Nice raisonne ses achats et forme ses développeurs
C’est sur les achats de produits et la formation des développeurs numériques que se concentre la cité de la Baie des Anges pour ce qui concerne ses engagements en matière d’accessibilité numérique. « La Métropole Nice Côte d’Azur agit en faveur des agents mais aussi des usagers, justifie Christopher Say, responsable du Groupe Handicap et Maintien en Emploi. Dans cette mission handicap, nous nous occupons des agents de la mairie, de la métropole et du Centre communal d’action sociale, donc nous touchons tous les agents d’un même territoire. Quand on s’adresse aux développeurs, tous les agents sont des bénéficiaires, qu’ils soient en établissement recevant du public ou sur le terrain. » La démarche d’amélioration de l’accessibilité numérique est prise en compte par l’Administration dans le cadre de la convention conclue avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Le logiciel de gestion des ressources humaines est le premier sur lequel une démarche d’accessibilité a été engagée avec un audit en 2015, suivi d’une pratique des « petits pas. » Elle a permis de construire un socle solide et partagé facilité par le recrutement d’un apprenti non-voyant en Licence 3 qui a effectué des audits d’usage et participé à la création d’une stratégie de formation avec l’élaboration d’un programme complet et la rédaction de cahiers des charges. « En 2020, l’audit avait recensé 11 applications 100% accessibles sur 19, 7 partiellement et 1 non accessible, poursuit Christopher Say. Nous avions moins peur des travaux à mener, et nous avons commencé à former les agents experts dans ce domaine. Nous l’avons fait à deux niveaux, en direction des 200 acheteurs publics puis de la quinzaine de développeurs. »
La sensibilisation des acheteurs publics s’est déroulée en 2021. « Nous avons formé le quart des acheteurs sur la base du volontariat, reprend Christopher Say. Pour les autres, sachant que seule une partie d’entre eux est amenée à acheter du numérique, une session de rattrapage sera organisée en 2023. Côté développeur, nous en avons formé 10 sur les 15 en 2021, pour qu’ils sachent créer des pages et sites accessibles. Et maintenant, en 2022, nous sommes en train de nous mettre en capacité d’auditer en interne ce que nous achetons sur étagère en formant ces développeurs à l’audit. » Enfin, côté public, la nouvelle version accessible du site Internet de la Métropole devrait être prochainement lancée et le chantier de celui de la ville de Nice le sera 2023. « Les développeurs le prennent comme un challenge auquel ils ont adhéré », conclut Christopher Say.
L’Intérieur priorise ses agents
Au ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, l’action pour l’accessibilité numérique concerne essentiellement les agents. « On travaille sur les logiciels et applications métiers, l’environnement numérique pour le maintien et l’accès à l’emploi, précise Aurélien Michel, référent Accessibilité numérique. L’améliorer profite à tout le monde. » Actuellement, les chefs de projets demandent aux prestataires externes d’assurer la conformité au Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). « On a peu de chefs de projets formés à l’accessibilité numérique, reprend Aurélien Michel. On veut intégrer cette compétence dans nos offres d’emploi, et dans la formation. »
Il constate que les directions du ministère sont autonomes, ce qui entraîne une prise en compte locale par des chefs de projet. « On fait encore de l’évangélisation, poursuit Aurélien Michel. Certaines directions sont très en avance, surtout celles qui sont orientées vers le citoyen. On voudrait un référent numérique accessible dans chaque direction métier. On essaie de faire changer la culture du ministère pour mettre en place la mutualisation d’outils, des modèles de documents. Côté usagers, 37 démarches administratives dépendant du ministère de l’Intérieur sont observées par la Dinum, et on effectue un référencement des sites web internes et externes pour réaliser les actions d’accessibilité. » Un vaste chantier à quantifier, avec pas moins de 2.000 applications en interne. « On priorisera début 2023 pour définir les soutien et support numériques nécessaires, selon des critères de nombre d’utilisateurs, de vétusté, de cycle de vie, etc. », ajoute Aurélien Michel. Tout en négociant un obstacle spécifique : la sécurité informatique renforcée. « Pour déployer un outil accessible interne utilisé par un agent, on pose la question à la sécurité. On peut se voir opposer des raisons de souveraineté quand l’adaptation est fabriquée à l’étranger, ou la sécurité sur certains outils. » Là, il faut savoir trouver des solutions de contournement pour rester dans le cadre.
