Transports publics inchangés

Quatre voyageurs en fauteuil roulant, dont le photographe, en tête d'un train sur le RER B

Le ton est donné sur la ligne B du RER : une demi-douzaine d’adultes en fauteuils roulants motorisés font la queue devant l’ascenseur de la gare Port-Royal qui ne peut en transporter qu’un seul à la fois. Les visiteurs venus à Paris pour assister aux Jeux Paralympiques doivent s’armer de patience pour se déplacer via les transports publics. La ville et la région Île-de-France n’ont pas significativement amélioré l’accessibilité des gares du réseau RER, bien au contraire (lire cet Editorial), se contentant d’adapter celles desservant les sites de compétitions. Et parfois « à l’arrache » puisqu’à la station Champ de Mars Tour Eiffel (ligne C) les ascenseurs ne sont opérationnels que début juillet et l’accessibilité n’est pas indiquée sur le plan de la ligne pourtant récemment actualisé. Dans les trains, les voyageurs handicapés moteurs s’entassent comme ils le peuvent en tête de rame, RATP et SNCF n’appliquant pas leur limite réglementaire de deux fauteuils roulants. Mais il faut toujours faire appel au personnel pour qu’il organise le voyage en contactant la gare de destination afin qu’un employé déploie la rampe manuelle indispensable au départ comme à l’arrivée, aucun train n’étant accessible en autonomie. Formalité dont se sont extraits les très prévoyants visiteurs que l’ont voit sur la photo ci-dessous : leurs accompagnateurs transportent une rampe dépliable.

File d'attente de voyageurs en fauteuil roulant pour sortir par ascenseur de la gare Luxembourg du RER B




Enfin, côté lignes de bus aucune amélioration, bien au contraire : temps d’attente supérieurs aux horaires affichés, lignes en service partiel déviées des sites de compétition (lire cet Editorial) et conducteurs qui oublient quasi systématiquement de déployer la palette d’accès à l’arrêt de destination.

Une voirie inchangée

Contrairement à ce qui était annoncé et aux déclarations de politiciens parisiens, rejoints sur le site web de la municipalité par l’influenceur propagandiste Philippe Croizon qu’on ne savait pas malvoyant (« Quant aux rues de Paris, je n’ai plus aucun problème pour me balader sur les trottoirs, la ville s’est transformée ! »), trottoirs et chaussées sont demeurés en l’état. Toujours autant de trous, bosses et ruptures d’accessibilité.

Place de la Concorde avec cheminement adapté discontinu, abords sans rénovation du palais des sports de Bercy, sol terreux du stade du Champ de Mars et parvis pavé du Club France

Si la municipalité a refait des centaines de kilomètres de rues, c’est pour créer le long des trottoirs des voies cyclables entraînant le déplacement des arrêts de bus, mais curieusement ces travaux n’ont pas concerné les abords des sites parisiens des compétitions paralympiques : Paris Expo porte de Versailles (Arena sud), place de la Concorde, Grand Palais, Bercy, Invalides, Tour Eiffel et Champ de Mars, etc.

Il fallait donc affronter les dalles disjointes des trottoirs et les pavés déformés de la place de la Concorde, lieu de la cérémonie d’ouverture ; ce n’est qu’après avoir pénétré dans l’enceinte que des cheminements en dalles synthétiques amélioraient la circulation des spectateurs handicapés. Si l’organisation a couvert le sol d’un revêtement circulant, c’est seulement sur la portion des Champs-Élysées parcourue par les délégations sportives : les spectateurs voulant assister gratuitement à ce défilé devaient affronter des trottoirs sans abaissé et des sols déformés en terre battue. Même à la toute neuve Arena Chapelle, les accès provisoires ont été mal réalisés ! Quant aux stades Tour Eiffel et Champ de Mars, leurs abords piétons sont restés difficiles et pénibles, les circulations PMR sur le site apparaissant bricolées.

Et que dire du Club France, lieu de réceptions et de célébrations de l’équipe de France, installé dans la Grande halle de la Villette au parvis et intérieur intégralement constitué de pavés à joints en creux ; tout le monde était logé à la même enseigne, avec toutefois des cheminements alternatifs pour les visiteurs en fauteuil roulant, faits de dalles à picots, assemblée comme des Legos plats ; là, les trépidations sont démultipliées, l’organisation aurait pu trouver mieux.

Bonne organisation, chauvinisme inclus

Les compétitions sont visiblement bien organisées, avec leur ballet ordonné d’assesseurs, de sportifs et de cérémonies. Les craintes de gradins vides se sont évanouies : ils sont partout bien garnis et le public diversifié assez réactif, intéressé, pendant les jours de compétition précédant la rentrée scolaire. Mais on cherche en vain une ambiance paralympique en ville, même si le nombre de passants à handicap visible est nettement plus important qu’à l’accoutumée. Pas de fiesta dans les quelques bistrots diffusant les Jeux sur écran géant, et même aux abords des stades, un public tranquille : les Paralympiques n’ont pas imprégné la vie parisienne.

Allemagne-France de rugby-fauteuil

Il en va autrement dans les enceintes, dès lors qu’un Français est en lice. Là, le public acclame et prend parti, c’est normal parait-il, même s’il s’agit avant tout d’une compétition sportive. Mais comment comprendre et accepter l’engagement nationaliste et chauvin des présentateurs qui incitent le public à acclamer et encourager les seuls concurrents Français, par exemple lors du match de classement en rugby fauteuil entre l’Allemagne et la France ou le 8e de finale de tir à l’arc de Maxime Guérin ? Et que dire des sonos tonitruantes rendant parfois inaudibles les vociférations des présentateurs, à Bercy, La Défense ou Champ de Mars par exemple ? Combien de spectateurs en sont sortis avec une migraine ou des acouphènes ?

Logo de la candidature des Alpes françaises pour les jeux d'hiver 2030

Voilà un vécu subjectif et forcément partiel, tant il est difficile d’aller sur tous les sites de compétition, des premiers Jeux Paralympiques organisés en France. Mais il semble bien que tout le monde s’en accommode, même si quelques représentants associatifs prennent leurs postures habituelles tout en ayant, à leur manière, contribué à ce pis-aller. Les prochains Paralympiques organisés dans notre pays se tiendront dans les Alpes pendant l’hiver 2030. Leurs organisateurs savent déjà que, même à l’économie et avec des bouts de ficelle, l’accueil des spectateurs handicapés ne fera pas de vagues…

Laurent Lejard, septembre 2024.

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