« Ce que l’on a d’extra, on l’a en nous. » 16 ans après, ce credo guide toujours Hadda Guerchouche. Issue d’une famille algérienne, elle s’est émancipée grâce aux rencontres, aux relations et amitiés qu’elle a tissées avec des personnes de toutes conditions, valides comme handicapées. Et c’est la compétition handisportive qui lui a ouvert la voie vers cette émancipation. Elle met maintenant son expérience au service des autres personnes handicapées, en les préparant à l’emploi. « J’ai travaillé dans un service d’accompagnement social de personnes vivant avec des troubles psychiques. J’ai senti que je pouvais transposer l’éducation sportive en préparation physique et mentale. Et je suis repartie en formation pour devenir coach professionnel en préparation mentale pour des sportifs. » A la différence de l’entraîneur, qui agit sur la performance, le coach travaille l’aspect psychologique, il guide. « On a traité des techniques d’accompagnement, de la systèmie familiale, la communication non violente, l’analyse transactionnelle, la programmation neuro-linguistique (PNL). J’ai créé un concept alliant le sport et le développement personnel, en alliant la préparation mentale pour donner à la personne la compréhension de son malaise, que j’ai adapté ensuite aux travailleurs handicapés. Je l’ai présenté à l’Agefiph, qui me suit depuis 10 ans, et l’a validé. »
Hadda Guerchouche intervient auprès de recruteurs et de demandeurs d’emploi. « Je travaille avec les bénéficiaires de Cap Emploi sur l’estime de soi et la confiance en soi, pour ajuster leur positionnement professionnel. Des personnes handicapées ne perçoivent pas leur handicap parce qu’elles ne l’acceptent pas. Ce sont des personnes sur lesquelles on avait un autre regard. » Selon son expérience, les relations entre enfants et jeunes effacent le handicap que les adultes voient, eux, en premier, avant d’apprécier la personnalité de l’individu qui le vit. « Au collège, au lycée on a des potes. Mais après, dans la vie d’adulte, on se sépare. Jeunes, les handis font partie de la bande, et après le regard change ; on n’est plus regardé comme un partenaire mais d’abord comme un handicapé, alors que le jeune adulte ne connaît pas son handicap puisqu’on ne le lui opposait pas. Le recruteur, lui, le voit. »
C’est sur cette dimension qu’Hadda Guerchouche déploie son savoir-faire : « Je travaille avec un recruteur sur l’estime de soi et la confiance en soi, et sur l’acceptation de la part du recruteur et de la part des autres : j’accepte mes émotions agréables ou pas, en en parlant, c’est de l’intelligence émotionnelle. Un travailleur handicapé, son handicap ne me gène pas, c’est sa personnalité que je regarde. » Et elle travaille également avec des travailleurs handicapés sur leur relation avec les recruteurs : « Autorisez-moi à faire de mon handicap ma personnalité, il a fait ce que je suis. Je viens vous présenter une personne qui a ses aspects particuliers, mais qui vient collaborer, je ne vous demande pas d’être empathique ni d’avoir de la compassion. »
Une approche qui tranche sur le discours inclusif actuel. « Mon discours et ma pratique sont à contre-courant. Je pense que c’est pour cela que l’Agefiph m’a choisie, pour ce regard sur ladite inclusion. Être activateur de progrès, c’est montrer du dynamisme, réfléchir à sa condition, accepter ses limites : j’apprécie d’être avec un groupe d’entrepreneurs parce qu’ils ont un regard sur moi qui me tire vers le haut. Enfant, le fait d’être handicapée c’est qu’on me renvoyait ce que je n’étais pas capable de faire. » Une situation qui s’est paradoxalement inversée, estime Hadda Guerchouche : « L’inclusion scolaire est insupportable, les enfants sont traités à part. Avec un mélange de pathos dans les Ulis et le faible niveau des AESH, on freine les jeunes handicapés. On gomme le mot handicap, les jeunes handicapés ont l’injonction d’être comme les autres, alors que les jeunes valides font tout pour se différencier. » Pour Hadda Guerchouche, c’est ensemble que l’on vit en société : « L’inclusion, c’est l’ascension du Kilimandjaro : dès que les valides ne sont plus là, tu n’avances plus. »