Pour mémoire, la Flandre au singulier (à de nombreux titres, diront certains) c’est « l’autre Belgique », celle du nord, néerlandophone, plus opulente que sa soeur wallonne mais tout aussi accueillante pour les francophones, même si l’anglais tend à s’imposer lors des conversations « sociales ». La très riche et très ancienne histoire de cette partie du continent âprement disputée par les puissances voisines, prolongée par celle, parfois tragique, de la Belgique, éclaire la situation présente et sa relative complexité dont les Belges eux-mêmes s’amusent avec cette dose de dérision qui séduit le monde depuis 1830… Plus prosaïquement, le coût de la vie y est similaire à la France, de même que le niveau global d’accessibilité pour les utilisateurs de fauteuils roulants, et l’accueil généralement attentionné. Signe qui ne trompe pas : les personnes handicapées sont visibles dans les rues.
Baroque à Anvers.
Capitale économique du pays, second port d’Europe, pôle mondial du diamant, la cité célèbre cette année l’héritage de son plus fameux représentant : Rubens (1577-1640). Expositions, concerts, événements, promenades thématiques, toute la ville s’enivre de baroque, y compris les artistes contemporains ! Côté accessibilité (consultez cette page en anglais), si les pavés s’imposent dans le centre ancien, ils disparaissent au profit de larges trottoirs dans la partie moderne. Le charme pittoresque des vieilles rues aux pignons caractéristiques (levez les yeux !) vaut néanmoins les cahots, d’autant que la zone piétonnière protège de la circulation automobile. L’office de tourisme vient tout juste d’éditer une très utile carte-guide papier bilingue néerlandais-anglais recensant les principaux lieux d’intérêt ainsi que les itinéraires pour s’y rendre en toute quiétude, elle devrait être bientôt disponible en ligne. Sachez, si vous arrivez en voiture, que vous trouverez assez facilement à stationner mais que vous devrez au préalable identifier votre véhicule dans la zone de basses émissions (LEZ) pour obtenir au besoin l’exemption délivrée aux titulaires de carte européenne de stationnement attestant d’une prise en charge Sécurité Sociale à 100%. Si vous arrivez en train, prenez le temps, avant de vous lancer sur le Meir, artère la plus commerçante de la ville, de contempler le gigantisme de la gare centrale et ses multiples niveaux de quais. Côté transports en commun, tous les arrêts de bus ou tram n’étant pas accessibles, consultez cette page.
Revenons à Rubens. La cathédrale Notre-Dame, imposant vaisseau gothique dominant le coeur de la cité, abrite plusieurs oeuvres monumentales du célèbre Anversois, dont deux triptyques devant lesquels on reste stupéfait : étape obligatoire, idéalement en visite guidée, pour mieux comprendre l’artiste et son temps ! On retrouve ceux-ci de manière beaucoup plus intimiste dans la maison de Rubens, magnifique palais pré-baroque situé un peu à l’écart du centre-ville dans une rue piétonne perpendiculaire au Meir. Seuls le rez-de-chaussée et le jardin sont accessibles en fauteuil roulant mais la visite, fût-elle amputée de l’étage, vaut largement le détour, ne serait-ce que pour admirer, outre la beauté de l’architecture et du décor, quelques tableaux du maître dont son célébrissime autoportrait récemment restauré, ainsi que l’atelier dans lequel il conçut ses plus grands chefs d’oeuvres, n’apportant parfois que la touche finale aux travaux réalisés par son atelier, à la manière des artistes-star d’aujourd’hui.
À la fois hors du temps et bien d’aujourd’hui, le tout nouveau musée Diva, implanté dans la partie du centre-ancien débouchant sur l’Escaut, fleuve qui fit la fortune de la ville, célèbre quant à lui le baroque par l’opulence de ses collections consacrées à l’art du diamantaire et à l’orfèvrerie du Moyen-Âge à nos jours : un véritable enchantement, parfaitement accessible en fauteuil roulant, où les pièces d’exception, remarquablement mises en valeur, déploient leurs charmes éternels : diamonds are forever ! Pour ce qui est des diamantaires à proprement parler, le quartier situé près de la gare offre un large choix de boutiques où remplir ses yeux à défaut de vider son compte en banque mais les ateliers et la bourse, très secrets, demeurent fermés au profane.
