Le serpent de mer du stationnement payant refait surface : une proposition de loi votée par l’Assemblée Nationale le 4 décembre pourrait, si le Sénat l’adopte à son tour dans quelques mois, contraindre à nouveau les usagers du stationnement payant indûment sanctionnés à payer un forfait post-stationnement pour exercer leur droit de recours en contestation et annulation. Sauf pour une partie des usagers handicapés, ceux qui résident en France puisque que les titulaires de la carte européenne en vigueur depuis plus de 23 ans ont été oubliés… L’auteur de cette proposition de loi, le député Daniel Labaronne (Renaissance – Indre-et-Loire), s’explique.
Question : Le Conseil Constitutionnel a annulé en septembre 2019 l’obligation de payer un forfait post-stationnement pour avoir le droit de le contester. Pourquoi revenir dessus avec une nouvelle loi ?
Daniel Labaronne : Ma proposition de loi concerne très directement les personnes handicapées. Aujourd’hui, celles qui reçoivent un forfait post-stationnement peuvent le contester auprès de la Commission du Contentieux du Stationnement Payant (CCSP) sans avoir à payer préalablement pour effectuer ce recours. Cela qu’on soit ou pas en situation de handicap, c’est le même régime pour tout le monde. Sauf que le fait d’engager un recours n’est pas suspensif du paiement, c’est-à-dire que quelques mois plus tard, un titre exécutoire de paiement de l’amende est émis, majoré d’un certain pourcentage. Les sommes peuvent être importantes, en se cumulant si la personne reçoit plusieurs forfaits post-stationnement. Elle pouvait tout à fait contester sans avoir rien à payer, mais in fine elle devait payer le montant de ces forfaits avec leur majoration, et attendre 2 ou 3 ans pour se faire rembourser puisqu’étant en situation de handicap, la Commission aurait accepté leur recours. Avec ma proposition de loi, le recours est toujours gratuit, les personnes en situation de handicap n’ont pas à payer préalablement. L’élément nouveau, c’est que ce recours est suspensif du paiement. Comme la Commission va reconnaître que la personne a reçu un forfait post-stationnement illégitime, elle pourra faire valoir ses droits sans avoir à payer quoi que ce soit.
Question : Là, vous parlez des forfaits post-stationnement infligés de manière automatique à des usagers handicapés en utilisant un procédé contraire à la loi comme l’a rappelé la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés dès novembre 2017 ?
Daniel Labaronne : Ce n’est pas dans le champ de ma proposition de loi. Si la Lecture Automatique de Plaques d’Immatriculation était dans l’illégalité, j’imagine que des personnes auraient engagé une procédure pour faire constater le caractère illégal de l’activité de ces LAPI. Je ne crois pas qu’elles soient illégales. Elles s’inscrivent dans une Délégation de Service Public conférée par une commune, une communauté de communes, pour exercer l’activité de contrôle du stationnement payant. Même si ces LAPI distribuent généreusement des forfaits post-stationnement à des personnes en situation de handicap, ma proposition de loi améliorera considérablement leur situation.
Question : On relève dans votre texte que l’exemption concerne les titulaires d’une carte mobilité inclusion stationnement, mais pas ceux qui possèdent la carte européenne valable depuis 2000 dans tous les pays de l’Union Européenne et en cours de réforme approuvée par la France. Pourquoi cet oubli des Européens non-résidents en France dans ce texte ?
Daniel Labaronne : On peut examiner ce point dans le cadre de la navette parlementaire avec le Sénat. On peut éventuellement introduire cette disposition.
Question : Vous n’y aviez pas pensé ?
Daniel Labaronne : A aucun moment, qu’il s’agisse des magistrats de la CCSP, du Conseil d’État, de l’ANTAI [organisme de recouvrement forcé des FPS et amendes] avec qui nous avons travaillé, le point a été soulevé. Personne n’a soulevé le point que vous évoquez.
Question : Personne n’a évoqué la carte européenne de stationnement définie par une Directive qui est en cours de réforme ?
Daniel Labaronne : Je suis preneur de toute amélioration du dispositif, mais il faut que les éléments soient solides sur le plan juridique. Si vous me dites qu’ils le sont, je vais l’évoquer avec la ministre des Collectivités territoriales pour voir dans quelle mesure on peut éventuellement introduire cet élément dans la navette parlementaire.
Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2023.