Question : La semaine pour l’emploi a comme slogan « À quand le plein emploi pour les personnes handicapées ? » Comment l’entendez-vous ?
Didier Eyssartier : Aujourd’hui, notre enjeu global est de faire en sorte que toutes les personnes en situation de handicap aient les mêmes chances d’être en emploi que les autres. À partir du moment où l’on commence à parler de plein-emploi pour tout le monde, la question de l’emploi des personnes en situation de handicap se pose nécessairement d’autant que les choses bougent. Les données de l’emploi sont encourageantes avec une baisse du chômage des demandeurs d’emploi en situation de handicap, et l’offre d’emplois progresse relativement vite. Néanmoins on est aujourd’hui à un taux de chômage plus élevé pour les personnes en situation de handicap, 13% contre 8% pour l’ensemble des demandeurs d’emploi même s’il y a une décrue selon les chiffres communiqués par le Gouvernement. Donc on n’est plus tout à fait au double du taux de chômage mais avec un niveau encore important. Le chômage de longue durée des personnes en situation de handicap est également très au-dessus de la moyenne. L’enjeu, quand on parle de plein-emploi, est de permettre à chacun d’accéder à l’emploi. C’est le sens de cette thématique, et finalement cela permet d’aborder l’ensemble des thématiques habituelles, insertion, recrutement, maintien en emploi, formation, etc., avec un objectif ambitieux : atteindre un résultat de plein-emploi pour tout le monde.
Question : Cela inclut aussi les personnes qui relèvent d’un handicap lourd ? La précédente ministre chargée des personnes handicapées affirmait « personne n’est inemployable. » Comment l’envisagez-vous ?
Didier Eyssartier : Ça peut paraître contradictoire, et si on l’entend « plein-emploi pour tout le monde », on peut dire que c’est excessif. Non, c’est plein-emploi pour tous ceux qui le veulent, c’est donner la possibilité à chacun de développer un projet professionnel comme il le souhaite, et que finalement il puisse accéder à son projet de vie dans sa globalité. Il y a des personnes pour lesquelles l’objectif c’est d’être totalement insérées dans la société, pas nécessairement avec un niveau d’activité très important. Pour d’autres, ça nécessite un accompagnement ou une organisation du travail adaptés à leur situation. C’est d’ailleurs la manière dont on doit considérer l’emploi des personnes en situation de handicap, la société doit se mettre en mesure d’offrir une capacité d’activité et d’expression de leurs compétences. Le slogan « nul n’est inemployable » ne veut pas dire qu’il ne faut pas que l’environnement s’adapte aux besoins des personnes, bien au contraire. Et c’est aussi dire que parfois on met des plafonds de verre, parfois on explique que ces travailleurs ne peuvent pas aller dans tel ou tel secteur, alors que si on y regarde de plus près, si on est attentif aux organisations au sens large du terme, ils peuvent y accéder.
Question : Vous évoquez la conjoncture favorable de reprise de l’emploi et du recrutement, même si des métiers sont en tension notamment dans le secteur du handicap. Pourtant le chômage de très longue durée reste plus important pour les travailleurs handicapés, comment les ramener vers l’emploi ?
Didier Eyssartier : D’abord, c’est continuer à changer le regard sur le handicap et les personnes, travailler à l’organisation du travail dans les entreprises et sur la manière d’agir pour permettre à chacun d’y trouver sa place. C’est aussi faire en sorte que les politiques publiques soient totalement inclusives, c’est-à-dire que les acteurs tels que Pôle Emploi soient davantage au fait de l’accompagnement d’une personne très éloignée de l’emploi, et en particulier en situation de handicap. C’est peut-être parce que les accompagnants ne savent pas bien accompagner que des gens deviennent moins employables, ou qu’on ne sache pas les accompagner parce qu’on n’a pas cette connaissance ou capacité d’identifier une difficulté et de trouver les accompagnements qui vont permettre que les personnes aient la capacité de retrouver un emploi et d’exprimer leurs compétences. On sait bien aujourd’hui qu’il y a un enjeu sur la formation professionnelle, pour continuer à être toujours plus inclusif. L’Agefiph y travaille, mais on rencontre encore des barrières dans ce domaine. C’est un ensemble complet d’actions à mener vers les entreprises et ses acteurs en matière de formation, pour rendre davantage cet écosystème en capacité d’accueillir les personnes en situation de handicap au regard de leurs besoins, et en prenant en compte les freins périphériques comme le logement et les mobilités. La mobilité est un élément à travailler en même temps que l’employabilité : un emploi est tenable si vous pouvez vous y rendre et si vous avez un logement adapté à vos besoins.