Le 28 février, l’Assemblée Nationale a définitivement adopté le projet de loi transposant la Directive Européenne du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. L’article qui la prévoit a été adopté sans réel débat, tout juste l’intervention en séance le 24 janvier du député aveugle du Rassemblement National, José Beaurain. Article qui n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable alors que la Première ministre, Élisabeth Borne, et la chargée des personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, proclament partout que la politique du handicap est coconstruite avec les associations dites représentatives. Là, elles ont plutôt été piétinées par l’utilisation d’un artifice : le remplacement d’un projet d’ordonnance, initialement inclus dans le texte de loi, par l’ensemble des dispositions législatives. Introduites au moyen d’un amendement en commission, elles ont été discutées a minima et adoptées telles quelles à l’unanimité. Un crime parfait.
Crime parce que l’accessibilité des produits et services demeure soumise à la bonne volonté du Gouvernement et des acteurs économiques qui disposent de beaucoup de temps et ne seront pas sanctionnés. Tout d’abord, les services et prestations actuellement en vigueur continueront à courir jusqu’en juin 2030. De plus, le champ d’application est renvoyé à des décrets et arrêtés ministériels, dont les exigences d’accessibilité, la liste des produits et des services concernés ainsi que les obligations applicables aux opérateurs économiques, et beaucoup d’entreprises sont exemptées de toute obligation. Ensuite, les terminaux électroniques de paiement ou d’achat pourront fonctionner jusqu’à leur remplacement au plus tard en 2040 : 15 ans de délai de grâce à compter du 28 juin 2025, date d’application de la Directive Européenne ! Enfin, la nouvelle loi ne contient aucune sanction financière mais uniquement des contrôles assurés par diverses autorités ; elles pourront mettre en demeure et imposer l’affichage du défaut d’accessibilité mais sans infliger d’amende administrative. Rien de vraiment dissuasif ni efficace.
En employant la technique de l’amendement déposé lors de l’examen en commission, le Gouvernement a fait d’une pierre deux coups : pas de concertation préalable avec les associations et le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) une fois de plus méprisé, et un débat limité à quelques amendements parlementaires anecdotiques, la plupart mal écrits et rejetés. Députés et sénateurs ne se sont pas posés de questions quant à la situation actuelle de l’accessibilité des sites web publics ou commerciaux privés et des communications téléphoniques. Pourtant, le Gouvernement a maintenu son projet de légiférer par ordonnance sur ce sujet : renforcer les sanctions et créer une solution d’accessibilité téléphonique universelle remplaçant les actuels centres-relais défaillants. Avec ou sans concertation ?
Laurent Lejard, mars 2023.