Sylvie Brisson et ses deux enfants, qu’elle élève seule, ont quitté la région parisienne en 2013 pour s’installer dans les Hautes-Pyrénées près de Bagnères-de-Bigorre. « Clément a neuf ans, il n’a jamais été scolarisé. Ça fait partie des difficultés que rencontrent beaucoup d’enfants handicapés. Je suis chanceuse d’avoir eu pour lui une place en Institut Médico-Educatif. » C’est la réponse positive d’un établissement pyrénéen qui l’a conduite à s’installer dans cette région, après avoir tenté la Bretagne pour constater qu’il y avait une très longue liste d’attente : « Clément est dans un établissement assez ancien. On est dans une région de cure, qui accueillait les ‘petits parisiens’ pas présentables en société, anciennement c’était une pouponnière. Il fonctionne toute l’année et accueille de tout-petit à l’adolescence, et dispose d’une Maison d’Accueil Spécialisé pour les jeunes et adultes dans un bâtiment voisin. » Sylvie Brisson est rassurée par cette continuité, Clément ne sera pas sans solution, à la différence de tant d’autres.
« Il est polyhandicapé par un syndrome de West et ne parle pas, poursuit-elle, heureusement son épilepsie est stabilisée. Petit, il faisait de nombreuses crises. » Beaucoup d’aides techniques sont nécessaires pour cet enfant qui n’a aucun maintien corporel : corset-siège à mentonnière, brancard de douche, aides au déplacement, etc. Avec des financements qui n’ont pas couvert toutes les dépenses, comme le vivent la plupart des familles comptant un enfant lourdement handicapé. Sylvie Brisson fait face avec pour seules ressources le Revenu de Solidarité Active, quelques jours d’Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé quand Clément est à la maison le week-end, et un peu de travail artisanal : elle est costumière de spectacle, réalise des vêtements pour des reconstitutions historiques ou des jeux de rôles. Une activité qui lui procurait davantage de travail en Île-de-France que dans les Pyrénées, mais qui l’a fait élaborer quelques vêtements adaptés : « Depuis la naissance de Clément, j’ai créé des capes, des bavoirs-foulards pour éviter qu’il se trempe le cou et ait des irritations. »
Aujourd’hui, Sylvie Brisson est confrontée à ses propres limites physiques : elle a des difficultés à porter son fils sanglé sur le corset-siège pour le monter en voiture, mais n’a pas les moyens pécuniaires de changer son Peugeot Expert de 2011. Pour sa part, la Maison Départementale des Personnes Handicapées ne finance pas une rampe d’accès pour un monospace ayant bien plus de 50.000 kilomètres au compteur. Alors Pauline, la soeur de Clément, inquiète de voir la santé de sa mère se dégrader, a lancé un appel à financement participatif sur GoFundMe dans l’espoir de récolter l’aide nécessaire à la pose d’une rampe pour son véhicule. « Elle sera vissée à l’arrière et démontable pour aller sur une autre fourgonnette. On enlèvera une rangée de sièges et on installera des fixations au plancher pour que Clément soit transporté dans son fauteuil. » Sylvie n’était pas favorable à l’idée d’une cagnotte, c’est sa fille ainée Pauline, 18 ans, qui l’a convaincue. « Elle m’a dit, ‘Maman, ça se pratique, il faut le faire’. A ma grande surprise, beaucoup de gens donnent. C’est quelque chose qui à la fois me rassure et m’inquiète. La solidarité est immensément positive, contrairement à ce que veulent faire croire les médias. Mais ça m’inquiète parce que l’Etat ne joue plus son rôle, que les gens ne lui font plus confiance. On le voit dans l’émergence de monnaies locales, de circuits courts, d’activités naturelles et proches des gens. Mais il est dommage qu’on doive se bagarrer pour tout. Et encore, la pathologie de mon fils est légère par rapport à d’autres. »
On sent chez Sylvie Brisson une colère rentrée quant à sa situation : « Le fait d’avoir la parole aujourd’hui me permet d’alerter sur la situation des aidants familiaux. On n’existe pas socialement, on ne peut pas trouver du travail, on n’existe pas pour la retraite. On doit soulever nos enfants qui pèsent de plus en plus lourd. On se tasse, ça altère la santé, le physique, cela entraine une fatigue physique et morale. Je propose aux gens du Gouvernement de venir passer non pas une heure mais une semaine à la maison, pour vivre au quotidien la journée et la nuit… Le barème de Prestation de Compensation du Handicap prévoit une heure pour les quatre repas de Clément; je mets quiconque au défi de le faire en une heure : c’est insensé, inhumain, un barème purement administratif. On met de côté l’aspect humain, la charge émotionnelle. On se heurte souvent à des personnels médicaux qui regardent les parents de haut, proposant des traitements intenables. » Mais l’espoir d’un avenir meilleur pour Clément, de solutions thématiques efficaces anime toujours son esprit : « On regarde ce qui se fait, tout ce qui peut faire avancer, que ce soit officiel ou pas. Lourdes y compris, c’est une bouée de sauvetage. Quelques fois, ça marche… » conclut-elle en souriant.
Laurent Lejard, février 2018
Sylvie Brisson remercie chaleureusement l’équipe de GoFundMe qui, ce n’est pas si fréquent, a contribué financièrement à la cagnotte pour 200€.