La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie a publié en décembre 2013 un guide dénommé « Appui aux pratiques des équipes pluridisciplinaires de Maisons Départementales des Personnes Handicapées-guide Prestation de Compensation du Handicap aide humaine » qui concerne l’ensemble du volet Aide Humaine de la PCH et constitue une synthèse des outils développés en interne par les MDPH avec mise en commun des éléments de consensus. Ce guide a été pensé et réalisé par différents représentants des MDPH du territoire national et piloté par des représentants de la CNSA. Il a été édité en décembre 2013 et est entré dans une période de test dans dix MDPH, dont celle d’Ille-et-Vilaine, depuis septembre 2015 pour des résultats attendus en août 2016.
Les motivations annoncées pour l’édition et la mise en test de ce guide laissent bien envisager ce qu’il représente : « Respecter la hiérarchie des normes : expliciter pour appliquer la loi, le règlement, s’appuyer lorsqu’elles existent sur les interprétations ministérielles des textes, dégager en dernier lieu un consensus élaboré entre les professionnels des MDPH, qui complétera ces approches en vue d’améliorer l’égalité de traitement sur le territoire. » Nous sommes donc, nous personnes handicapées, dans les normes, les minutages, les règlements, les interprétations.
C’en est à un tel point qu’en 40 pages de commentaires de la loi, les termes « Projet de vie » n’apparaissent que trois fois dans ce document, ce fameux Projet de vie qui pourtant est inscrit dans l’article L.114-1-1 du code de l’action sociale, disposition créée par la loi du 11 février 2005, et toujours cité comme la colonne vertébrale de l’évaluation : « Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis. »
A l’opposé de ce Projet de vie, le guide d’Appui constitue un document normatif, bureaucratique, soi-disant établi pour « assurer l’équité de traitement sur le territoire national », mais qui tout au long de son déroulement arrive à vider de son sens et de ses contenus la loi de 2005, ne mettant plus la personne en situation de handicap comme « sujet » au centre d’un dispositif de compensation, mais bien à nouveau comme un « objet » auquel on va attribuer des miettes d’heures selon un barème rocambolesque, calqué sur le barème Luxembourgeois, pour assurer la « survie » du bénéficiaire et non sa vie. Comble de l’absurde, ce document est complété par des fichiers Excel permettant aux membres des équipes pluridisciplinaires d’aller encore plus rapidement dans l’abject, en réduisant les aides apportées à une suite de chiffres absolument déconnectés de la réalité de la vie. Tout est comptabilisé comme si la personne handicapée était une machine à laquelle on pourrait attribuer des chronométrages dignes d’un travail à la chaine. Pour ne prendre qu’un seul exemple, dans l’item intitulé Alimentation, il est prévu, quand il n’y a pas de facteurs aggravants, d’accorder 5 minutes pour faire avaler son petit déjeuner à une personne handicapée qui ne peut se servir de ses mains.
De plus ce document introduit une notion d’aide humaine à deux vitesses en différenciant les temps d’aide apportée par un aidant familial ou par un intervenant extérieur (prestataire, mandataire ou emploi direct). La mise en place de ces nouvelles préconisations a commencé en janvier 2016 dans dix MDPH, notamment lors des renouvellements du volet PCH aide humaine arrivant à échéance. Encore une fois, ce document n’est pas un texte de loi ni un décret d’application, juste des interprétations de la loi. Il appartient donc aux associations, aux personnes handicapées, aux aidants, en toute connaissance de cause cette fois, de réagir pour que ce soi disant Appui ne devienne un droit coutumier des MDPH, pire même que ce document ne vienne encore alourdir l’annexe 2-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles, principal décret d’application de la loi 2005.
Yves Mallet, Correspondant Régional Bretagne de la Coordination Handicap et Autonomie, août 2016.