En Macronie, cela ne se fait pas : des députés du parti présidentiel La République En Marche ont osé défendre un amendement au projet de loi d’orientation des mobilités pour contraindre à rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite 15% des stations du métro de Paris intra-muros. « L’amendement que je présente en séance est beaucoup plus raisonnable que celui que j’avais déposé en commission des lois puisqu’il y est proposé de rendre accessible non plus 50 % des stations de métro, mais 15 % d’ici à 2025. Chacun aura compris que cette échéance à un lien direct avec les Jeux olympiques, une occasion de se montrer exemplaire en matière d’accessibilité. » Député de Paris, Pacôme Rupin parle d’or : la maire de Paris et la présidente du Conseil Régional Ile-de-France, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, ne cessent de seriner que ces Jeux feront progresser l’accessibilité et laisseront un héritage positif aux habitants handicapés. Pourtant, ces deux élues refusent aujourd’hui comme hier d’envisager toute mise en accessibilité du métro parisien aux personnes handicapées motrices, ce qui touche également les familles et les touristes. S’il n’y a en effet « que » quelques milliers d’usagers en fauteuil roulant ou ayant des difficultés à marcher qui sont discriminés par cette politique, ce sont des dizaines de milliers de familles ou nounous avec enfants en poussette et de touristes encombrés de grosses valises à roulettes qui sont contraints de s’entasser dans des autobus censés pallier l’inaccessibilité du métro. Conséquence : lorsqu’un passager en fauteuil roulant effectue un trajet en bus, il voit monter et descendre nombre de poussettes et il est fréquent qu’il doive partager la plate-forme centrale avec deux, trois, parfois jusqu’à cinq de ces engins !
La qualité du réseau bus poursuit par ailleurs sa constante dégradation. Il a « perdu la moitié de sa vitesse commerciale ces dernières années » a rappelé Pacôme Rupin à la ministre des Transports, Élisabeth Borne, qui a enfoncé le clou : « J’ajoute qu’il faut absolument contrer la tendance à la baisse de la vitesse commerciale des bus à Paris. C’est encore un sujet prioritaire, dont les collectivités gestionnaires de voirie seraient bien inspirées de s’emparer. » Avec 6.000 chantiers en cours dans la capitale, selon l’opposition municipale, ce n’est pas étonnant et n’est qu’un début : plus l’échéance des Jeux se rapprochera plus les chantiers seront nombreux. Actuellement, les grands axes de Paris sont embouteillés en permanence dès 6 heures jusqu’à tard en soirée, à cause de travaux mais également de la réduction du nombre de voies de circulation automobile. La municipalité lui fait la guerre dans une ville qui compte le moins de véhicules particuliers, même pas 0,5 voiture par foyer. Pis, les voies réservées aux bus protégées par des bordures sont supprimées, remplacées par des autoroutes à vélos; à la place, une file marquée d’une simple ligne blanche, un retour de 20 ans en arrière et des dizaines de millions d’euros gaspillés. Résultat : d’inextricables embouteillages, des usagers qui montent dans un bus et ne sont pas assurés d’arriver à destination parce qu’il est fréquent que le service de régulation de la ligne ordonne au chauffeur d’abréger le parcours : « Tout le monde descend, vous prendrez le prochain, vous avez un rendez-vous, vous prenez un train, vous allez au spectacle, tant pis pour vous, z’aviez qu’à prendre le métro ! » Lents et peu fiables, tels sont les autobus parisiens auxquels sont condamnés, et pour longtemps, les usagers handicapés moteurs, les familles à poussette et les visiteurs encombrés de bagages.
Cette situation, Élisabeth Borne la connaît parfaitement : elle présidait la RATP de 2015 à 2017 juste avant d’être récompensée de son ralliement macroniste par le portefeuille de ministre des Transports. Cela ne l’a pas empêchée de se déchainer contre les députés de sa majorité osant réclamer un zeste d’accessibilité du métropolitain : « En votant des lois inapplicables pour se faire plaisir, on suscite beaucoup de déception chez les personnes handicapées […] J’ajoute que les études menées par la RATP à ma demande, lorsque j’occupais mes précédentes fonctions, ont montré que rendre accessible le métro autour des équipements sportifs de la porte d’Auteuil coûterait plusieurs centaines de millions d’euros ». On aimerait voir ces études, restées confidentielles, même les conseillers de Paris ou de la Région Ile-de-France ne les connaissent pas ! Nouveauté : Élisabeth Borne appelle les pompiers à sa rescousse : « La réglementation pompiers est extrêmement contraignante, ce qui freine toutes les démarches de mise en accessibilité du métro. Un de mes prédécesseurs dans les fonctions de PDG de la RATP [Pierre Mongin NDLR] avait même renoncé à mettre en accessibilité des prolongements de lignes de métro car cette réglementation l’aurait alors obligé à rendre accessible toute la ligne. » Pourtant, le Bataillon des Sapeurs Pompiers de Paris interrogé en février 2018 répondait n’être « que conseiller technique auprès de l’autorité administrative et n’a donc aucune autorité pour interdire ou autoriser quoique ce soit […] Dans le cadre des dossiers qui lui sont soumis par les préfectures, la BSPP s’assure que dans les gares rendues accessibles, les dispositions règlementaires relatives à l’évacuation des PMR sont respectées. » Ce sont bien Île-de-France Mobilités, le Conseil Régional, la Ville de Paris, la préfecture et le ministère des Transports qui décident.
Mais là où la ministre dépasse la mesure, c’est quand elle jette à la face des députés ses propres insuffisances de présidente de la RATP : « Je tiens aussi à souligner qu’en banlieue, les stations de bus et la voirie ne sont même pas accessibles aux personnes handicapées ! Le saviez-vous, monsieur Rupin ? Paris est important, mais la banlieue et le reste du territoire ne le sont pas moins ! » Ce que la députée « insoumise » Caroline Fiat a traduit ainsi : « Quand, à quelle date, durant quel siècle, se donnera-t-on les moyens de rendre tous les transports accessibles ? » Vaste question…
Laurent Lejard, juin 2019.