La campagne pour l’élection présidentielle aura eu le mérite de mettre sous les feux de l’actualité l’intégration scolaire des enfants et des jeunes handicapés. Depuis le vif incident qui opposa Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy, les ministres n’ont ménagé ni leur temps ni leurs interventions publiques. Le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, annonçait dès le début du mois d’août la création de 2.700 postes supplémentaires d’auxiliaires de vie scolaire. Puis vint le lancement d’une plate-forme téléphonique d’information et de conseil destinée aux parents d’enfants handicapés en difficulté de scolarisation. Dotée d’importants moyens en matériel et personnels de l’éducation nationale (26 agents), elle remplace le service équivalent qui était assuré par Handiscol, programme national d’action initié par Ségolène Royal en 1999. La ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a signé avec le président de la conférence des présidents d’université une charte handicap et annoncé le déblocage d’un budget de 4 millions d’euros pour financer la création de points d’accueil, d’information et de suivi des étudiants dans chaque établissement universitaire.
À la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves des écoles publiques (F.C.P.E), Catherine Belhomme estime que ça cafouille encore : « Je n’ai jamais reçu autant d’appels de parents que pour la rentrée 2007. Il y a des annonces de créations de postes supplémentaires d’auxiliaires de vie scolaire, mais nombre d’enfants n’ont pas reçu de notification de la part de la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée. Nous constatons beaucoup plus de difficultés pour cette rentrée par rapport aux années précédentes. L’éducation nationale et les Maisons Départementales des Personnes Handicapées n’ont pas un fonctionnement synchronisé ». Elle déplore que le lien entre la commission décisionnaire et l’éducation nationale soit distendu, que les parents soient mal informés du nouveau dispositif et n’aient pas connaissance de la création d’enseignants référents pouvant les aider, que les enseignants soient peu formés à l’accueil d’élèves handicapés.
Même constat à la Fédération des Parents d’Elèves de l’Enseignement Public (PEEP), qui lance une enquête dans son réseau départemental : « Nous constatons d’importantes disparités de traitement d’un département à l’autre, commente Yves Poisson, chargé du dossier pour la Fédération. Dans les petits départements, ça se passe bien, mais pas dans ceux qui sont très peuplés. Si les parents apparaissent mieux informés, ils demandent souvent une présence plus importante de l’auxiliaire de vie scolaire affecté à leur enfant avec un nombre d’heures qu’ils estiment insuffisant ». Pour la PEEP, cette situation résulte de la difficulté des M.D.P.H d’instruire correctement les demandes du fait de leur manque de moyens humains alors qu’elles ont peu de temps pour se prononcer, entre l’inscription scolaire en juin et la rentrée de septembre.
Deux associations de personnes handicapées ont ouvert un service téléphonique d’information et de conseil. Handicap Assistance, géré par l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH), constate peu de difficultés dans la scolarisation mais relève des problèmes périphériques : accessibilité des établissements, sujet sur lequel les municipalités se renvoient la balle avec l’éducation nationale, transports, assurance, etc. L’association estime que le rythme des appels est identique à celui de 2006 : « Ce qui revient souvent, explique Nicolas Corato, directeur de la communication, c’est trop de scolarisation à temps partiel ». À l’Association des Paralysés de France (A.P.F), 230 appels avaient été reçus à la date du 4 septembre : « Ils concernent en fait tous les types de situation de handicap, commente Sylvaine Séré de Rivières, attachée de presse. Ce sont essentiellement des parents qui appellent, ainsi que des candidats à la fonction d’auxiliaire de vie scolaire pour des renseignements sur les démarches à effectuer ». Là encore, l’essentiel du questionnement concerne l’aide aux élèves, la difficulté à obtenir de l’information de la part de l’éducation nationale, l’accueil à temps partiel, le rôle effectif des enseignants référents. L’absence de coordination entre Inspection Académique et M.D.P.H est fréquemment évoquée.
