Il est rare que le discret Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées communique, et la motion qu’il a diffusée mardi dernier est cinglante. Elle récapitule les décisions qui vont avoir un impact négatif sur les revenus des personnes handicapées, et met le Gouvernement face à ses contradictions : d’un côté il prétend lutter contre la pauvreté et la précarité, de l’autre il y maintient les personnes handicapées vivant avec l’Allocation aux Adultes Handicapées ou une pension d’invalidité. D’un côté il affirme vouloir simplifier les dispositifs sociaux, de l’autre il supprime des prestations au motif que leurs modalités seraient trop complexes. D’un côté il affirme vouloir aider les aidants, de l’autre il leur applique une augmentation non compensée de la Contribution Sociale Généralisée qui diminuera le dédommagement familial au titre de la Prestation de Compensation du Handicap. Il ne se passe pas de semaine sans que des coupes sombres viennent frapper les plus pauvres et les plus vulnérables alors que l’impôt sur la fortune sera supprimé et la taxation des profits réduite sans contrepartie aucune.
Dans ce domaine, le Gouvernement a agi de son propre chef, sans concertation avec les associations de personnes handicapées, rompant avec une pratique que tous les Gouvernements précédents avaient respectée : recueillir l’avis et les propositions des organisations représentant les intérêts des personnes handicapées, et trancher ensuite. Là, le Gouvernement Philippe décide d’abord puis n’explique pas : il assène. Ce n’est pas le communiqué tarabiscoté de la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées qui dissipera l’impression d’autoritarisme qui pèse sur l’action de l’équipe à laquelle cette ex-dirigeante d’une association de personnes handicapées participe depuis mai dernier : le texte reprend presque mot pour mot l’argumentaire du ministère du Budget figurant dans les annexes au projet de loi de finances pour 2018. Si le discours gouvernemental vante l’amélioration des revenus des personnes handicapées, la réalité montre un accroissement de leur dépendance aux allocations et prestations, mais également de la solidarité familiale présentée comme devant s’articuler avec la solidarité nationale. Ou plutôt s’y substituer, ainsi que le prêchait naguère le candidat de droite à l’élection présidentielle, François Fillon.
La vraie-fausse revalorisation de l’AAH, la suppression de la prime d’activité et l’augmentation de la CSG pour les pensionnés d’invalidité et rentiers pour accident du travail ou maladie professionnelle préfigurent la réforme du « versement social unique, à l’horizon 2020, grâce à l’automatisation du calcul des minima sociaux et leur simplification » telle que l’a annoncée le Premier ministre le 21 septembre dernier. Il s’agira d’intégrer en une seule prestation les dix minima sociaux actuellement servis en fonction de la situation des personnes pauvres. Ce grand chantier s’inscrit dans le cadre du rapport Sirugue commandé au printemps 2016 par le Gouvernement précédent, signe de continuité s’il en est : les propositions sont écrites, il n’y a plus qu’à les inscrire dans la loi après une concertation de façade, à l’instar de la réforme du droit du travail ou actuellement de celle du logement. Pour cette dernière, il sera intéressant de voir quelles organisations de personnes handicapées seront associées à la concertation, et avec quel résultat…
Le Gouvernement et le Président de la République prétendent dans chaque discours « réparer » la France : en connaissent-ils seulement le mode d’emploi ?
Laurent Lejard, octobre 2017.