La capitale Bretonne poursuit une politique de développement digne d’une capitale tout court : elle, par exemple, est la seule ville moyenne (200.000 habitants) à être équipée d’un métro automatique de type VAL, et c’est d’ailleurs cette réalisation qui a longtemps retardé l’élaboration du Nouvel Espace Culturel voulu par le Député-Maire socialiste Edmond Hervé : 14 années entre l’idée et l’inauguration du bâtiment. Au fil du temps, le nom de l’établissement a évolué, de « Nouvel Espace Culturel » (Nec) à « Champs Libres« . L’architecte Christian de Portzamparc a conçu un très beau bâtiment; son épouse, Elisabeth, a réalisé la muséographie en collaboration avec les conservateurs. Les lieux resplendissent le soir : le choix de la transparence, pour le rez-de-chaussée et les étages de la bibliothèque, éclaire la place attenante et fait vivre l’espace. Cet équipement culturel de haute qualité, « un lieu majeur de l’activité culturelle en France » selon Edmond Hervé, devrait coûter in fine une centaine de millions d’euros. Il regroupe la bibliothèque à vocation régionale comptant 500.000 ouvrages, dont un fonds de livres en grands caractères, le Musée de Bretagne et l’Espace des Sciences, créé en 1984, auquel s’ajoute un planétarium à grand spectacle. Il est complété par une salle de conférences et de spectacles, dont le programme d’activités devrait couvrir tous les jours d’ouverture au public.
Champs Libres est bâti au centre de Rennes, longeant le côté sud de l’esplanade Charles de Gaulle, face à la grande salle polyvalente et de spectacle Le Liberté (dans laquelle avait été ouverte l’Année Européenne des Personnes Handicapées le 2 février 2003) qui devrait être prochainement rénovée. Sur la rive ouest de l’esplanade, un complexe cinématographique est en cours de construction; il parachèvera la transformation de ce qui était un vaste parking en espace culturel et de loisirs, la place redessinée devenant un véritable lieu de vie.
Le bâtiment comporte une accessibilité soignée pour les visiteurs handicapés moteurs : rez-de chaussée de plain-pied sur ses trois entrées, au moins deux ascenseurs dans chacun des trois espaces, larges travées dans la bibliothèque dont tous les ouvrages sont à portée de fauteuil, places adaptées réparties dans l’auditorium, présentation à hauteur d’adolescent des pièces exposées dans le Musée de Bretagne et l’Espace des Sciences…
Tout juste pourra-t-on regretter la répartition sur deux niveaux de la salle de lecture de la presse, quotidiens au rez-de-chaussée et magazines à l’étage, obligeant à repasser par le hall et emprunter un ascenseur alors que les autres lecteurs n’ont qu’un escalier à gravir.
Les déficients visuels sont, quant à eux, guidés dès les portes d’entrée par des bandes podo-tactiles qui les conduisent à l’accueil général. Une cabine insonorisée équipe la bibliothèque : les lecteurs aveugles y trouveront une machine à lire et un ordinateur bien équipé. Le scanner a été sélectionné pour permettre de lire les ouvrages du fonds patrimonial tout en assurant leur protection.
Les services d’accueil et d’information du public, dans les trois espaces, de même que l’auditorium, sont dotés de boucles magnétiques à destination des visiteurs malentendants.
D’autres adaptations et aménagements sont en préparation. Sylvie Ganche, chargée des publics handicapés, explique : « L’une de mes missions est d’insuffler une culture de l’accessibilité dans ce bâtiment ». Sa mission temporaire de trois mois devrait pouvoir se transformer en activité permanente tant il reste de travail à réaliser : adaptation des documents de visite en sonore, braille et grands caractères pour toutes les expositions permanentes ou temporaires, programmation de visites adaptées aux déficients visuels, auditifs ou mentaux, etc. Si elle constate que les aménagements vont au-delà de ceux qui sont prévus par la réglementation, Sylvie Ganche déplore toutefois que des flashs lumineux n’aient pas été installés en complément des habituelles sirènes d’alerte, parce que ce n’est pas encore obligatoire : « La fonction ‘accessibilité’ est nouvelle, elle n’existait pas dans les institutions maintenant regroupées. Il y a eu une concertation préalable avec les associations locales, à laquelle j’ai participé à l’époque en tant que militante associative. Cette concertation doit se poursuivre pour s’assurer de la fonctionnalité de l’établissement ».
Il est très agréable de visiter le Musée de Bretagne, réparti sur tout le premier étage, dans divers espaces au coeur desquels émergent la coque de l’Espace des Sciences et la pyramide de verre de la bibliothèque. Cette dernière joue avec les oeuvres exposées, les transparences et les couleurs ponctuent une muséographie intelligente, conçue pour que les pièces soient vues par tous les visiteurs. Rennes en profite pour exorciser l’un de ses démons, la condamnation du Capitaine Alfred Dreyfus par sa Cour d’Assises, qui le jugea et le condamna au bagne. Une exposition permanente est consacrée à l’affaire judiciaire et au scandale politique qui déchaînèrent les passions à la charnière des XIXe et XXe siècles.
« Il est nécessaire de roder le bâtiment, estime Christian de Portzamparc. Il va recevoir des publics qui vont réagir ». L’architecte a voulu faire cohabiter des « tribus » dans le même lieu, à l’instar du Lieu Unique à Nantes. Et parmi elles les différentes composantes de la population des personnes handicapées, certaines déjà assurées d’un accueil et de services en pleine autonomie, et d’autres qui devront exprimer leurs attentes et leurs besoins pour évoluer dans ces Champs Libres avec toute la liberté promise…
Laurent Lejard, mars 2006.
Les Champs Libres, 10 Cours des Alliés 35000 Rennes. Métro (accessible) Charles de Gaulle ou Gare. Tél. 02 23 40 66 00. Entrée gratuite pour les bénéficiaires d’A.A.H, A.P.A, et l’accompagnateur d’une personne handicapée à 80% et plus. Le site Internet de Champs Libres comporte le catalogue des collections de la bibliothèque, le calendrier des activités, conférences et spectacles, etc. Il est globalement accessible aux internautes handicapés.