net de nous aider : les relations vers l’agence ont été infectes, on nous a répondu que les membres de leur Commission avaient bien d’autres soucis ! On doit contracter un nouvel emprunt de 10.000€, endetter nos enfants, on n’en peut plus. On nous répond qu’on ne sait pas comment le Dispositif Vie Autonome fonctionne, mais on ne peut pas attendre un an, le temps d’instruire le dossier, pour aménager la salle de bains de Jeanne. Nous sommes usés. La maladie est un combat quotidien, l’administratif est un épuisement ».
Isabelle et Jean-Pierre Pelat ne peuvent, parce que leurs revenus dépassent le plafond de ressources, bénéficier d’aides à domicile : « On se relaie auprès de Jeanne, on ne se rappelle plus quand on a pu passer une nuit complète de sommeil. L’administration ne prend pas en compte la spécificité d’une situation, elle fonctionne sur des plafonds de ressources. On n’a pas de voiture aménagée, on ne part plus en vacances parce qu’on n’a pas l’argent et que ça demande de l’énergie pour se renseigner sur l’accessibilité. Des amis nous invitent mais on ne peut pas répondre; il faut trouver un kiné, des soignants, pour un jour ou deux, Jeanne ne peut pas rester sans soins ». Les Pelat ne perçoivent que le troisième complément d’Allocation d’Éducation Spéciale. Ce qui a quand même eu pour effet, puisque l’allocation est comptée dans les ressources familiales, d’entraîner une hausse de la tarification de la cantine et des activités péri-scolaires de tous les enfants du foyer : « Si on tient encore debout, c’est grâce à l’A.F.M. Une technicienne d’insertion nous accompagne comme une amie, nous oriente, nous conseille financièrement. Elle prend le relais pour certaines actions, les relations avec des institutions. Et c’est sur son épaule que nous pleurons, on ne veut pas se plaindre auprès de nos familles. Et on sait que l’A.F.M nous apportera le financement qui nous manquera quand les décisions des organismes auront été prises ».
« Notre espoir, c’est que Jeanne puisse avoir sa chambre, que les conditions de vie de la famille s’améliorent. Nous avons deux autres enfants; le plus petit, Paul-Henri (6 ans), on lui a volé sa petite enfance, on s’est retrouvé dans les hôpitaux avec Jeanne, c’est elle que l’on portait et pas lui. Il est très en colère contre la maladie, dit des gros mots contre cette myopathie. Mais il est plein de vie, il joue et sa bonne humeur redonne de la joie à tout le monde. Pour le grand, Valentin (15 ans), c’est différent, il n’accepte pas la maladie de Jeanne, il a peur qu’elle meure jeune. C’est lui qui parle de la mort, nos enfants nous disent ce que nous n’exprimons pas. Valentin se concentre énormément sur le travail scolaire, pour nous épargner du souci. Paul-Henri éprouve la souffrance de sa soeur, ils vivent une histoire qui n’est pas de leur âge, ils sont confrontés à la fatalité et à la vie, qui reste belle. Et nous fait savourer à 200% des moments simples »…
Laurent Lejard, décembre 2005.