La DSI Pôle emploi se mobilise
Principal opérateur du service public de l’emploi, Pôle emploi compte près de 55.000 agents, dont plus de 10% reconnus travailleurs handicapés, près de la moitié d’entre eux bénéficiant d’un poste informatique adapté. Sa Direction des Systèmes d’Information assure la mise en conformité des produits numériques avec le RGAA, l’objectif étant d’intégrer l’exigence d’accessibilité dès leur conception. « C’est un travail collectif. Nous réalisons également des adaptations liées aux aides techniques logicielles, commente Nathalie Denizet, Responsable du département Expertises spécifiques et accessibilités. Il nous arrive d’être confronté à des progiciels qui posent des difficultés. »
En direction du public, Pôle emploi finalise actuellement son schéma pluriannuel 2023-2025. « Nous nous engageons sur une conformité à 75% des critères RGAA pour les services essentiels au public, ajoute Nathalie Denizet. Nous allons poursuivre sur les applications mobiles. » L’organisme conduit trois chantiers parallèles : résorption des difficultés et maintien du niveau d’accessibilité de services numériques existants, appropriation par les équipes de l’exigence d’accessibilité et création d’un design system pour des maquettes accessibles. « La DSI organise un important plan de formation des équipes, complète Nathalie Denizet. Nous nous appuyons sur des modules de formation externes ou conçus en interne. » Sans oublier de faire tester les réalisations par des agents en situation de handicap : « En 2023, nous allons en intégrer en phase de test, dans le processus de fabrication, conclut Nathalie Denizet. Ils vont remonter les éventuels soucis de navigation, de repérage dans les pages, de compréhension de leur structuration. »
La Dinum au service d’un État accessible
Le numérique a été organisé par l’État dès 1998, et l’actuelle Direction interministérielle du numérique (Dinum), un service de la Première ministre, sous l’autorité du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, en constitue à la fois la tête pensante et le bras armé. « Elle conseille le Gouvernement et accompagne les ministères dans la transformation numérique de l’État, explique Antoine Cao, directeur de programme Accessibilité numérique du Pôle design des services numériques. Le Pôle design pilote notamment l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne correspondant au top 250 de celles qui sont le plus employées. Cet outil de pilotage permet de suivre leur dématérialisation selon huit indicateurs dont la conformité au regard des obligations d’accessibilité numérique pour les personnes handicapées. On organise régulièrement des ateliers ouverts aux agents publics, sur le design, la recherche utilisateur, la mise en accessibilité des documents, la conception de services numériques accessibles, etc. Des enregistrements de ces formations sont mis à disposition en vidéos accessibles sur design.numerique.gouv.fr avec le calendrier des prochaines séances. »
La Dinum anime également, en concertation avec l’écosystème du numérique, l’évolution du RGAA pour en rappeler les obligations légales (attendus, élaborations de schémas annuels et pluriannuels, référent, etc.) et les règles techniques applicables aux sites web. Avec son département Etalab, elle supervise également l’open data, des communs tels que les logiciels libres, avec la publication d’un catalogue Socle interministériel de logiciels libres SILL (mais sans indicateur d’accessibilité). « La prise en compte de l’accessibilité numérique est un combat continu, au fil des évolutions techniques, ajoute Antoine Cao. L’offre de service du pôle design de la Dinum est à relier avec l’accessibilité numérique : quand il y a un défaut, il vient essentiellement de deux niveaux, le code ou la conception. Le pôle communique depuis un certain temps sur plusieurs principes, dont la nécessité de prendre en compte l’accessibilité plus en amont, dès la conception, dans le design. Ça coûte également beaucoup moins cher et évite que le service publié soit inutilisable. Pour cela, il faut également vérifier l’accessibilité avec des tests par des utilisateurs handicapés. On est humains et biaisés par nos propres sens. Rien ne vaut l’utilisateur réel. »
Yanous.com en partenariat avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), décembre 2022.
L’intégralité de ce colloque est à voir, Langue des Signes Française comprise, et lire, grâce au sous-titrage, sur Youtube.