Il aura suffi de quelques jours pour apprendre que l’accessibilité aux usagers handicapés des sites Internet de l’Administration et des services publics passerait une fois de plus à la trappe. C’est ce qui ressort d’une conférence de presse du secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O, lundi 15 mars, qui en a bafouillé sa réponse : « Lors de la Conférence nationale du handicap qui s’est tenue l’année dernière à l’Élysée avec Sophie Cluzel, je n’ai plus, je sais quelle est l’ambition, je crois qu’Amélie de Montchalin lors de ses annonces sur la transformation publique a précisé les choses il y a quelques jours, mais la question de la transformation numérique de l’État étant maintenant pilotée par Amélie de Montchalin, je n’ai pas les derniers éléments. Mais je me souviens très bien qu’aujourd’hui le taux de conformité au RGAA [référentiel d’accessibilité numérique] des sites publics est aux alentours de 20 à 25% et que nous avions annoncé que nous voulions arriver à 80% dans les années qui viennent, je crois d’ici 2022-2023. »
Cédric O commet ici une grosse confusion entre les sites Internet et les formalités par voie électronique : ce sont elles qui étaient l’objet de son annonce de février 2020 sur la mise en accessibilité de 200 des 250 démarches administratives en ligne contrôlées par l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne. Un an plus tard, ce chantier n’a pas débuté, comme le concédait le 4 mars le ministère de la Transformation publique : « On est en train de mettre en oeuvre les moyens nécessaires avec la Direction interministérielle du numérique. » Quant à la feuille de route des « 400 jours pour accélérer la transformation numérique de l’État » que le ministre a présenté le 4 mars, elle est vide d’actions concrètes en faveur de l’accessibilité numérique. Et si sa collègue chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, a élaboré une charte présentée au Conseil des Ministres du 3 mars, son ambition ne porte que sur 50 sites web publics accompagnés dans leur accessibilité. Une goutte d’eau dans l’océan.
On ne connaît pas le nombre de sites web concernés par l’obligation légale d’accessibilité mais ils se comptent par dizaines de milliers : administrations et services de l’État, collectivités locales, agences et organismes chargés d’une mission de service public, la tâche est considérable. A commencer par le site web du ministère chargé de la Transformation publique : les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés…
Laurent Lejard, mars 2021.
PS : Si la compétence « accessibilité de l’administration électronique » a été confiée depuis le changement de Gouvernement de l’été 2020 au ministère actuellement occupé par Amélie de Montchalin, pourquoi Cédric O a-t-il joué les VRP de luxe le 20 novembre dernier en faveur de la pseudo solution d’accessibilité numérique FACIL’iti ? Contrairement au tweet du ministre, cet adaptateur de pages web ne permet pas « de rendre accessible son site aux personnes en situation de handicap », mais modifie l’apparence des pages : il ne rend pas accessible des formulaires, des images cliquables et les autres obstacles que rencontrent les internautes déficients visuels, auditifs, intellectuels ou psychiques. Et n’assure pas la conformité au Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA).