Patrick Almeida doit avoir des nerfs d’acier. Père de cinq enfants, dont les deux derniers issus d’une mère maltraitante, il a dû abandonner son emploi d’ambulancier pour s’occuper du plus grand, Raphaël, âgé de cinq ans. Dès sa petite enfance, Raphaël a subi un délaissement et une maltraitance maternelle qui, selon psychologues et médecins, ont entrainé un blocage développemental et des troubles du comportement. Son petit frère, Théo, a été moins exposé mais conserve des séquelles psychiques. Un drame familial que n’ont pas su éviter les services de la protection de l’enfance pourtant saisis après un signalement du père, entrainant un suivi psychosocial pendant deux ans sans résultat sur le comportement d’une mère qu’ils considéraient pourtant comme incapable de s’occuper de ses petits. Résultat, deux enfants abimés, le plus jeune placé en famille d’accueil et son frère sous la garde de son père depuis deux ans.
Comme si cela ne suffisait pas, Patrick Almeida est confronté à ce jeu de ping-pong auquel des dirigeants d’établissements médico-sociaux s’adonnent régulièrement en prenant comme balle le demandeur d’une place. Avec son fils, Patrick vit à une vingtaine de kilomètres d’Angoulême, dans le département rural de Charente. La Maison Départementale des Personnes Handicapées a orienté le petit Raphaël en Institut Médico-Educatif, mais sans désigner d’établissements, et c’est là que le « jeu » commence; nanti de cette décision, Patrick Almeida a contacté les IME les plus proches : « Avant d’obtenir une place, explique-t-il, il faut attendre qu’une se libère. Pour cela, il faut que Raphaël soit sur liste d’attente. Pour être sur liste d’attente, il faut d’abord qu’on soit reçu par la direction et qu’on visite l’établissement. Mais pour être reçu, on doit obtenir un rendez-vous… qu’on nous refuse ! »
Dans la proximité de la famille existent peu d’IME, et tous pratiquent un recrutement sectorisé ce qui réduit les possibilités : si une place se libère, l’établissement prendra un enfant du secteur ou temporisera. Patrick Almeida pensait avoir trouvé une solution dans l’un des IME d’Angoulême dont le directeur lui avait annoncé qu’il avait une place disponible et qu’il pouvait admettre Raphaël même s’il n’a pas l’âge requis de six ans. Jusqu’à ce que le père indique où il habite : « Le directeur a répondu qu’on habitait trop loin et qu’il faudrait que la navette qui assure le transport des enfants parcoure 23 kilomètres. Quand je lui ai dit que je pouvais amener mon fils tous les jours, il a répliqué que ce n’était pas possible, que l’établissement perdrait des recettes en n’assurant pas le transport ! » Pourtant, dès qu’un enfant est admis, l’IME est obligé de poursuivre la prise en charge même si la famille déménage à l’autre bout du département, ce que n’ignore pas Patrick qui a pourtant rencontré la même difficulté avec la direction d’un autre IME angoumoisin.
Pendant ce jeu de ping-pong, il doit assumer seul la recherche d’une solution éducative pour son fils, actuellement accueilli le matin à l’école maternelle : « Raphaël est un enfant difficile à garder. A l’école, il joue seul, il n’est pas sociable et ne peut participer aux activités. Il ne pourra pas entrer en grande section ou au Cours Préparatoire. Les nounous refusent de le garder, trouvent que c’est trop dur, il nécessite beaucoup d’attention. » De plus, Patrick Almeida est menacé de radiation par Pôle Emploi parce qu’il n’est pas en recherche active d’emploi : « C’est ahurissant, je ne comprends pas cette attitude. J’ai été obligé de m’arrêter de travailler pour m’occuper de mon fils. Mais je suis en difficulté pour chercher du travail. » Entre des dirigeants d’établissements qui gèrent des budgets, une MDPH passive et un Pôle Emploi près de ses sous, Patrick et son fils se retrouvent, sans soutien, victimes d’un jeu bien cruel.
Laurent Lejard, avril 2017.