Notre très politicienne ministre des Personnes handicapées, Fadila Khattabi, a encore trouvé une occasion de faire parler d’elle en créant de toutes pièces une polémique qui a finalement fait flop. En déplacement le 22 mai au festival de cinéma de Cannes, elle s’est scandalisée de l’inaccessibilité de la célèbre montée des marches nanties du tapis rouge, le réalisateur Artus portant dans ses bras l’un des jeunes acteurs handicapé moteur de son film Un pt’it truc en plus. Pourtant, le palais des festivals est déclaré conforme à la réforme de l’accessibilité de 2014-2015, ce que l’État a validé via la Préfecture des Alpes-Maritimes. « Cela n’est plus acceptable de voir ce genre d’images, c’est une atteinte à la dignité de la personne que de devoir se faire porter jusqu’en haut, a pourtant déclaré la ministre dans Nice-Matin […] Ça n’est pas à elles de s’adapter à la société, c’est à la société tout entière de s’adapter à elles. »

Ce qui est très très loin d’être le cas, faute d’action publique cohérente à court, moyen et long terme, mais aussi du dévoiement du sujet vers la responsabilité et l’engagement des simples gens. Et on nous refait le coup du changement de regard parce qu’un film « handicap » a été vu en salles par 5 millions de spectateurs. Mais en quoi le succès de films précédents a changé ledit regard des décideurs et des politiciens ? Le Huitième jour, mettant en action le comédien trisomique Pascal Duquenne, a fait 3,6 millions d’entrées en 1996 sans que la situation des personnes trisomiques évolue d’un iota à l’époque. Intouchables a dépassé les 19 millions en 2012, ce qui n’a pas empêché le Gouvernement de tailler en pièces, deux ans plus tard, l’indispensable accessibilité de la voirie, des transports et des immeubles qu’espèrent toujours les personnes handicapées motrices. Les 7,5 millions d’entrées de La famille Bélier n’ont pas amélioré l’intégration sociale et professionnelle des personnes sourdes, dont les enfants ne disposant toujours pas d’un accès à l’enseignement dans le mode communication de leur choix, 19 ans après que celui-ci soit inscrit dans la loi.

Les grands médias refont néanmoins le coup du film qui va faire changer le regard sur les handicaps. Et la deuxième couche est déjà engagée avec les Jeux Paralympiques de Paris, comme le clame la présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, Marie-Amélie Le Fur. Là encore, c’est sur les spectateurs et téléspectateurs que repose l’injonction, et non sur les décideurs économiques, ministres et politiciens. Parce que dans la population, les préjugés se sont progressivement atténués, et les rejets en tout genre ne sont plus guère le fait que d’individus acariâtres ou méchants dont il faudrait presque plaindre le mal-être. Toutefois, cette tarte à la crème du changement de regard revient périodiquement pour masquer les carences de nos dirigeants, décideurs et ministres, principaux responsables des quotidiennes atteintes à la dignité vécues par toutes les personnes handicapées.

Laurent Lejard, juin 2024.

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