4%, tel est le chiffre immuable depuis plus de dix ans du taux d’emploi des travailleurs handicapés dans les entreprises du secteur privé en France . Le chiffre est semblable pour les trois fonctions publiques nationale, territoriale et hospitalière. Pourtant, depuis la loi du 10 juillet 1987 et la création de l’Agefiph, d’innombrables actions de sensibilisation, campagnes d’information et autres actions de communication ont été conduites. Sans réel effet sur le taux de chômage des travailleurs handicapés, qui est de 31% des actifs contre 9,8% chez les valides. Les principales raisons en sont connues : faible niveau de qualification de la plupart des travailleurs handicapés, adaptation réduite, du fait du handicap, à la détérioration constante des conditions de travail dans les emplois à faible niveau de qualification, effet dissuasif des allocations et prestations comparées au salaire espéré.
Comment, en effet, accepter de travailler pour le Smic quand on dispose d’une somme supérieure avec l’Allocation Adulte Handicapé, son complément et une allocation logement ? Ce n’est certainement pas le nouveau cumul institué en juillet dernier qui changera positivement les choses : il représente 150€ d’allocation résiduelle en tout et pour tout. Le Gouvernement ne semble pas avoir compris que de nombreuses personnes handicapées accepteraient un emploi, fut-ce au salaire minimum, dans la mesure où elles conserveraient la majeure partie de leurs allocations. Elles n’auraient pas cette impression d’être financièrement pénalisées, pour ne pas dire punies, en retravaillant.
A moins que le Gouvernement ne s’apprête à lancer une politique « d’activation », terme politiquement correct pour décrire un retour contraint au travail. Tel ne semblait pas être l’orientation de la réforme des minima sociaux qu’a présenté le 8 novembre en Conseil des Ministres Catherine Vautrin, Ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, qui n’a pas évoqué les bénéficiaires de l’A.A.H. Mais son collègue Philippe Bas a réparé cet oubli : les personnes handicapées seront, aux côtés des Rmistes, des allocataires parent isolé et des bénéficiaires de l’Allocation Spécifique de Solidarité, bel et bien éligibles aux Contrats d’Avenir ou aux Contrats d’Accompagnement dans l’Emploi. Le Ministre chargé des personnes handicapées précise que cela fera épargner de l’argent à l’État, les fonds économisés sur l’A.A.H finançant ces contrats.
Il reste à franchir l’étape suivante de « l’activation », celle qui consiste à pénaliser les récalcitrants en leur retirant leurs allocations en cas de refus d’un emploi. Les gouvernements britannique et allemand l’ont osé. Bientôt la France ?
Laurent Lejard, novembre 2005.