Le sujet revient constamment quand on interroge des travailleurs handicapés en recherche d’emploi, qu’ils postulent dans le secteur public ou privé : doit-on mentionner la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) sur son Curriculum Vitae, annoncer et parler de son handicap dès le premier entretien, attendre et voir ce qui se passe ? « Il n’y a pas de règle, chaque cas est particulier, répond Jérôme Cosnier, directeur adjoint d’Ohé Prométhée Indre. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée d’indiquer le handicap sur un CV. Chaque recruteur se fait son idée, et mentionner le handicap à cette étape n’est pas le meilleur moyen de le convaincre. A mon sens, le candidat doit parler de ses compétences avant d’aborder le handicap. Comme 80 % des handicaps ne se voient pas, il n’est pas utile de le mentionner. Et les candidats ont tendance à s’auto-stigmatiser : il faut être convaincu pour être convaincant, ils sont leurs meilleurs porte-parole… et leurs pires ennemis. »
Pour donner les meilleures chances aux candidats, Ohé Prométhée 36, comme bien d’autres organisations affiliées à Cap Emploi, conseille et prépare aux entretiens de recrutement en tenant compte des aptitudes de chaque candidat, mais également des contre-indications à l’emploi envisagé compte-tenu de leur handicap. « L’idée à la base, reprend Jérôme Cosnier, est de travailler un projet professionnel qui tienne compte de tous les paramètres : compétences, envies, capacités physiques ou intellectuelles, etc. Le recruteur ne recherche pas un handicapé, mais une réponse à des besoins. Le handicap ne représente pas la personne, c’est tout le travail que l’on fait avec les travailleurs handicapés. » Cette préparation des chercheurs d’emploi n’est pas différenciée selon qu’ils postulent dans des entreprises privées, publiques, des collectivités locales, etc. « On est à peu près sur le même type d’approche dans le secteur public que dans le secteur privé, poursuit Jérôme Cosnier. On a pu faire la promotion du FIPHFP auprès des petites communes et montrer qu’on peut amener ces candidats. Dès lors que l’on est au contact d’un recruteur, il est au courant que le candidat a un handicap. On crée une relation de confiance parce que l’on adresse des candidats qui ne présentent pas de contre-indication aux postes envisagés. Il y a pas mal d’échanges avec le recruteur. »
Et du côté d’un recruteur, comment cela se passe-t-il, quel impact l’annonce d’un handicap peut-elle avoir ? « Ce que nous recherchons, ce sont des compétences, quelles qu’elles soient, explique Isabelle Isaac-Ho Tin Noé responsable de la Mission Responsabilité Sociétale des Entreprises au sein du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP). Une candidature spontanée d’un travailleur handicapée est étudiée comme toutes les autres. Avoir une RQTH n’est pas un diplôme, mais en connaître les conséquences permet notamment d’aménager le poste. » Le SIAAP compte actuellement 1.773 salariés, dont 6% en situation de handicap alors qu’ils étaient moins de 2% il y a cinq ans. « Nous menons une politique volontariste d’égalité, avec un suivi spécialisé grâce à son action handicap notamment depuis 2012, poursuit Isabelle Isaac-Ho Tin Noé. Les responsables du recrutement ont été formés pour qu’ils sachent aborder le sujet en entretien, par une procédure de prise en compte et une compensation du handicap examinée avec tous les intervenants. Cette compensation peut être technique, organisationnelle, avec un accompagnement opérationnel du manager, une remise à niveau, une formation professionnelle. Des accompagnements personnalisés ont été mis en place tenant compte des multi handicaps. » Pour autant, comment le SIAAP s’assure-t-il que des candidatures ne sont pas écartées dès l’annonce du handicap ? « Nous avons construit des indicateurs de suivi mensuels pour prévenir les cas de discrimination, conclut Isabelle Isaac-Ho Tin Noé. Les responsables du recrutement sont tenus de préciser le nombre de candidatures reçues pour chaque poste vacant, si la personne a été reçue en entretien, et les suites données. La politique handicap menée est aussi au coeur des enjeux et des valeurs de Service Public portées par le SIAAP. »
C’est dans la relation d’échange avec un recruteur que parler du handicap offre les meilleures garanties d’équité, en mettant en avant ses compétences en rapport avec l’emploi visé, en apprenant grâce aux organismes de placement à être son « meilleur porte-parole ».
Yanous.com en partenariat avec le Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP), mai 2017.