Même si certaines mesures de cette stratégie ne concernent que l’autisme, les troubles neuro-développementaux (TND) englobent aussi la déficience intellectuelle, tous les « Dys« , les troubles de déficit de l’attention et l’hyperactivité (TDA/H), etc. Ce qui nuance le matraquage médiatique d’une prétendue augmentation de budget par rapport aux précédents plans autisme. Cette stratégie fait le choix d’investir dans la recherche, l’action précoce, l’inclusion, le soutien aux familles, la formation. Voici pour la partie « engagements » qui ne peut qu’être consensuelle. Mais quelles sont les dispositions prévues pour les tenir ?

La recherche et l’innovation : l’ouverture aux entrepreneurs, si elle se comprend dans le contexte, doit absolument être assortie des précautions nécessaires pour éviter que l’intérêt financier passe avant le sociétal. Le document ne dit rien à ce sujet. Aussi, on nous parle de créer 3 centres d’excellence nationaux, tandis que de l’autre côté, on est en train de démanteler le Centre expert autisme du Limousin : où se situe la cohérence ? Budget pour ce volet : 14 millions d’euros pour la France entière, soit 2,8 millions par an.

Repérage précoce : formation des professionnels, outillage des médecins de 1ere ligne dans les examens obligatoires des enfants à 9 et 24 mois. Une des principales revendications des familles et des associations est enfin écoutée. Il est malvenu toutefois d’attendre l’âge de 2 ans : tester les enfants à l’âge de 18 mois aurait évité la perte d’un temps précieux. Intervention précoce : mise en place dans chaque territoire d’une plateforme d’intervention et de coordination « Autisme TND ». Bonne initiative, mais une seule plateforme par territoire, pour tous les TND… Création d’un forfait intervention précoce pour financer le recours aux professionnels non conventionnés. Une revendication très importante des familles, qui semble satisfaite. Mais les chiffres sont étonnants : dans le dossier de présentation, on assure que ce point représentera une enveloppe annuelle de 90 millions au terme de son déploiement. Or, dans le financement de toute la stratégie, on prévoit pour tout ce qui est précoce 106 millions pour 5 ans. Cela nécessite une explication plus approfondie.

Rattraper notre retard en matière de scolarisation : clairement, on porte l’essentiel de cet effort sur les maternelles, en triplant les unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA), les autres tranches d’âge ne ramassant que des « miettes ». Cela se comprend : il est scientifiquement prouvé que l’intervention précoce est la plus efficace. Le Gouvernement prévoit donc des économies à court terme, d’ailleurs le Président de la République, Emmanuel Macron, l’a plusieurs fois répété. Budget : 103 millions pour 5 ans. Pour rappel, la place à l’année dans une UEMA de 7 enfants coûte 40.000€ par enfant. Il y en a 110 actuellement ; tripler les UEMA épuise déjà pratiquement tout le budget scolarisation de ce plan en une année.

Les adultes : clairement, la majeure partie de l’effort consacré aux adultes dans ce plan s’adresse aux plus performants (syndrome d’Asperger par exemple). Il y a aussi une logique budgétaire à investir sur ceux qui sont susceptibles d’être productifs. Budget : 115 millions pour 5 ans. Étant donné les 600.000 adultes potentiellement concernés, cela tient plus d’une aumône de 38€ par an et par personne que d’un plan d’action.

Soutien aux familles : solutions de répit (par département), formation des aidants, accompagnement, association des usagers et des familles à la gouvernance de la stratégie et à la politique de recherche. Il faudra encore voir si, dans la pratique, l’avis des usagers et des familles sera consultatif ou réellement participatif aux décisions. Budget : 6 millions pour 5 ans (soit moins de 12.000€ par département et par an), cela ne se commente même plus.

La formation : le Gouvernement mise sur la concertation pour intégrer les progrès des connaissances dans l’élaboration des maquettes de formation. La timidité de cette proposition entraîne que les approches non scientifiquement validées seront d’autant plus longues à éradiquer des formations.

En conclusion : malgré de belles intentions affichées et quelques bonnes décisions, le modeste budget de cette stratégie ira donc surtout aux tout-petits et aux personnes les plus performantes. Elle a été construite plus comme un investissement que comme un respect des droits fondamentaux. Elle ne permet pas une véritable révolution du système, telle que réorienter les budgets du médico-social et du sanitaire vers le milieu ordinaire, se contentant de modestes propositions de décloisonnement, prenant soin au passage de ne pas déclencher une levée de boucliers corporatistes. Ne faisant que l’effleurer sur certains points, le document n’explore pas plus loin la possible transférabilité des enveloppes budgétaires à ce niveau. Cette stratégie néglige les personnes autistes dès qu’elles ont passé le cap de la petite enfance ou qu’elles ne sont pas assez performantes. L’autiste, ce n’est pas que le geek qui peut envoyer son CV à la Silicon Valley ou celui qui peut travailler en ESAT. C’est aussi celui dont on ne veut pas en France et qu’on envoie en Belgique. Le document vante le renouvellement de l’enveloppe de 15 millions censée endiguer un exode qui coûte pourtant 400 millions d’euros chaque année aux départements et à la Sécurité Sociale française. Le Gouvernement devrait être aussi déterminé à répondre à ces attentes que le candidat de l’entre-deux tours Emmanuel Macron qui, lors du débat de la présidentielle le 3 mai 2017, avait osé consacrer sa carte blanche au handicap, promettant la scolarisation pour tous et la fin de l’exode à l’étranger sur 5 ans.


Isabelle Resplendino, présidente de l’association des Français en situation de handicap en Belgique (AFrESHEB), avril 2018.

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