Anvers, capitale culturelle, compte de nombreux musées : largement de quoi satisfaire tous les goûts (consultez cette liste). Signalons, le long de l’Escaut, une autre institution récente : le Museum aan de Stroom (MAS), tour-signal de brique et de verre dominant l’ancien port, est un musée ethnographique, anthropologique et maritime dont les passionnantes collections se complètent d’expositions temporaires. L’actuelle est consacrée à une artiste méconnue de l’âge baroque : Michaelina Wautier (1617-1689). De louables efforts ont été faits pour les visiteurs déficients sensoriels mais les personnes à mobilité réduite ne pourront pas accéder au panorama tant vanté du 10e étage (la vue depuis les autres étages demeure spectaculaire) et devront compter sur l’assistance du personnel pour passer d’un niveau à l’autre… contrairement au tout proche musée Red Star Line (du nom de la célèbre compagnie transatlantique) où tout, panorama inclus, est accessible en autonomie mais qui ferme malheureusement ses portes pour revampage durant l’été 2018…
Art contemporain à Bruges.
À une centaine de kilomètres à l’ouest d’Anvers, Bruges est l’une de ces villes dont la seule évocation fait rêver les esprits romantiques. Peut-être un peu trop : en période d’affluence, le centre ancien n’a rien à envier à Venise… Heureusement, les habitants, plus nombreux et plus responsables que dans la cité des doges, veillent à conserver à l’endroit son caractère vivable et « authentique ». Reste qu’il vaut mieux privilégier, pour la visiter dans cet esprit d’authenticité, les premières heures du matin ou les dernières du soir. Ici aussi, l’omniprésence des pavés secoue les tripes en fauteuil roulant mais l’enjeu en vaut la chandelle : quand la magie est là, elle ne se déploie pas à moitié ! L’office de tourisme a édité, en anglais, un guide et une carte recensant les lieux et itinéraires accessibles, particulièrement précis et utiles. Côté stationnement, les emplacements réservés sont parfois pris d’assaut dans le centre ancien, de même que les places standard : préférez les parkings périphériques, vous n’aurez pas besoin d’emprunter les transports en commun pour déambuler en coeur de ville. N’espérez guère, en revanche, monter à bord de l’une des embarcations qui sillonne les canaux si vous ne pouvez quitter votre fauteuil roulant : aucune n’est accessible sans portage.
Ce qui, cette année, étonne et ravit les visiteurs de Bruges, par-delà ses innombrables points d’intérêt, c’est la Triennale d’art contemporain qui s’y déploie tout l’été sur le thème de la « ville liquide » : une quinzaine d’installations, souvent spectaculaires et pour la plupart aisément accessibles, attend petits et grands qui peuvent les admirer, en visiter certaines voire y interagir. L’art d’aujourd’hui comme on l’aime, à mille lieues des prises de tête conceptuelles, et bien plus efficace dans ses messages ! Ici un habitat flottant écologique très design, là un cétacé géant bondissant hors du canal, une bulle orangée posée sur l’eau, une « île » aux cordages immaculés, une fontaine de verre… Le mariage avec le décor environnant est toujours heureux et la découverte de la ville se double d’une chasse aux trésors où l’inattendu le dispute au poétique. S’il vous reste un peu de temps, en préambule ou en conclusion de cette odyssée, montez donc faire un tour au sommet du très moderne Concertgebouw, à la faveur d’un spectacle ou lors d’un « circuit » : non seulement le point de vue sur la ville est extraordinaire, mais on peut en outre y jouer du carillon !
Une autre triennale.
