En présentiel et en digital, la 3e Université du Réseau des Référents Handicap annonce un programme aussi dense que diversifié : 3 conférences inspirantes, 22 ateliers, 5 talks, 10 Modul’Pro… Les inscriptions sont ouvertes sur le site de l’URRH et la participation est gratuite. Ce rendez-vous annuel de l’ensemble des acteurs qui participent à l’inclusion des personnes handicapées dans l’emploi, mais également dans les organismes de formation, les Centres de Formation des Apprentis, doit réunir à Lille plus de 700 personnes qui oeuvrent pour l’embauche de travailleurs handicapés, à leur formation, reclassement ou maintien dans l’emploi, avec des aspects qui intéressent et impliquent le grand public.
Une pédagogie de l’accessibilité numérique
Dès le déploiement à grande échelle d’Internet en France à partir de 1997, la question de son accessibilité aux utilisateurs handicapés a été posée. Depuis, plusieurs législations, nationale et européenne, ont été adoptées et concernent l’ensemble des outils : sites Internet et Intranet, applications mobiles, information dynamique sur panneaux lumineux, etc. Toutefois, trop peu de créateurs et designers ont intégré l’accessibilité numérique dans leurs réalisations, et il est toujours nécessaire de sensibiliser.
« On va l’aborder par le biais de la sensibilisation et un outil mis en place grâce à l’Agefiph et la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France, explique Denis Boulay, en charge du pôle Accessibilité Numérique de cette association. C’est un outil de e-learning de l’Accessibilité avec un grand A. Il montre sous la forme de six leçons comment des personnes déficientes visuelles rencontrent un certain nombre de problèmes, et propose des moyens les régler. » Il confronte un usager aveugle à l’impossibilité de payer une course de taxi sur un terminal de paiement, de se faire un café, d’entrer dans un immeuble, de valider une formalité parce que les appareils fonctionnent uniquement en mode visuel, sans alternative adaptée. Il pointe également, en ces temps où télétravail et visioconférence ont fortement progressé, que les logiciels doivent prévoir les besoins spécifiques d’utilisateurs mal ou non-voyants. « L’objectif, poursuit Denis Boulay, est de laisser un temps d’appropriation de l’outil, puis d’avoir ensuite un échange avec les participants pour montrer les évolutions, les couacs, l’expérience acquise. Les participants partent de zéro dans des problématiques diversifiées, ça suscite l’interrogation et ce test d’usage donne de bons résultats. » Cet outil de sensibilisation à l’accessibilité numérique par l’exemple sera présenté le 30 mars à 9h30, lors d’un atelier ouvert à tous les participants.
Le handicap dans les médias
Sujet d’actualité, la représentation des handicaps et des personnes qui les vivent sera au coeur d’une conférence animée par Jaleh Bradea, Directrice projets Inclusion & Egalité des Chances du groupe Vivendi. « On se rend compte qu’il y a une réelle évolution de la représentation du handicap dans les médias et les fictions. On va regarder ce qui est bien fait dans la fiction et la publicité, et s’intéresser à la façon de raconter une histoire pour agir sur une meilleure inclusion en entreprise. » Elle pourra compter sur Éric Lartigau, réalisateur du film La famille Bélier contant l’émancipation par la chanson d’une fille de parents sourds : un succès public avec 7,5 millions de spectateurs dans les salles françaises. « On parle beaucoup de story-telling, poursuit Jaleh Bradea, on devrait évoluer vers le story-feeling. C’est là où la fiction a un pouvoir énorme, parce qu’avec ses codes, on fait ressentir de l’émotion qui est bien plus efficace. Les représentations ont changé, notamment à la télé. L’idée dans la fiction, c’est qu’on représente des gens comme vous et moi. Quand je vois M6 mettre en prime time l’histoire d’une enfant trisomique [Apprendre à t’aimer, de Stéphanie Pillonca], qui grandit, devient adolescente et une adulte, on arrive avec les codes de la fiction a ce que l’histoire touche les gens. » Une évolution que Jaleh Bradea met à profit au sein de Vivendi : « C’est mon travail d’agir pour la diversité dans mon groupe. Ce qu’on demande aux référents handicap, c’est de faire dans l’entreprise ce qu’on ne parvient pas à faire dans la société. Les images font progresser. Les choses changent petit à petit, et le handicap est représenté comme il est. A partir du moment ou on fait bouger les choses dans la tête des gens, on a gagné. »
Sociologue maître de conférence à l’université Toulouse 2, Matthieu Grossetête a réalisé de 1994 à 2009 l’étude « Grande cause, petit écran – Le handicap selon la télévision française. » Il relevait alors une surreprésentation des personnes handicapées motrices au moyen de mobilisations événementielles : « Elles sont structurées en associations depuis plus longtemps que les personnes handicapées mentales ou psychiques, et sont aptes à prendre la parole pour elles-mêmes dans les médias. » Il remarquait également une relégation des apparitions plutôt à la fin des journaux télévisés et la nécessité de faire appel à des personnalités pour attirer l’attention des journalistes : « Les personnes à mobilité réduite rassemblent un peu plus de la moitié des personnes handicapées interviewées dans les JT, alors qu’elles représentent un peu moins du quart des personnes handicapées. On assiste de plus à la multiplication de sujets consacrés aux exploits solitaires accomplis par des personnes handicapées qui tendent à masquer les difficultés ordinaires face à l’emploi, au logement ou aux transports. Ce traitement tend à individualiser, et donc à dépolitiser le handicap qui est pensé comme une série d’obstacles à franchir, et non comme une question politique de premier ordre. » Avec une tendance, à l’époque, de gommer le handicap « lourd », une forme d’« esthétiquement correct » pour rapprocher des personnes valides, conclut Matthieu Grossetête. Lors de la conférence inspirante du 30 mars à 11h30, les intervenants expliqueront comment, selon eux, les représentations culturelles peuvent aider l’emploi des personnes handicapées.
Une inflexion qu’exploite Amélie Gautier, référente handicap de la société de services à la personne O2. « Il y a une réelle évolution de la représentation du handicap dans les médias, dans des films, des séries, publicités, et c’est important. Cette représentation est suivi par un public de plus en plus large, qui se réfère et s’identifie aux situations par le biais des émotions. » Ce qu’elle traduit dans sa pratique de référente handicap : « C’est mon rôle de permettre à chacun de trouver sa place dans nos organisations au regard d’une situation de santé, et d’inclure la diversité et l’inclusion dans nos actions du quotidien. Nous diffusons régulièrement des vidéos témoignages, des affiches, plaquettes d’information avec de « vrais collaborateurs en situation de handicap » afin de parler au plus grand nombre. Cela permet à des collaborateurs de se déclarer, et de changer leur regard sur le handicap. »