La lecture du rapport sur la situation des enfants dans le monde récemment publié par l’Unicef n’apprendra pas grand chose aux parents français impliqués dans l’action en faveur des enfants handicapés. Tout juste constateront-ils que les difficultés qu’ils vivent sont décuplées dans les pays dans lesquels la richesse nationale est faible ou peu redistribuée. Et que la stigmatisation des plus vulnérables, les enfants, est largement répandue de par le monde.
Mais combien sont les enfants handicapés ? En l’absence d’indicateurs fiables, l’Unicef retient, avec toute la prudence nécessaire, une « estimation fréquemment utilisée, environ 93 millions d’enfants (ou 1 enfant âgé de 14 ans ou moins sur 20) vivent avec un type de handicap modéré ou grave. » Estimations mondiales qualifiées par l’Unicef de « spéculatives et anciennes », la définition du handicap variant « d’un endroit à l’autre et d’une année à l’autre, tout comme la conception des études, la méthodologie et l’analyse utilisées ». Or, une politique publique en faveur des enfants handicapés nécessite d’en connaître à la fois le nombre, la répartition territoriale et la nature du handicap : 5e puissance économique mondiale, la France n’a pas cette connaissance, comment des pays pauvres l’auraient-ils ?
Dans cette population, 51% des garçons handicapés parviendraient au terme de l’école primaire, contre 61% pour les valides, les chiffres étant respectivement de 42% et 53% pour les fillettes, données qui mettent en valeur une sur-discrimination dont les fondements sont culturels (superstitions), religieux (la destinée des filles et garçons est définie par le dogme) et économiques (enseignement payant, perte de revenus pour la famille si l’enfant ne travaille pas). Parmi les moyens de combattre cette double discrimination, l’Unicef cite notamment l’inclusion sociale, la formation des enseignants, la visibilité médiatique par des campagnes de sensibilisation, la participation aux activités sociales, l’activité sportive.
Côté instrument de l’action internationale, 193 pays avaient, à la date de février 2013, ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, 127 pays, ainsi que l’Union européenne, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ratifications généralement symboliques, comme le montre l’exemple de la Roumanie signataire des deux Conventions, mais qui persiste, au-delà des changements politiques, à placer les enfants lourdement handicapés dans des « orphelinats mouroirs ».
Fort de ces constats, l’Unicef appelle les Etats à « ratifier et appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention relative aux droits de l’enfant ». Et formule huit propositions : lutter contre la discrimination et sensibiliser les populations aux besoins spécifiques, supprimer les obstacles à l’inclusion, mettre fin au placement des enfants handicapés dans des établissements spécialisés, aller au-delà des normes minimales, coordonner les services, impliquer les enfants et adolescents handicapés dans les prises de décisions qui les concernent, promouvoir un programme de recherche mondial et concerté sur le handicap.
Mais on ne trouvera pas dans ce rapport, et c’est sa grande faiblesse, une analyse de l’action des Etats et des Organisations Non-Gouvernementales qui pallient les carences. A cet égard, comment comprendre qu’un pays comme le Vietnam, qui connaît une croissance économique supérieure à 5% par an, laisse porter l’essentiel de l’aide aux enfants handicapés par des ONG étrangères ? Comme si cet apport extérieur constituait autant d’argent à employer ailleurs.
Faute d’implication de ses auteurs, le rapport 2013 de l’Unicef risque fort de n’être, à l’égal de ceux des années précédentes, qu’un document de plus, évoqué dans la presse puis oublié aux archives…
Laurent Lejard, juin 2013.
Le rapport 2013 La situation des enfants dans le monde est téléchargeable en français et cinq autres langues au format PDF, mais seulement en anglais dans les formats accessibles Daisy, ePub, html et braille : l’Unicef a elle-même aussi des efforts à faire en direction des personnes handicapées…