Le Gouvernement a mis le paquet pour imposer l’idée que la rentrée scolaire serait la meilleure que la France ait connue depuis longtemps, et l’école inclusive devenue une réalité. Plusieurs ministres sont mobilisés pour porter cette parole, en complément de ceux chargés de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, et des Personnes handicapées, Sophie Cluzel. Ces derniers ont multiplié les visites de terrain pour vanter leur action pour une école accueillant tous les enfants handicapés dans un grand service public de l’école inclusive. « Tous les enfants de la République vont être scolarisés », a même clamé Sophie Cluzel sur RMC le 28 août. Tous ?
La voilà démentie dès le lendemain par les multiples témoignages de parents recueillis par des journalistes dont ceux de France Info, et surtout du président de l’ADAPEI de la Drôme, Jean-Luc Chorier : il annonce dans la presse locale l’organisation à Valence d’une pyramide de cartables pour mettre en lumière la situation de 240 enfants et adolescents laissés sans solution éducative, information largement reprise dans les médias nationaux. Sophie Cluzel réagit violemment le vendredi soir en adoptant le style du président des États-Unis d’Amérique du Nord, Donald Trump : « C’est une fake news complète ! a-t-elle asséné sur BFM TV. Pas un seul enfant n’a pas une solution [sic]. » Et d’ajouter : « Je voudrais dire qu’il faut arrêter d’instrumentaliser l’inquiétude des parents. C’est scandaleux. Ces enfants sont à l’école pour la plupart, certains sont en IME, d’autres ont déménagé, d’autres ne sont absolument pas connus ». Bref, tout va bien dans la Drôme et le président de son ADAPEI n’est qu’un menteur manipulateur.
Sauf que le préfet de la Drôme a publié un communiqué qui se termine par une confirmation de la situation locale : « Un groupe de travail, comprenant l’ensemble des parties prenantes, présidé par le préfet, se tiendra prochainement avec l’objectif de faire un point individualisé sur les situations en cours. Il est rappelé que dans l’attente d’une prise en charge en établissements spécialisés, des solutions temporaires d’accompagnement en milieu scolaire ordinaire continuent d’être systématiquement proposées aux familles. » Les difficultés sont en cours d’étude « individualisée ». Cela veut dire, comme l’expliquent des parents (dont le fils n’a passé que trois mois à l’école sur ses neuf ans d’existence), que des enfants vont aller à l’école ordinaire avec quelques heures d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH). Ça passera ou ça cassera, une solution tem-po-rai-re au pays du provisoire définitif…
Alors, ces 240 enfants et jeunes Drômois handicapés sans solution : fake news ? Et les 850 jeunes adultes maintenus en établissements pour mineurs : fake news ? Vérifiez dans l’actualité du 29 mai 2019. Les 750 enfants, jeunes et adultes de la région Grand Est placés en Belgique : fake news ? L’Agence Régionale de Santé tente pourtant d’en ramener une cinquantaine en France (lire les Ratés du 17 mai 2019). Et les 1.800 enfants, jeunes et adultes handicapés sur liste d’attente pour une place en établissement ou service médico-social dans le Finistère (lire les Ratés du 3 mai 2019) : fake news ? L’État condamné pour carence éducative dans le Nord : fake news ? Lisez l’actualité du 24 avril 2019. Ce ne sont que quelques informations publiées ces derniers mois (vous en trouverez bien d’autres dans les Ratés de la compensation publiés en Actualité au fil des semaines), qui témoignent de l’insuffisance des moyens mis en regard des besoins. Insuffisances récurrentes que l’actuelle secrétaire d’État aux Personnes handicapées ne veut pas voir et qu’elle préfère aujourd’hui « disqualifier » à la manière du président Trump.
Laurent Lejard, septembre 2019.