A 500m de la célèbre Place Pigalle et du quartier chaud de Paris, au fond d’une étroite impasse pavée, la chapelle qui fut le siège, de 1895 à 1962, du théâtre du Grand Guignol reprend vie. L’immeuble accueille désormais un espace dans lequel les comédiens ou spectateurs sourds sont dans « leur » théâtre, qui est également celui des entendants, comédiens comme spectateurs. Cette nouvelle salle est un « vrai théâtre », avec cintres et fosse; le public est très proche des comédiens, sans barrière. La scène, vaste, est propice au jeu théâtral. Dans les étages (hélas sans accessibilité pour des personnes handicapées motrices) se trouvent les locaux administratifs d’IVT et les salles de cours accueillant des élèves en langue des signes. « Si on a une demande de la part d’une personne qui ne peut monter les étages, confie l’administrateur Stéphane Judé, on fera cours dans le théâtre ou le hall ».
L’ouverture du théâtre Chaptal résulte d’un montage compliqué et de nombreux soucis, d’autant qu’IVT a voulu assurer la maitrise d’ouvrage. « Au bout de 18 mois, explique Stéphane Judé, on a fait appel à une assistance à la maitrise d’ouvrage. La réhabilitation a été difficile, le bâtiment était plus dégradé qu’on le pensait ». Pourtant dotée de 3 millions d’euros, la rénovation est inachevée, la façade reste à rénover et arbore encore les traces du passage d’un squat théâtral. Une souscription a été lancée pour financer les travaux restants.
Outre ses propres productions, IVT accueille des compagnies et des spectacles français, et prochainement des compagnies étrangères. La première saison à Chaptal s’annonce brillante, avec quatre créations: K.Lear, d’après Shakespeare, qui a inauguré les lieux, Inouï Music Hall (en coproduction avec le Hall de la chanson, du 13 mars au 7 avril), Les Fables de La Fontaine (marionnettes jeune public, du 20 avril au 5 mai) pour conclure par Alfredo Corrado, fondateur d’IVT dans son oneman show Thanks, France. Chaptal invite également Le verre d’eau (d’après Francis Ponge, 6 février au 3 mars), Le réveil (d’après Récits de femmes de Franca Rame et Dario Fo) en première partie d’Actes avec ou sans Paroles (Trois courtes pièces de Samuel Beckett, 15 mai au 2 juin), Le grand cahier (d’après Agota Krystof, 12 au 23 juin). Tous les spectacles sont bilingues, langue des signes française (ou internationale) et français. Une volonté de mixité des publics qui n’était pas celle des initiateurs français de la compagnie, à la fin des années 1970; lors de leurs premiers spectacles, ils furent surpris de l’intérêt et de l’engouement des entendants pour le théâtre en langue des signes, et le bilinguisme s’imposa de fait.
La seconde saison risque de marquer un peu le pas, l’argent investi dans sa salle pesant sur les ambitions artistiques. « Les subventions, insuffisantes, ne permettent pas à IVT de déployer l’ensemble de son projet artistique, commente Stéphane Judé. On ne vous aide plus au fonctionnement, mais au projet, ce qui veut dire que les subventions sont limitées dans le temps ». Ainsi, la projection de films ne se fera pas cette année, et en 2008 la programmation sera moins importante que les dirigeants du théâtre le souhaitaient. Mais la compagnie a réussi à imposer sa marque, et dispose désormais d’un lieu propice à sa création théâtrale et à ses activités que le public a déjà massivement investi : le spectacle d’ouverture, K.Lear, s’est joué à guichets fermés.
Laurent Lejard, février 2007.
International Visual Theatre, 7 cité Chaptal 75009 Paris. Réservations au 01 53 16 18 18 ou par mél.