Le 1er janvier 2015, 80% des personnes handicapées vivant dans le Rhône vont changer d’administration de référence. Ce jour sera celui du transfert de la compétence Handicap, actuellement gérée par le Conseil Général, à la métropole de Lyon créée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Tous les habitants de la communauté urbaine du Grand Lyon seront alors « transférés » à la métropole qui héritera de 4.000 des 5.700 agents d’un Conseil Général qui n’administrera plus que les monts du Lyonnais et le Beaujolais… Un état des lieux est en cours d’élaboration par les services et les élus du Conseil Général et du Grand Lyon, incluant un recensement de la population concernée, mais aucune donnée n’est actuellement communiquée. On peut estimer que sont concernés 20.000 Allocataires Adultes Handicapés, plus de 3.500 bénéficiaires de l’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé et au moins 7.300 enfants et jeunes scolarisés ou éduqués en établissements spécialisés, outre le financement d’établissements médico-sociaux, de la Prestation de Compensation du Handicap, de l’aide sociale…
« On n’a pas beaucoup d’information, ne peut que déplorer Gaël Brand, directeur départemental de l’Association des paralysés de France. On a posé des questions sur le devenir de la Maison Départementale des Personnes Handicapées : ce qui se profilerait ce serait deux MDPH, une pour la métropole et une pour le reste du Rhône. » Et de regretter l’absence de concertation avec les acteurs associatifs, sans davantage s’en étonner : « Dans le Rhône, se faire entendre a toujours été problématique. » Il est d’ailleurs vrai que cette redistribution des compétences a été élaborée et décidée dans la plus grande opacité, en décembre 2012, par le président UDI du Conseil Général, Michel Mercier, et le socialiste sénateur-maire-président du Grand Lyon, Gérard Collomb : leur partage du territoire avait été annoncé le 4 décembre 2012, quelques heures après que les élus aient été informés sans avoir voix au chapitre. Le projet de loi de décentralisation annoncé par le Gouvernement est rapidement devenu le vecteur approprié pour exécuter les volontés néo féodales du « Comte du Rhône » et du « Baron de Lyon »…
Garantir la continuité sans rupture de droits.
« Il y a un enjeu de continuité du service public après le 1er janvier 2015, et pour les deux MDPH, » affirme Jérôme Maillard, directeur de la mission Métropole au Grand Lyon. S’il souhaite qu’une Maison métropolitaine des personnes handicapées soit créée, c’est plutôt sur le modèle d’une Maison de l’Autonomie traitant à la fois personnes handicapées et âgées qu’à l’identique d’une MDPH; un dispositif transitoire devrait reporter cette création de plusieurs mois ou années. D’autant que le département a cette particularité de déléguer dans une cinquantaine de Maisons du Rhône l’accueil du public et l’instruction administrative des demandes auprès de la MDPH, un fonctionnement que les deux collectivités territoriales veulent maintenir.
« Nous allons allier l’urbain à l’humain, assure Jérôme Maillard. C’est une opportunité d’intégrer à la métropole la compétence sociale. » Avec l’objectif de définir des politiques globales pour les groupes de population à besoins spécifiques, intégrant l’accessibilité, le logement, les aides et prestations sociales, l’éducation, les transports. « Tout un travail est mené depuis plusieurs mois dans des groupes thématiques politiques et techniques, avec des techniciens qui travaillent en amont des élus du Conseil Général, des communes et du Grand Lyon, poursuit Jérôme Maillard. Une seconde phase s’ouvrira après les élections municipales de mars, une concertation précédant les décisions organisationnelles. » En clair, élus et techniciens planchent sur les besoins, les moyens disponibles ou à prévoir, préparent des scenarios qui seront tranchés par les prochains élus municipaux et du Grand Lyon. Le Conseil Général et le Grand Lyon auront ensuite six à sept mois pour mettre en oeuvre les décisions prises.
Vice-président UMP du Conseil Général et conseiller communautaire au Grand Lyon en tant que Maire de Meyzieu, Michel Forissier veut apaiser les craintes résultant de l’actuelle carence d’information du public: « La loi n’existe que depuis janvier 2014. Maintenant vont avoir lieu les concertations, notamment avec les personnels en mesure de poursuivre une gestion identique entre Conseil Général et métropole. Nous avons organisé deux séminaires avec un panel d’associations pour expliquer qu’au 1er janvier 2015 pas grand chose ne va changer. Ce que la plupart des élus envisagent, ce sont des dispositions transitoires. On ne peut pas tout mettre en place du jour au lendemain. » Michel Forissier estime toutefois qu’une Maison du handicap est nécessaire au sein de la métropole, mais relève que sa création nécessitera le temps de construire ou adapter un bâtiment existant.
Au service de la population.
Syndicaliste CGT représentant les agents du Conseil Général, Laurence Margerit estime que le chantier est « chaud » en rapport à l’échéance et à l’actuelle révision des politiques publiques : « Le chantier n’est pas au point mort, mais il y a une échéance électorale au milieu. » Et des vacances d’été, pourrait-on ajouter. « Tout ce qui concerne la dépendance, le handicap, est un sujet test pour le Rhône, reprend-elle. Le Grand Lyon ne sait pas ce que sont les actions sociales. Son président l’a découvert en visitant des établissements. 2013 a été consacré à ça: apprendre aux élus ce que social veut dire! »
De fait, le Grand Lyon ne connaît du handicap que les aspects techniques de l’accessibilité à la voirie, aux transports publics et à ses établissements, il doit acquérir une « culture » nouvelle, sociale, humaine. Et Laurence Margerit ne peut dissimuler son inquiétude pour ce qui restera d’un département qu’elle appelle le « Nouveau Rhône » : « Le Conseil Général conserverait 1.700 agents affectés dans quatre pôles répartis sur le territoire. A la CGT, on estime qu’il manquera au moins 200 postes pour remplir les missions. » Juste le nombre d’emplois supprimés entre 2009 et 2012. Les 1,3 millions de métropolitains lyonnais seront-ils mieux servis que le reliquat de 420.000 Rhodaniens ? « Je pense qu’il y aura une continuité de l’instruction des dossiers, avec une convention entre les collectivités. On peut compter sur la compétence et l’engagement des agents de terrain pour l’assurer. »
Michel Forissier fait également confiance aux agents du Conseil Général : « La loi permet de contraindre les personnels. Mais déjà naturellement, les agents se répartissent entre les structures de proximité. » Le phénomène constaté lors de la création des MDPH ne devrait pas se reproduire, quand des agents détachés dans les Cotorep et CDES avaient utilisé leur droit au retour dans leur administration d’origine. Tout semble se mettre en place pour assurer la continuité du service dû aux administrés, et Michel Forissier estime qu’il n’y aura pas de « Big-Bang » dans le Rhône. Réponse dans quelques mois…
Laurent Lejard, février 2014.