Rien ne prédisposait cette jeune femme Infirme Motrice Cérébrale à donner le jour à des enfants atteints de troubles mentaux. C’est pourtant cette responsabilité, cette « faute », que lui font porter, sans l’exprimer franchement, les travailleurs sociaux avec lesquels Catherine Alessi est en relation : née en 1977 avec une infirmité motrice cérébrale, son fils Logan âgé de neuf ans est autiste et sa fille Méliha, quatre ans, est atteinte de troubles envahissants du développement (T.E.D). « Je n’ai pas choisi d’avoir des enfants handicapés », doit se défendre aujourd’hui Catherine, qui vit seule : son mari n’a pas supporté l’annonce du handicap de sa fille au point d’avoir récemment été condamné par le tribunal correctionnel de Cherbourg pour harcèlement et violence psychologique à l’égard de son épouse. Une procédure de divorce pour faute est en cours, les deux enfants ayant été confiés à la garde de leur mère depuis six mois.
Catherine vit de manière autonome depuis l’âge de 23 ans après avoir suivi un parcours alternant scolarité et établissements spécialisés, qui l’a conduit à obtenir un bac pro en comptabilité, puis à suivre une formation de secrétariat médical. Aux côtés de son mari, elle menait une vie classique, et travaillait à l’arsenal de Cherbourg dans un service de gestion du personnel : « J’étais très heureuse de travailler, j’avais le sentiment d’être utile. » Mais après le diagnostic des T.E.D de sa fille, elle a dû interrompre son activité pour s’occuper d’elle. À cela s’est ajouté le comportement délictuel de son mari, avec comme résultat une dépression d’épuisement que Catherine commence tout juste à surmonter.
Seule, sans sa famille qui n’accepte pas qu’elle ait pu donner le jour à des enfants vivants avec un handicap psychique, et sans aide à domicile, elle n’a pas les moyens de financer une travailleuse familiale spécialisée qui coûte 40€ de l’heure. Elle est pourtant régulièrement suivie par un psychologue et une assistante sociale, qui viennent à son domicile évaluer le comportement des enfants, et celui de leur mère. « J’ai dû prouver ma capacité à m’occuper de mes enfants, explique Catherine. Ces travailleurs sociaux ne me proposent rien d’autre que le placement de mes enfants en établissements spécialisés. Alors que Logan est en classe d’intégration scolaire, et que Méliha va en maternelle accompagnée d’une auxiliaire de vie scolaire. Je suis persuadée que les enfants ont leur capacité à évoluer, sans aller dans un centre spécialisé. »
Et par-dessus tout, Catherine subit une pression constante au signalement auprès de l’aide à l’enfance, et au retrait de ses enfants : « Les professionnels ne me considèrent pas comme une maman à part entière, ils me font peur, en invoquant un rapport, un signalement à l’aide à l’enfance, l’apparition de problèmes psychologiques sur les enfants ou dans leur éducation. Pourtant, j’espère qu’ils auront leur autonomie. Mais je dois me préparer à les avoir à domicile à l’âge adulte, jusqu’à ce que des solutions adaptées soient créées. »
Mais au-delà des difficultés matérielles qu’elle rencontre, Catherine Alessi ne supporte pas d’être accusée d’avoir engendré des enfants handicapés psychiques : « Les mères valides sont encore culpabilisées lorsque leur enfant est diagnostiqué autiste. On leur dit qu’elles ont eu une mauvaise relation avec leur enfant. Alors qu’il est démontré que l’autisme n’a pas de rapport avec la mère. Moi, on me dit que je devais assumer ma faute ! Pourtant, l’infirmité motrice cérébrale n’a rien d’héréditaire, c’est la malchance qui m’a donné des enfants autistes. Mais on est considéré comme inapte à éduquer des enfants. »
Propos recueillis par Laurent Lejard, mars 2012.