« Nous allons construire ensemble cette société inclusive ». Cette proclamation du 3 janvier dernier de la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, à l’occasion de ses voeux pour 2018 est à l’opposé des actes du Gouvernement auquel elle participe et apporte sa caution de spécialiste impliquée dans le monde du handicap. Le mouvement de régression de l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées enclenché en 2012 par François Hollande dans les mois suivant son élection à la présidence de la République est poursuivi et même accéléré par son ancien ministre de l’Economie et des finances et actuel président de la République depuis mai 2017, Emmanuel Macron.
Toutes les mesures adoptées ou annoncées depuis s’inscrivent dans une politique régressive et excluante. Sous Hollande, aucune revalorisation des pensions et allocations hormis le rattrapage de l’inflation, amputation des moyens consacrés à l’emploi, suppression de l’obligation d’accessibilité de la chaine du déplacement, report et allègement de la mise en accessibilité du cadre bâti, des transports et des services numériques, stagnation d’une inclusion scolaire sans moyens adaptés. Depuis Macron, le discours volontariste, parfois même lyrique, met l’accent sur le « handicap priorité du quinquennat », comme sous Hollande, avec des actes autant contradictoires comme en témoignent les réformes de l’orientation des étudiants et du logement.
La première a tout simplement ignoré les lycéens handicapés postulant à des études universitaires. Rien de prévu dans le projet de loi initial, ce sont les députés qui ont introduit lors du débat parlementaire une surcouche ajoutant une formalité de recours lorsqu’un lycéen handicapé reçoit une décision d’orientation qui ne correspond pas à des voeux liés à ses besoins spécifiques. Une procédure qui va compliquer le parcours alors que le Gouvernement a lancé une mission de simplification administrative des innombrables formalités qui pèsent sur les personnes handicapées, le célèbre « parcours du combattant du handicap ». Ce palliatif bancal est pourtant récupéré par les ministres de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et des Personnes handicapées dans un communiqué proclamant « un nouveau droit mis en place pour les candidats en situation de handicap ». Ministres qui avaient oublié les circulaires des deux précédents Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, qui avaient souhaité que le handicap soit pris en compte dans chaque projet de loi. L’actuel Premier ministre, Edouard Philippe, a fait de même le 23 octobre dernier, en leur demandant en plus de nommer dans chacun de leurs ministères un haut-fonctionnaire chargé de cela. Mais que ce soit sous Ayrault, Valls ou Philippe, on a maintes fois constaté que les actes ne sont pas à la hauteur des discours.
Comme dans le projet de loi de réforme du logement qui a été déposé cette semaine au Parlement. Son article 18 crée un quota de 10% de logements neufs accessibles aux personnes handicapées, les 90% restants devant être adaptables (« évolutifs » dit le texte) par des travaux simples. Or on ne comprend pas l’intérêt de prévoir l’adaptation de logements qui ne sont pas construits de plain-pied en rez-de-chaussée ou en étages accessibles par ascenseur : la première condition de l’adaptation, ou de « l’évolutivité » pour reprendre la terminologie gouvernementale, réside dans l’accessibilité des logements. Cette accessibilité n’est obligatoire que dans les immeubles comportant plus de trois étages (R+4) depuis qu’un décret, illégal puisqu’il restreignait le champ d’application de la loi, celui du 17 mai 2006, a été publié sans qu’aucune association de défense des personnes handicapées ne l’attaque devant le Conseil d’État. 12 ans après, ce laxisme se paye au prix fort par un abaissement prévisible du nombre de logements réellement accessibles : de l’ordre de 40% actuellement, cette proportion sera légalement ramenée à 10%, une division par 4 de l’offre. Cela représenterait environ 2.300 logements sociaux neufs chaque année, soit 1 pour 30.000 habitants selon les estimations de l’ANPIHM. Alors même que tout le discours gouvernemental sur cette réforme du logement consiste à invoquer un « choc de l’offre ». Choc que vont effectivement durement ressentir les personnes handicapées ou en perte d’autonomie, après la suppression en 2014 de l’accessibilité à tout pour tous. A l’opposé de « construire ensemble cette société inclusive ».
Laurent Lejard, avril 2018.