« Si le CNCPH n’existait pas, il faudrait l’inventer ». Voilà ce que l’ANPIHM disait à l’époque où le CNCPH ne se réunissait qu’une fois par an (et encore !). Puis, quand à partir de 2002 le CNCPH devint ce « cadre » indispensable d’échanges directs avec le Gouvernement et l’Administration centrale.
Et depuis le début du quinquennat, appelé par le Gouvernement à « co-construire une société accessible » au point d’en faire l’axe stratégique du CNCPH, l’immense majorité du Mouvement associatif a souhaité répondre à cette ambition et devenir réellement l’interlocuteur privilégié des Ministères pour ce faire. À ceci près, qu’au lieu de conserver son caractère « consultatif », le CNCPH est devenu en fait un organe « participatif » avec le risque, inhérent à tous les organismes du même genre : que les partenaires associatifs mettent en danger leur identité, et à minima, leur indépendance.
Aussi, soyons clairs ! Que les représentants associatifs soient saisis de tous les textes ayant un impact direct sur la vie des citoyens dits handicapés, est une nécessité absolue. Qu’il existe un lieu où, de manière collective, le Mouvement associatif échange en toute transparence avec les Instances gouvernementales et l’Administration autour d’un projet gouvernemental ou autour d’une demande émanant du Mouvement associatif lui-même, constitue également une nécessité absolue. Que les parties concernées doivent chercher à conclure positivement pour le mieux-être des personnes dites handicapées, est aussi une nécessité absolue. Que peu de Parlementaires et d’Administrations aient une connaissance suffisante de la situation des personnes dites handicapées, et que dès lors la participation de ces dernières à l’élaboration et à la mise en oeuvre des politiques les concernant soit indispensable, est une évidence. Que les projets de décrets, arrêtés ou circulaires, rédigés par les Ministères, dès lors qu’ils tiennent compte de l’avis complet des Commissions du CNCPH, reçoivent ensuite en Assemblée plénière un « avis favorable » constitue une excellente issue.
Ceci étant précisé, que la majorité du Mouvement associatif ne souhaite pas être uniquement consultée, mais demande à être associée à la rédaction des textes le plus tôt possible peut aussi parfaitement s’admettre. En effet, si « être associé » signifie une consultation approfondie avec une volonté réciproque de se comprendre et de parvenir à obtenir la meilleure rédaction possible des textes, il n’y a nulle objection à formuler.
Mais si, comme la réalité le démontre trop souvent, « être associé » signifie prendre une part de responsabilité dans l’écriture d’un texte au final totalement insatisfaisant, voire contraire aux demandes des personnes dites handicapées, l’ANPIHM considère alors qu’il s’agit là d’une ligne rouge conduisant nos fonctions associatives respectives à changer de nature et partant, à ne pas défendre correctement et en toute transparence les intérêts des personnes dites handicapées !
Il est d’ailleurs tout à fait remarquable de constater quasi systématiquement que les projets d’avis du CNCPH (reprenant le plus souvent ainsi les avis de ses Commissions) soulignent comme un leitmotiv la « qualité de l’écoute », pour se poursuivre le plus souvent par une succession de « réserves » d’ailleurs toujours parfaitement argumentées, pour finir généralement par un « avis favorable avec réserves » ! Et non pas un « avis favorable sous réserves » ! C’est-à-dire, sous réserves que certaines modalités du projet de texte réglementaire portant un préjudice aux personnes dites handicapées soient modifiées. Hors de quoi, bien entendu, « l’avis favorable sous réserves » devient alors automatiquement un « avis défavorable ». Cela d’autant plus que les avis du CNCPH préconisés sur les textes les plus sensibles sont rarement pris en compte, ce qui constitue là aussi une autre évidence.
C’est à peu près ce qui vient de se passer le 17 mars. En effet, dans son Avis du même jour portant sur un décret modificatif, la Commission Accessibilité « se félicite des dispositions relatives à l’obligation d’installer des douches sans ressaut dans les logements neufs situés en rez-de-chaussée » et pour les logements construits dans les étages accessibles. Pour « regretter » ensuite, qu’il ne sera pas possible de conserver l’accessibilité de la salle de bains à une personne utilisant un fauteuil roulant dès lors qu’il lui faudra installer un siège fixe sous la douche. A fortiori d’installer dans le futur une baignoire, ce alors même que l’intérêt de l’installation dès la construction d’un siphon de sol, un dispositif acquis de haute lutte par le Mouvement associatif après des années de bataille sur le sujet : il permet justement la réversibilité douche/baignoire. Pour indiquer également, que la possible limitation à 1,80 m de hauteur sous plafond à l’endroit où serait installé la douche reviendrait à rendre quasi impossible à une auxiliaire de vie d’effectuer la toilette de la personne à aider ! Et la Commission finit, certes à une très faible majorité, par donner un « avis favorable » à un tel texte !
Mais le pire était à venir ! En effet, le Gouvernement ayant choisi la procédure d’urgence, le CNCPH n’a pas eu l’occasion de discuter en séance plénière de ce projet de texte comme cela aurait dû être le cas. Le Gouvernement a ainsi saisi le « Comité de gouvernance » du CNCPH qui, lui,a donné à l’unanimité un « avis favorable avec réserves » ! Autant dire, un blanc-seing au Gouvernement !
Le CNCPH, réuni en séance plénière, aurait-il donné un tel « avis favorable sous réserves », empêchant alors le Gouvernement de pouvoir se prévaloir du soutien du Mouvement associatif ? Le pari du bon sens conduit logiquement à le penser. Le Gouvernement craignait-t-il que le CNCPH formule un tel avis dûment argumenté, démontrant aisément combien le texte final est contraire à l’intérêt général de la population, qu’elle soit concernée dès aujourd’hui ou confrontée à cette difficulté au fil de l’âge ? Notre vieille expérience conduit malheureusement à le croire.
Que le Gouvernement continue ainsi, et le CNCPH sera réduit à un palais des ombres !
Vincent Assante, président de l’Association Nationale Pour l’Intégration des personnes Handicapées Moteurs (ANPIHM), juin 2020
PS de la rédaction : plus de deux mois après cet avis demandé selon une procédure d’urgence, l’arrêté ministériel n’est toujours pas publié. Le Gouvernement a pris l’habitude d’imposer systématiquement l’examen de ses projets de loi selon la procédure d’urgence ce qui entraine une nette limitation du débat public, ferait-il de même avec le CNCPH ?