Le plongeur Henri Cosquer a certainement eu l’émotion de sa vie en découvrant une grotte ornée de peintures préhistoriques, en 1985. Il avait suivi un boyau sous-marin jusqu’à une cavité à laquelle nos lointains ancêtres accédaient aisément à pied puisque le niveau de la mer était 120 mètres plus bas. Sur les parois, ils ont commencé il y a 27.000 ans à dessiner, graver et peindre 500 représentations d’animaux disparus depuis de cette rive de Méditerranée : bisons, antilopes, bouquetins, pingouins… Avec la grotte Chauvet de Vallon Pont-d’Arc (Ardèche) découverte en 1994, elle constitue un témoignage de la créativité des hommes préhistoriques. Ce point commun n’est pas unique, parce que c’est la même société Kléber Rossillon qui a été chargée d’élaborer leurs répliques : celle de Chauvet est ouverte depuis sept ans et Cosquer 2 devrait ouvrir en juin 2022 dans l’immeuble Villa Méditerranée mitoyen du Mucem et qui appartient au Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Sauf que le parti-pris muséographique va exclure de l’attraction majeure une partie des visiteurs handicapés. La réplique sera installée dans un souterrain en partie rempli d’eau, reconstituant la grotte originelle et son sol immergé comme le montre cette simulation en images de synthèse. Ce que précise une note « Accessibilité pour tous » élaborée le 2 février dernier par Kléber Rossillon : les visiteurs « se rendent via deux rampes sur le quai d’embarquement. Les visiteurs embarquent sur une nacelle d’une capacité maximale de 6 personnes. Certaines nacelles sont adaptées pour les PMR transférables sur le siège ». Il n’est donc pas prévu d’embarquer en restant sur son fauteuil roulant. « Les PMR non transférables sur nacelles, ou celles qui appréhenderaient, peuvent regarder la visite virtuelle sur écran juste à côté du point d’embarquement, en gardant le même casque audioguide que les valides. L’expérience de visite est très similaire. » On voudrait le croire mais quel est l’intérêt pour des personnes handicapées motrices de venir ici pour rester à l’écart ? Ce traitement est d’autant moins compréhensible qu’une attraction similaire a été adaptée à Disneyland Paris : Small World, déambulation en barques guidées à travers des décors et automates. Les visiteurs en fauteuil roulant disposent d’une barque adaptée, tout simplement, comme en témoigne ce reportage effectué il y a plus de 15 ans. Comment ce qui était réalisable en 2005 ne le serait pas 17 ans plus tard ? D’autant plus que les nacelles de Cosquer 2 n’évoluent pas sur l’eau mais au sec dans un corridor bordé d’eau.
On a demandé au président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, son sentiment face à cette inaccessibilité annoncée, ainsi que sur l’absence d’interface en Langue des Signes Française, l’insuffisance des dispositifs pour les personnes déficientes visuelles ou auditives. « Le Président de Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a toute confiance en Monsieur Kléber Rossillon et ses équipes pour veiller à ce que personne ne soit exclu de la rencontre avec la réplique de cette merveille archéologique qu’est la Grotte Cosquer. En effet, l’accessibilité des personnes en situation de handicap est un sujet prioritaire pour la société Kléber Rossillon. Elle étudie actuellement toutes les solutions qui permettront de garantir la même qualité de visite et de service à tous les visiteurs, quel que soit leur handicap ». Les futurs visiteurs handicapés risquent d’être peu sensibles à cette langue de bois…
Laurent Lejard, février 2021.