Malgré le changement prochain de Gouvernement et donc leur fin de fonction imminente, des ministres « travaillent » encore et signent des textes réglementaires. C’est le cas au ministère de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur qui a publié au Bulletin officiel du 26 avril une circulaire organisant les modalités d’admission en première année d’université. Sont concernés tous les lycéens en terminale qui viennent de formuler leurs voeux d’admission post-baccalauréat, à l’exception de ceux qui sont mariés, pacsés, concubins ou ont un enfant à charge. Si ces derniers bénéficient d’une exception, les futurs étudiants handicapés sont dans le pot commun du tirage au sort.
Ce texte a instantanément suscité une protestation de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE). « Cette circulaire pose trois questions, commente son vice président, Tarek Mahraoui. D’abord, elle n’a été précédée d’aucune discussion, il y a une absence totale de dialogue social. Ensuite, la mise en oeuvre de ce tirage au sort acte la création d’une barrière d’entrée à l’université. Enfin, elle ne prend pas en compte les spécificités de certains étudiants : c’est le cas de ceux qui reprennent des études, ou sont en situation de handicap, ou des étudiants qui ont une vie de famille. »
Plus que pour les autres, l’accès des lycéens handicapés à l’université est à la fois difficile et complexe. Ils doivent identifier la faculté qui correspond à la fois à leur choix de formation et carrière professionnelle, et dispose également des services indispensables à la compensation du handicap : accessibilité des locaux d’enseignement, logements, restaurants et bibliothèques universitaires, aides humaines (auxiliaires de vie, preneurs de notes, etc.). Ils doivent ensuite monter des dossiers auprès de plusieurs Maisons Départementales des Personnes Handicapées, si les facs auxquelles ils postulent sont situées dans un autre département : un dossier dans le département du domicile parental pour la prise en charge des transports, un dossier pour les aides humaines et autres dans la MDPH du département de l’université. Sauf que certains départements acceptent de prendre en charge des dépenses faites dans un autre territoire, ce qu’il faut savoir au préalable en s’informant soigneusement, chaque Conseil Départemental ayant tendance « à faire sa sauce ». Cela en tenant compte des longs délais d’instruction des dossiers, dépassant généralement les quatre mois légaux, et de l’incertitude quant au contenu de la décision !
Côté ministère de l’Enseignement supérieur, silence total, aucune explication sur ce qui ressemble à du « pas prévu au programme ». Pourtant, ce ministère soulignait dans le dossier de presse de la rentrée universitaire 2016 que le nombre d’étudiants handicapés progressait de 14% par an en moyenne, représentant 1,3% des effectifs en 2014-2015 soit 20.549 : « Plus de 70 % des étudiants handicapés bénéficient d’un plan d’accompagnement de l’étudiant handicapé (PAEH) », précisait alors un ministère qui prétendait « renforcer l’accessibilité de l’enseignement supérieur » au moyen d’un « plan d’accompagnement » comportant le site officiel dédié à l’information des étudiants handicapés Handi-U… qui n’est plus alimenté depuis deux ans.
Huit mois après la rentrée, une circulaire élaborée dans le secret de l’administration centrale vient tempérer ce discours. Que se passe-t-il quand la capacité d’accueil d’une faculté est dépassée ? Cette situation est réglée par l’article L612-3 du code de l’éducation : « Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, constatées par l’autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci. » La prise en compte du handicap relève donc de la seule volonté du président de l’université concernée et du recteur d’académie.
Pourtant, le fond du problème n’est pas de savoir si les étudiants handicapés doivent être sélectionnés en participant au même tirage au sort que leurs camarades. « Cette question ne se poserait pas si les moyens pour étudier à l’Université étaient suffisants », conclut Tarek Mahraoui. Gérer la pénurie en plaçant les étudiants comme des pions, quel bel avenir en perspective…
Laurent Lejard, mai 2017.
NB : L’UNEF, autre syndicat national estudiantin, n’a pas répondu à notre demande de réaction sur cette circulaire.