Sitôt entré au Gouvernement, Damien Abad a lu, le 21 mai dernier dans Médiapart, un article relatant des accusations visant ses pratiques sexuelles : deux femmes lui reprochent des actes non consentis, dont des viols, l’une ayant déposé des plaintes classées sans suite comme il est habituel pour près de 80% d’entre elles. Les Parquets et procureurs de la République ont toujours cette propension à lessiver ce type de plainte, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ayant plusieurs fois bénéficié de leur largesse d’esprit. Nommé en mai 2017 ministre chargé du budget, il est à l’Intérieur depuis juillet 2020 et maintenu dans le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne.
Mais dans le cas Damien Abad, député handicapé moteur transfuge du parti de droite Les Républicains, les circonstances diffèrent parce que la reprise dans l’ensemble de la presse politique des informations publiées par Médiapart a plombé en plein envol la campagne de communication sur le premier gouvernement du second mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, transformant en fiasco médiatique un exercice de propagande sur sa nouvelle politique annoncée plus proche des préoccupations des simples gens. La prise de guerre politique au détriment des Républicains du nouveau ministre handicapé chargé des personnes handicapées s’est instantanément transformée en boulet pour la majorité présidentielle et son parti La République En Marche (alias Renaissance si le changement de nom annoncé le 5 mai dernier est réalisé…) Des dirigeants et élus de ce parti espèrent désormais l’échec de Damien Abad aux élections législatives des 12 et 19 juin où il briguera le renouvellement de son mandat dans la 5e circonscription de l’Ain. Il serait alors démis de son portefeuille ministériel, la présidence de la République ayant opportunément rappelé cette règle non-écrite en vigueur depuis les années 1980.
Si Damien Abad chutait ainsi, comme d’autres ministres candidats à la députation, le gouvernement Borne deviendrait paradoxal : la sanction populaire primerait la justice puisque les ministres mis en examen poursuivraient tranquillement leur mission. Il sont deux, rescapés du précédent gouvernement Castex qui a compté jusqu’à 6 ministres poursuivis en justice… dont celui de la Justice : l’avocat Éric « Acquitator » Dupond-Moretti a été mis en examen le 16 juillet 2021 pour prise illégale d’intérêt (il aurait utilisé sa fonction ministérielle pour mettre au pas des magistrats auxquels il avait eu affaire en tant qu’avocat.) Le second rescapé est l’ex-socialiste Olivier Dussopt, sous enquête judiciaire pour prise illégale d’intérêts et corruption depuis l’été 2020. N’oublions pas dans ce décompte François Bayrou : s’il n’a été ministre de la Justice (encore elle) que quelques semaines en mai 2017 avant de démissionner dès sa mise en cause pour une affaire d’emplois fictifs au Parlement Européen, il a été nommé en septembre 2020 haut-commissaire au Plan, probablement en récompense de sa mise en examen de décembre 2019. République exemplaire et macronisme ne font décidément pas bon ménage.
Laurent Lejard, juin 2022.