Lancé le 16 janvier par le Président de la République devant un parterre choisi de maires, le Grand Débat National constitue la réponse démocratique à la vague d’occupations, filtrages routiers et manifestations du mouvement des gilets jaunes. Issu de l’agglomération de mécontentements exprimés sur les réseaux sociaux, ce mouvement non organisé par principe a fait trembler le pouvoir au début du mois de décembre lors de rassemblements pré-insurrectionnels. Face à des milliers de protestataires sans leader, le Président de la République est longtemps demeuré silencieux, et son Premier ministre décontenancé, apparaissant plusieurs fois fébrile dans les médias. Ils pensent toutefois être sortis de cette mauvaise passe en jouant le pourrissement et la répression : mise en exergue des dégâts, violences policières couvertes voire encouragées par certains politiciens, arrestations et condamnations à la chaine, interdiction de manifestations et rassemblements. Et ils espèrent encore retourner ce mécontentement à leur profit en lançant dans le pays un Grand Débat National dont ils ont défini un cadre qui correspond aux réformes et économies budgétaires qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe veulent réaliser. Quatre thèmes à débattre, qui excluent les revenus et le pouvoir d’achat. Discuter en France du montant du salaire minimum et de ressources nécessaires pour vivre décemment, et pas seulement survivre, n’est pas admis par le pouvoir en place.
Dans le même temps va se dérouler la concertation préalable à la grand-messe qu’est la Conférence Nationale du Handicap. Ce rendez-vous triennal annoncé pour juin 2019 (après avoir été plusieurs annoncé par Edouard Philippe puis reporté sans le dire) doit être précédé de forums régionaux et événements locaux. Les ministres sont requis pour y participer afin de promouvoir cette « société inclusive que nous voulons » et que la politique de ce gouvernement comme des deux précédents a taillée en pièces : moins d’accessibilité dans le logement et le cadre bâti, stagnation des établissements médico-sociaux, évolution inégale des ressources, baisse des moyens en faveur de l’insertion professionnelle, etc. Si les discours demeurent volontaristes, les actes gouvernementaux sont inverses, donnant aux propos des airs de mensonge et de propagande.
À cet égard, l’intégration début décembre au sein du comité de pilotage de la CNH du directeur-gérant d’un site web « d’information » constitue un signal alarmant : depuis des semaines, les articles qu’il publie se veulent positifs, s’efforcent de gommer les effets négatifs des atermoiements et errements gouvernementaux. Parmi des articles corrects, il publie des communiqués de presse gouvernementaux, vaguement adaptés, sans mettre les guillemets de rigueur ni préciser la source. Qu’aurait-on dit et écrit si une chaine télé ou un quotidien national avait été associé au Grand Débat National ? Mais là, dans le champ du handicap ça passe, les associations nationales ont accepté sans ciller qu’un organe de propagande participe à l’organisation de la Conférence Nationale du Handicap. On avait déjà vu, le 4 septembre 2015, le rédacteur en chef d’une radio parisienne dédiée au handicap animer une conférence de presse du Premier ministre Manuel Valls pour le lancement d’une campagne sur l’accessibilité universelle qu’il venait de tailler en pièces ! Un nouveau palier est franchi : le Gouvernement associe un média complaisant à l’organisation d’une grand-messe.
Laurent Lejard, janvier 2019.