Depuis 2010, notre association oeuvre et milite sur les sujets des droits humains, de l’accès à la parentalité et aux soins, de l’accessibilité des lieux parents/enfants, de la sensibilisation au handicap, de la vie affective et sexuelle, de la prise en compte de la parentalité des personnes en situation de handicap dans la société et dans la politique sociale, ainsi que sur l’accompagnement des parents et futurs parents.
Depuis plusieurs années, Handiparentalité avait identifié le manque d’aide à la parentalité, elle était même complètement niée ! « Il m’a fallu longtemps pour comprendre qu’avant de se risquer à parler, il fallait d’abord rendre les autres capables d’entendre », écrit avec raison le neuropsychiatre Boris Cyrulnik dans sa biographie Sauve-toi, la vie t’appelle. J’ai fait du lobbying sur l’handiparentalité pendant de nombreuses années. J’ai brassé du vent. J’ai témoigné et fait témoigner d’autres parents. Je me suis entretenue avec l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et je suis restée en alerte par rapport au travail des autres partenaires associatifs.
Deux départements l’ont expérimenté.
Il y a 4 ans, la Gironde commençait à entendre ce besoin. Le 16 décembre 2019 précisément, avait lieu un comité de pilotage entre la Maison Départementale des Personnes Handicapées et les acteurs de terrain pour statuer sur la Prestation de Compensation du Handicap « parentalité » en Gironde, où notre trésorier était présent tandis que je participais le même jour à l’élaboration du cahier des charges concernant l’accompagnement à l’handiparentalité organisé par APF France Handicap. Un travail titanesque !
De manière extra-légale, se plaçant derrière l’Ille-et-Vilaine, la Gironde a mis en place un dispositif d’aide à la parentalité jusqu’aux 3 ans révolus de l’enfant. Le conseiller départemental Sébastien Saint-Pasteur et la directrice de la MDPH ont énormément oeuvré pour mettre cela en place. A ce jour, une vingtaine de familles bénéficie de ce dispositif. C’est une avancée importante bien qu’insuffisante, puisqu’à 3 ans l’enfant est loin de pouvoir préparer son petit déjeuner et partir à l’école tout seul ! Néanmoins, la Gironde a insufflé l’idée selon laquelle il fallait transformer l’extra-légal en un décret national [la PCH parentalité prendra à compter de janvier 2021 la forme d’un forfait d’une heure par jour jusqu’aux 3 ans de l’enfant puis d’une demi-heure jusqu’à ses 7 ans versé au parent qui perçoit déjà une PCH, lire le projet de décret approuvé par le Conseil National Consultatif des Personnes handicapées NDLR].
Aujourd’hui, c’est chose faite !
Nous attendions ce moment depuis 2007 environ, lorsque la prise en compte de la parentalité avait été évoquée dans le « 5ème risque » PCH. Ensuite, ce fut l’inertie, les fausses promesses ou les déclarations hasardeuses… Madame Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, avait affirmé par exemple lors d’une interview le 11 février 2015 que la PCH prenait en compte l’aide à la parentalité ! Or, cette aide à la parentalité dans la politique sociale et dans la PCH n’existait pas !
Dans notre association, nous pensons que c’est une avancée historique puisqu’il s’agit avant tout d’une reconnaissance sociétale. La vie des personnes handicapées peut être une vie maritale et parentale ! Nous regrettons par ailleurs l’uniformité de ce dispositif en oubliant que chaque parent a des besoins différents. De plus, l’aide a été calculée une fois de plus par rapport à l’âge de l’enfant seulement. L’âge de l’enfant est un paramètre à prendre en compte, bien sûr. Mais à 7 ans, il n’est toujours pas complètement autonome et le handicap du parent reste le même. Nous aurions apprécié une aide individualisée : c’est le principe de la PCH !
Si cette aide à la parentalité ne couvre pas tous les besoins, qu’en sera-t-il ? Y aura-t-il encore des signalements, des dispositifs Aide Sociale à l’Enfance par défaut, des placements parce que les professionnels ne voient pas comment faire autrement, du « bricolage » avec l’entourage familial, des femmes handicapées qui n’osent pas se séparer de leur conjoint valide, des renoncements à la parentalité alors que la France pourrait encore faire mieux ?
Pensons à tous les handicaps ! Est-ce qu’en parallèle, la formation de TOUS les professionnels sera intégrée systématiquement en formation initiale ou continue ? Pour ma part, j’ai formé plusieurs centaines de travailleurs sociaux, de nombreux professionnels du secteur sanitaire et paramédical, une centaine d’accompagnantes en périnatalité, une cinquantaine de sage-femmes, et une dizaine de futures sages-femmes seulement. Je souhaite poursuivre cette mission qui me semble indispensable avec la mise en place de l’aide à la parentalité.
Fin du système D ?
Voici un témoignage datant de 2016 : « Je voulais te dire que l’on m’a accordé plus d’heures concernant la PCH aide humaine afin de m’aider dans mon quotidien avec mon fils. L’évaluatrice qui est venue a compris car elle aussi elle avait un enfant pratiquement du même âge que Nathanaël. Je suis dont passé de 23h à 66 heures (pour que l’auxiliaire puisse m’aider sans que cela soit officiel si la structure accepte) […] Mais le souci, c’est surtout de trouver des auxiliaires de vie qui soient compétentes auprès des enfants et surtout autonomes car quand l’enfant nous accapare ce n’est pas simple, et qui ont un peu de présence d’esprit de venir en aide en cas de difficultés (ne pas continuer de faire la vaisselle quand l’enfant court pour ne pas mettre un gilet). Et le second point, c’est l’attribution d’heures, c’est bien mais il faut que les associations d’aide à domicile puisse mettre des intervenantes. Je suis souvent déficitaire, j’ai souvent 50 heures d’interventions au lieu de 66 heures. On me répond souvent qu’il manque de personnel (et surtout de personnel formé et compétent !) »
Il reste aussi à gagner le combat sur la non prise en compte du revenu du conjoint dans le calcul de l’Allocation Adulte Handicapé. Un jour, peut-être, la loi du 11 février 2005 aura du sens et la dignité des personnes en situation de handicap sera effective. On progresse !
Florence Méjécase Neugebauer, présidente de l’association Handiparentalité et l’équipe de l’association, décembre 2020.