Big Bang, pour commencer : à Ferrals-les-Corbières, dans l’Aude, un artiste démiurge, Spi-K-Tri, débride sa créativité dans les vastes locaux d’un ancien chai viticole. L’ivresse, ici, est à la fois esthétique et sensorielle, la déambulation nourrissant l’imaginaire au-delà de… l’imaginable. L’expérience, accessible en fauteuil roulant sauf une section située en étages, marquera durablement quiconque acceptera de voyager dans ce maelstrom interplanétaire de formes, couleurs et atmosphères. Entre (street) art brut, écologie, physique quantique et ésotérisme, ce psychédélisme-là vous transportera sans besoin de substances hallucinogènes ! Stationnement réservé au plus près de l’accueil-boutique. Toilettes adaptées, accueil attentionné.
Quelques encablures plus loin, l’abbaye cistercienne de Fontfroide, dignement posée à flanc de coteau, ne vous refera pas redescendre sur terre mais vous offrira un havre à la fois spirituel et artistique. Ces lieux millénaires, jadis en première ligne contre « l’hérésie cathare » et dont l’un des abbés (Jacques Fournier) fut élu pape au XIVe siècle, sont désormais la propriété des descendants du peintre Gustave Fayet (1865-1925). Grand collectionneur de ses contemporains, Gauguin notamment, Fayet a voulu que l’abbaye demeure ouverte aux arts et aux artistes : son voeu est toujours respecté. Ainsi la déambulation, globalement accessible à quelques exceptions près (jardins hauts notamment), offre-t-elle l’opportunité de confronter art contemporain et architecture médiévale dans un dialogue qui ouvre en outre la porte à la musique puisque des concerts y sont régulièrement organisés. Dépose-minute possible au plus près de l’entrée, puis élévateur dans la boutique pour éviter la pente. Toilettes adaptées, restauration possible sur place, que l’on peut compléter par une visite au chai…
Narbonne (que nous avions évoquée en 2014) n’est pas loin, occasion de découvrir le tout nouveau et parfaitement accessible musée Narbo Via dont l’architecture lumineuse réunit les collections antiques de plusieurs musées antérieurs, dont les blocs réemployées à l’époque médiévale pour construire les remparts. Le mur lapidaire qui en constitue l’épine dorsale, unique en son genre, permet de « manipuler » quelques-uns de ces blocs et d’en obtenir une description détaillée sur écran tactile : spectaculaire ! Le reste de la muséographie déploie un faste plus discret mais on peut rêver, grâce à des reconstitutions 3D et la présence de nombreux médiateurs, à la grandeur de Narbo Martius, capitale provinciale « fille de Rome ». La galerie tactile et les compagnons de visite numériques adaptés sont en projet mais le plaisir du voyage dans le temps demeure entier. Seul bémol : le stationnement difficile malgré une batterie de places réservées, qui oblige à une dépose-minute ou au recours aux transports en commun.
Dans le giron de Narbo Via, à Sallèles-d’Aude distante d’une dizaine de kilomètres, Amphoralis est un site qui mérite également une étape. C’est en effet l’un des très rares ateliers de potiers antiques que l’on puisse observer dans un tel état de conservation. Créé en 1992 et en cours de labellisation tourisme et handicap, le musée propose des supports et visites adaptées aux visiteurs déficients sensoriels et son accessibilité en fauteuil roulant est excellente, même dans les parties extérieures. Non seulement l’endroit est accueillant mais vous en ressortirez incollable sur l’amphore gauloise 4, spécialité locale qui a fait le tour du monde antique et au-delà ! Toilettes adaptées, stationnement aisé au plus près de l’entrée. Profitez-en pour promener au bord du canal de jonction, tout proche, dont les berges ombragées permettent d’agréables balades.
Autre pépite, héraultaise celle-là : Ambrussum, sur la commune de Villetelle, entre Montpellier en Nîmes. Il s’agit d’une sorte d’escale routière antique sur la voie Domitienne reliant l’Italie à l’Espagne. Célèbre pour son pont franchissant le Vidourle, peint par Gustave Courbet (tableau exposé au musée Fabre de Montpellier), l’endroit conserve de nombreux vestiges qu’illustrent un passionnant musée où il ne faut pas manquer la salle audio-visuelle car elle offre un extraordinaire (et fort commode) survol du site avec reconstitutions 3D. Sanitaires adaptés, stationnement aisé.
Étrange bond dans l’espace-temps pour finir cette sélection, en un lieu des Pyrénées-Orientales qui évoque à la fois un passé proche et un présent tout aussi tragique : le camp de Rivesaltes où un mémorial, ouvert telle une blessure dans l’aridité du paysage, rappelle les ignominies perpétrées ici durant la Seconde guerre mondiale, sous l’appellation trompeuse de « centre d’hébergement », contre les Républicains espagnols puis les Juifs et les Gitans, que l’on envoyait ensuite vers la mort, loin des baraquements où on les entassait. Mais la fin de la guerre n’a pas sonné celle du camp : sous tutelle militaire, d’autres prisonniers ont suivi : Allemands, Italiens… En 1962, au terme d’un autre conflit, celui d’Algérie, ce sont les Harkis et autres supplétifs coloniaux que l’on parque, dans des conditions à peine moins inhumaines que précédemment.
Les dernières familles quitteront ces lieux mortifères en… 1977. Dix ans plus tard il devenait l’un de ces centres de rétention administrative qui ne font pas la gloire de la France; jusqu’en 2007 : hier. Le Mémorial, inauguré en 2015, n’occupe qu’une infime partie du secteur, aujourd’hui industrialisé ; il évite que l’on oublie ce qui s’y est trop longtemps déroulé. L’accessibilité y est excellente, le cheminement depuis le parking puis la « descente » dans l’espace muséographique permettant de méditer sur le sort des réfugiés, sujet d’une brûlante actualité depuis des temps immémoriaux…
Jacques Vernes, septembre 2021.