Prolongement naturel de cette déambulation artistique brugeoise, la triennale Beaufort s’étire sur la côte, distante de Bruges d’une vingtaine de kilomètres. Créée en 2003, cette manifestation met également l’art contemporain à la portée de tous et de façon tout aussi poétique, sur les rivages argentés de la mer du Nord. Certaines sculptures sont restées, d’autres ne sont que de passage : autre chasse aux trésors ! Laquelle nécessite toutefois, distances obligent, à utiliser un véhicule ou emprunter le célèbre tramway de la Côte (Kusttram), institution centenaire qui en relie les extrémités sur 70km, grosso modo de la frontière française à celle de la Hollande : c’est la plus longue au monde. La plupart des rames surbaissées sont accessibles en fauteuil roulant mais certains arrêts se font en pleine voie : téléchargez ce plan pour éviter les mauvaises surprises. Côté voirie, les places de stationnement réservé ne manquent pas et la déambulation s’avère des plus aisées, avec de larges trottoirs ou promenades de bord de mer, sans compter les jetées et autres estacades depuis lesquelles on peut jouir du paysage et des embruns. Quant aux lieux recevant du public, ils sont globalement accessibles de plain-pied ou par rampes. Le littoral belge, jadis villégiature privilégiée pour gens fortunés, artistes et écrivains, a beaucoup souffert lors des deux conflits mondiaux mais a gagné en accessibilité, y compris sociale, ce qu’il a perdu en typicité architecturale : vue sur mer pour tous ou presque !
De Knokke-Heist à La Panne en passant par Zeebruges, Le Coq (De Haan), Bredene, Ostende, Middelkerke, Westende, Nieuport (Nieuwpoort), Oostdunkerke et Coxyde (Koksijde), le séjour à la plage se transforme en cache-cache artistique où les oeuvres se débusquent au détour d’un rond-point, d’un parc ou, le plus souvent, quelque part en bord de mer : guide indispensable ! Réussirez-vous à croiser, entre autres rencontres extraordinaires, le Poséidon métissé de Xu Zhen ? Le cerf magique de Stief DeSmet ? Les chiens (ir)respectueux de Guillaume Bijl ? Certaines installations, disposées sur le sable ou loin sur la plage ne sont pas accessibles en fauteuil roulant mais on peut les observer depuis le rivage ou avec des jumelles.
Profitez de vos passages par ces villes côtières pour visiter leurs musées : certains méritent réellement qu’on s’y arrête. Ainsi à Ostende, faut-il faire étape au MuZee, parfaitement accessible, où l’art contemporain (y compris d’Afrique, une rareté en Europe) côtoie une vaste exposition consacrée au célèbre peintre ostendais James Ensor (1860-1949), constituée en majeure partie grâce aux collections du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers, actuellement en travaux. Autre incontournable, à l’entrée de Nieuport, le centre Westfront d’interprétation de la bataille de l’Yser, événement majeur de la Première guerre mondiale, se trouve au sous-sol de l’immense rotonde dédiée au roi Albert 1er. La tragédie qu’a enduré la région au tout début du conflit y est extrêmement bien documentée, que complètent un panorama numérique reprenant celui peint après-guerre par le soldat-artiste Alfred Bastien (1873-1955), et un autre panorama, bien réel celui-là, qui se découvre via un ascenseur depuis le sommet du monument. Stationnement réservé sur le côté gauche de la rotonde, située au milieu d’un très large rond-point. Enfin, du côté de Coxyde, à Saint-Idesbald, ne manquez pas le musée-fondation dédié à l’onirique Paul Delvaux (1897-1994). Ouvert du vivant de l’artiste dans l’une des maisons de pêcheurs qu’il affectionnait, l’endroit recèle bien des secrets et beaucoup de trésors, offrant un véritable voyage dans l’oeuvre de ce « peintre de la poésie et du rêve » dont les femmes dénudées, pensives, hantent encore les songes du visiteur d’aujourd’hui. Le stationnement est aisé à proximité mais une aide est recommandée pour les utilisateurs de fauteuils manuels, du fait de rampes fortes dans les profondeurs de ce divin abîme…
Jacques Vernes, juin 2018.
Sur le web, en sus des sites mentionnés ci-avant, nous vous recommandons celui du tourisme en Flandre, qui permet de préparer un séjour sous tous ses aspects; la page Accessibilité est un véritable portail rassemblant données utiles (y compris hôtelières), témoignages et brochures : de quoi partir en toute sérénité !