La plate-forme téléphonique mise en place par le ministère de l’éducation nationale a reçu 3.000 appels en 12 jours de fonctionnement : « Nous n’avons eu à traiter qu’un seul refus d’inscription à l’école et aucun dans les collèges ou lycées, constate Pierre-François Gachet, Chef du bureau de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés. La plupart des demandes des parents concernent le retard pris par les C.D.A.P.H à prendre une décision d’affectation d’un auxiliaire de vie scolaire, ainsi que le manque de place dans les établissements et services de l’éducation spécialisée. La moitié des problèmes sont résolus dans la journée, les autres en quelques jours ». Selon le ministère de l’éducation nationale, la dotation insuffisante en moyens humains des équipes pluridisciplinaires des M.D.P.H expliquerait la majeure partie des difficultés rencontrées par les parents; une anticipation dans le traitement des demandes pour obtenir des décisions avant le 14 juillet permettrait à l’éducation nationale d’affecter bien avant la rentrée scolaire les A.V.S nécessaires. Une anticipation également indispensable pour que les élèves disposent des matériels adaptés à leur handicap : les procédures d’achat public que l’éducation nationale doit respecter prennent du temps, un mois au minimum même en cas d’urgence, les enseignants référents pouvant avoir un rôle clé dans l’établissement plusieurs mois avant la rentrée scolaire des besoins des élèves handicapés dont ils ont la charge. Quant au dossier de l’édition scolaire adaptée, il est au point mort, victime de l’incapacité des éditeurs et des associations de personnes handicapées à s’entendre (lire cette présentation).
La rentrée scolaire des élèves handicapés a été suivie de près par le Ministère de l’éducation nationale. « 203 nouvelles unités pédagogiques d’intégration ont effectivement été créées lors de cette rentrée, précise Marie Michèle Passemard, conseillère du ministre. Le recrutement des 2.700 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires est quasiment terminé, sur contrat d’adjoint d’éducation et non pas en emplois aidés comme j’ai pu le lire dans la presse. Il a fallu fortement argumenter auprès du Premier Ministre pour obtenir ces nouveaux postes ». Même si, à la différence des rentrées précédentes, l’Education Nationale ne manque pas d’argent pour financer les 16.000 emplois affectés à l’accueil, à l’intégration et à l’accompagnement des élèves ou étudiants handicapés : leur coût (356 millions d’euros) consomme intégralement la contribution annuelle que doit verser le ministère au Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (ce régime particulier fut introduit dans la loi du 11 février 2005 lors du débat parlementaire de la loi de finances pour 2006, régime que Jacques Chirac alors Président de la République aurait qualifié de « filouterie » !). La formation des A.V.S doit être assurée le plus tôt possible, essentiellement le mercredi, par les inspecteurs pédagogiques régionaux ou spécialisés, ainsi que d’autres personnels de l’éducation nationale ou d’associations. Le groupe de travail qui doit élaborer le « plan métiers » récemment annoncé par Valérie Létard venant tout juste d’être constitué, il est encore prématuré de savoir si les A.V.S y seront inclus dans le cadre de la professionnalisation en faveur de laquelle s’est prononcé le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos.
Reste l’épineuse question de la formation des enseignants, qualifiée de « priorité absolue » par Marie Michèle Passemard : « Les 300.000 enseignants du primaire doivent recevoir trois heures d’information. Tous les nouveaux enseignants reçoivent une formation spécifique dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres. Ils ont reçu instruction d’intégrer de l’intégrer à la formation continue des enseignants ». Une formation jugée nettement insuffisante par Reynald Millau, enseignant spécialisé et secrétaire national du Syndicat National des Instituteurs et Professeurs des Écoles de l’enseignement public (SNUDI) Force Ouvrière : « On voudrait qu’un enseignant lambda accueille n’importe quel élève handicapé en lui fournissant un simple ‘kit de survie’. On est loin des 800 heures de formation que suivent les enseignants spécialisés, dont 15.000 postes ont été supprimés depuis 1984. Nous portons un regard négatif sur les conditions de la rentrée scolaire, marquée par la volonté d’accueillir davantage d’enfants handicapés, notamment mentaux, sans que les moyens soient attribués en fonction des besoins. On comprend mieux la déception d’associations de personnes handicapées face aux conditions de la scolarisation. Les critiques se multiplient, parce que la loi de février 2005 n’est restée qu’au milieu du gué ».
Laurent Lejard, septembre 2007.