En effet depuis toujours nous vivons confinés dans des logements ou institutions ghettos, afin de n’être point mélangés à la société car celle ci a peur d’être comme nous. Alors elle nous cache et se complaît dans sa position de domination. Et oui le confinement, le manque de relation sociale, l’enfermement, les privations (notamment de liberté), tout cela est notre quotidien et notre peine depuis longtemps, pour n’avoir commis le crime que de la différence (comme beaucoup d’autres). Le confinement, l’isolation, la solitude et ses répercussions, nous connaissons aussi : les troubles et maladies psychiques, troubles de la personnalité ou alimentaires, la surmortalité, les addictions de toutes sortes, le suicide, etc., qui malheureusement aujourd’hui touchent une beaucoup plus grande partie de notre société. Tout ceci ne sont que les conséquences de notre mise à l’écart, et du déni permanent quant à nos droits. J’ai coutume de dire que nous ne survivons pas dans une société de droit, mais dans une société de faire valoir. Il faut en permanence se battre pour faire valoir les droits à l’éducation, à la santé, au travail, à la culture, à l’hygiène, etc.
Intéressons-nous aux conséquences liées à la situation actuelle de confinement. Parmi elles, on peut citer l’arrêt de nombreuses prises en charge ; en effet depuis le début du confinement, pour beaucoup d’entre nous il n’y a plus de kinésithérapie, de suivi psychologique, de consultation douleur, et une baisse ou un arrêt des aides à domicile. Tout ceci fait que nos corps se dégradent, se raidissent, que nos symptômes s’aggravent et que quand l’on pourra à nouveau être soigné au mieux, il y aura beaucoup plus de travail. Mais le plus grave, c’est que nos handicaps et nos corps, et donc nos possibilités d’interactions avec le monde seront par la situation actuelle davantage diminuées, aggravées et dangereuses. Pour les patients qui ont été en soins intensifs, intubés, sous respirateurs, il va falloir effectuer de la rééducation respiratoire et fonctionnelle, et il ne faut pas les faire attendre ! La conséquence sera sans doute de décaler dans le temps toutes les autres prises en charge et séjours des autres patients suivis pour d’autres pathologies dans les services ou centres de rééducation.
Il faudra donc être extrêmement vigilant à faire au mieux et à ne laisser personne sur le côté, car sans kiné et autres soins quotidiens ou hebdomadaires, si en plus les séjours ou soins en centres de rééducation sont trop retardés, on court à la catastrophe, car ces prises en charge sont vitales pour nos santés physique et psychologique !
Nos proches aussi souffrent de cela, la charge mentale et physique s’accentue, car la baisse des soins et des différentes aides apportées fait que beaucoup d’aidants sont sur-sollicités (si, si c’est possible). Le secteur du « social » est aussi fortement impacté, plus de rendez vous à domicile pour les assistants sociaux et chômage partiel ou confinement, donc moins de suivi, ou plus difficile. Beaucoup de proches, aidants, familles ou personnes mises en situation de handicap se retrouvent perdus, largués devant les différentes situations qui s’aggravent. Les services administratifs sont au ralenti, de même que les Maisons Départementales des Personnes Handicapées, les services sociaux, centres départementaux ou communaux d’action sociale; donc beaucoup de demandes sont au point mort et laissent les usagers dans une situation de stress et de fatalisme, dont il est, et sera difficile voire impossible pour certains de sortir.
Espérons que tout un chacun sera vigilant quant à la suite, un grand merci à toutes ceux et celles qui prennent soin des autres (souvent dans des conditions difficiles et encore plus aujourd’hui). Ils et elles sont essentiels à notre société. Pour tous ceux qui comme moi souffraient déjà de confinement sociétal et de ses conséquences avant le « confinement » officiel, tenez bon : « crochez dedans » comme on dit chez moi !
Armel Gueguen, animateur du collectif anti-capacitiste du Pays de Morlaix (Finistère), mai 2020.