Trois, elles ne sont que trois pour toute la France, les unités hospitalières d’aide à l’handiparentalité : Institut Mutualiste Montsouris de Paris (14e), Clinique Sainte-Anne à Strasbourg (Bas-Rhin) et Le Lien au sein de l’hôpital Auvergne basse vision de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Un 4e service fonctionne en Gironde depuis 3 ans, créé et géré par une association… d’anciens combattants, qui gère d’autres services médico-sociaux. « Le Lien a été créé en 2018, parce que des patients de l’hôpital étaient concernés par la parentalité, explique Laetitia Belin-Boussier, cheffe de service. On a étendu depuis notre intervention aux handicaps auditifs et moteurs, pas encore au handicap mental ou psychique. » Le service assure l’accompagnement des parents et futurs parents avec psychologue spécialisé en périnatalité, ergothérapeute, psychomotricienne, instructrice en locomotion, assistante sociale, sage-femme. Sans exclusive d’âge puisqu’il a conseillé une grand-mère qui voulait s’occuper de son petit-enfant.
Le Lien intervient au besoin pendant le séjour en maternité, et suit régulièrement plusieurs familles. « D’autres reviennent, complète Laetitia Belin-Boussier. On ne fixe pas de limite de temps et de séances, on pense qu’il y a des besoins jusqu’aux 6 ans de l’enfant. » Le suivi de quelques familles constitue une bonne part de l’activité, et les trois admissions du mois de septembre vont accroître la charge de travail. Le service aide également à monter le dossier de demande de Prestation de Compensation du Handicap parentalité. « C’est une aide intéressante, très peu connue au début, poursuit Laetitia Belin-Boussier. L’assistante sociale constitue les dossiers, c’est une aide importante pour les mamans en précarité. On gère le besoin d’adaptation à la maison, on utilise des poupons lestés pour entraîner aux gestes, on prête du matériel courant avec des adaptations qu’on a réalisées, comme des marquages en relief, on propose un accompagnement psychologique, c’est un programme de soutien à la carte. On apprend les déplacements avec un bébé et une canne blanche ou un chien guide, on adapte des documents en braille et relief, pour donner accès aux échographies et au carnet de santé, ainsi que les jouets des enfants pour jouer avec eux. » Et le service accompagne les futures mamans pour visiter leur maternité afin de diminuer les angoisses et l’appréhension, l’instructrice en locomotion réalisant également un plan en relief ainsi que l’enregistrement des bruits de la maternité pour s’immerger dans l’ambiance sonore et sécuriser les déplacements.
Le Lien travaille en réseau et collaboration avec des structures similaires, pour échanger sur les pratiques qui fonctionnent, l’utilisation des matériels, se rencontrer et se connaître. « Notre direction est très soutenante, reprend Laetitia Belin-Boussier, de même que la Fondation de France pour l’équipement en matériel, lits, poupons et la formation des personnels de puériculture aux besoins spécifiques des parents handicapés. » Une action globale qu’a récemment découverte une cheffe de projet de l’Agence Régionale de Santé alors que l’hôpital Auvergne basse vision est un service de soins de suite et réadaptation ; son intervention est intégralement couverte par l’Assurance Maladie pour les parents en Affection Longue Durée, et les complémentaires santé pour les autres. Le Lien reçoit et suit essentiellement des parents de la vaste région Auvergne Rhône-Alpes, et quelques-uns d’autres territoires (Jura et Lozère actuellement). L’éloignement de certains parents conduit à limiter les déplacements et la visioconférence vient alors en relais.
Tout cela ne s’est pas réalisé d’un coup. « A la mise en place, il a fallu beaucoup de communication avec les médecins et professionnels, conclut Laetitia Belin-Boussier. Les confinements de 2020 nous ont contraints à refaire ce travail, parce que le handicap est invisible : il est oublié par les médecins, et les mamans manquent de soutien pendant leur séjour en maternité. Par exemple, personne ne les aide pour prendre la température d’un bébé parce que les personnels ne connaissent pas le thermomètre parlant. Maintenant qu’on est connu, des gynécologues nous contactent. »
« On a toujours peur de mal faire »
Maman non-voyante de deux enfants de 3 ans et demi et 2 ans, Yildiz Marnin habite à Clermont-Ferrand et Saint-Flour (Cantal) selon les périodes. Kinésithérapeute tout comme son mari malvoyant (ils se connaissent depuis l’enfance), elle a bénéficié de cette proximité : « Le lien, je ne pensais pas que ça existait en Auvergne, je ne connaissais que l’Institut Montsouris à Paris. C’est très bien pour se préparer à un premier enfant, face à l’appréhension qu’on a. J’ai demandé des techniques de dosage des biberons, des choses pratiques comme ça. Je savais déjà changer un bébé mais je ne connaissais pas les différentes techniques d’allaitement. Je suis toujours en relation avec Le Lien pour adapter les jeux, les livres. »
Yildiz et son mari ont soigneusement réfléchi avant de s’engager dans la parentalité : « Nos cécités sont transmissibles mais pas par moi à mes enfants. Pour mon mari, on a mis 3 ans à effectuer des tests et s’assurer qu’il n’y aurait pas de risque de transmission. » Bien aidée par la famille et après des tests prénataux, Yildiz a mené ses deux grossesses à terme : « On connaît nos maladies de la vue, les techniques d’amniocentèse permettent d’identifier le gène concerné mais c’était dur lors du test à 12 semaines. J’ai rencontré Le Lien pendant que j’attendais le premier, mais en pouvant peu me déplacer à cause de l’obligation de rester alitée. » Et elle a dû apprendre à gérer ses deux enfants : « Au début, c’était compliqué parce qu’ils n’ont que 20 mois d’écart et que j’étais seule face aux deux, mon mari travaille beaucoup. J’aménage mon planning en fonction des enfants, et je ne dois rien laisser traîner. Le Lien a répondu à mes attentes, pour des détails pratiques, des transcriptions de livres et jeux, des activités de loisirs. Il est rassurant de pouvoir appeler pour demander des conseils, être aidée. C’est un bon suivi pour les femmes qui se posent des questions. Parce qu’on a toujours peur de mal faire. » Le Lien prend tout son sens.
Laurent Lejard, décembre 2022.