Ça y est, on pourrait croire le problème en voie de règlement, le Gouvernement a annoncé sa « Stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des Aidants ». Il estime entre 8 et 11 millions le nombre de parents ou amis qui aident, le plus souvent bénévolement, une personne handicapée ou âgée dépendante. Cette estimation montre à elle seule la déshérence des politiques publiques, le chiffre variant de près de 50%. Le Gouvernement ne peut d’ailleurs fournir, à l’appui de sa Stratégie, qu’un baromètre élaboré par un organisme privé de protection sociale : il nous apprend que 90% des aidants assistent un membre de leur famille et que 8 sur 10 « ont le sentiment de ne pas être suffisamment aidés et considérés par les pouvoirs publics ».
Pour atténuer ce sentiment, le Gouvernement annonce 17 mesures et 400 millions d’euros sur 3 ans. Côté mesures, un numéro téléphonique national de soutien des proches aidants, une plate-forme numérique d’information (c’est à la mode ces temps-ci), des simplifications administratives et fiscales particulièrement bienvenues dont la suppression de l’imposition sur le revenu et au titre de prélèvements sociaux (CSG et CRDS) de la Prestation de Compensation du Handicap « dédommagement familial ». Les 400 millions sont, eux rapidement décomposés : 105 pour créer et financer des structures de répit, ces lieux de séjour dans lesquels les aidants sont déchargés quelques jours de leurs tâches quotidiennes assurées par des professionnels qui les relaient. Les 300 autres millions seront affectés à partir d’octobre 2020 à l’indemnisation du congé de proche aidant, jusqu’alors bénévole : créé en janvier 2017, il autorise un salarié à prendre des jours de congé non payé, jusqu’à l’équivalent d’une année sur l’ensemble de sa carrière professionnelle. Mais si le Gouvernement accepte qu’il soit rémunéré a minima pour l’équivalent du SMIC, ce n’est que pour un seul trimestre sur les plus de 168 que compte une carrière professionnelle complète. Il prévoit 200.000 bénéficiaires par an, soit 100 millions d’euros en année pleine, et sur les trois ans de la Stratégie voilà comment seront consommés les 300 millions prélevés sur le budget de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).
Oui, c’est le Gouvernement qui régale, mais pas sur son budget, il pioche dans celui du jour férié travaillé non payé. Une fois encore, nos politiciens qui sont à l’origine de la déshérence de l’aide humaine aux personnes vulnérables tentent de tirer les marrons du feu alors qu’ils n’ont fourni ni les marrons ni le feu ! Après tout, la CNSA a été créée en 2004 pour financer l’aide aux personnes handicapées ou âgées dépendantes, elle est dans sa mission. Sauf que les gouvernements successifs ont toujours empiété sur son action, dirigé ses ressources vers le comblement de trous, de failles dans les dispositifs de prise en charge. Tous les pans de l’aide humaine sont en crise aigue, et les associations de personnes handicapées ou âgées dites du GR31 le réaffirmaient début octobre en commentant le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2020. « Le congé de proche aidant est mis à la charge de la CNSA, mais pas financé », dénonçait devant des journalistes Marc Bourquin, conseiller stratégique de la Fédération Hospitalière de France (FHF).
Président de l’Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux Domiciles – Service à domicile (UNA), Guillaume Quercy était implacable : « Le maintien à domicile est très maltraité dans le PLFSS. 1 demande d’aide sur 10 ne peut pas être satisfaite faute de personnels. Les salaires et conditions de travail sont difficiles. On a besoin d’une réforme systèmique. » Ce qu’appuyait Hugues Vidor, Directeur général d’Adessadomicile : « On n’a pas de réponse des pouvoirs publics. Le secteur est à bout de souffle. On souhaite que l’ensemble de la branche soit au moins au niveau du SMIC. On en est au niveau de la décence dans l’intervention à domicile. » Tous ces acteurs professionnels dénoncent le pilotage erratique de l’aide humaine à domicile comme dans les établissements pour personnes âgées dépendantes. Les discours des politiques sont là mais ils ne parviennent plus à masquer l’absence de volonté de créer un secteur et une filière professionnelle qui rémunère correctement des personnels formés et motivés, avec des perspectives d’évolution et une réelle valorisation de leur travail quotidien auprès des plus vulnérables de nos concitoyens.
Laurent Lejard, novembre 2019.