Lecture adaptée et musée d’exception à la BnF Richelieu
Le site historique de la Bibliothèque Nationale de France dit Richelieu (2e arrondissement) est enfin sorti de 12 années de travaux ! En résulte, entre autres rénovations, une magnifique salle de lecture ouverte à tous, avec 20.000 livres en accès libre (les étagères sont à la portée des lecteurs en fauteuil roulant, les coursives en étages servant à stocker des livres réserves aux chercheurs), dont près de la moitié de bandes dessinées, ainsi que des usuels, livres d’art, documents sonores ou multimédias.
L’ensemble dans la vaste et haute salle ovale qui a retrouvé son éclat, sa lumière et ses couleurs ; construite sur une période de 50 ans dans une structure d’acier et de fonte, avec au final un style anachronique pour les années 1930 quand elle a ouvert ses portes, elle est désormais aménagée tous handicaps : rampe d’accès à de confortables fauteuils et aux tables de lecture dont quelques-unes équipées pour les lecteurs déficients visuels (télé-agrandisseur, ordinateur à plage braille et synthèse vocale). Des bornes multimédia avec Langue des Signes Française présentent l’histoire de la bibliothèque, ses bâtiments et leur évolution, les collections de livres, etc.
Autre attrait du lieu, un musée présentant des pièces exceptionnelles, de l’Antiquité à nos jours : statuaire grecque, trésor d’argent trouvé par un paysan (et raflé à la va-vite par le conservateur), manuscrits et partitions originales, avec en audio la musique correspondante, photographies de Nadar, cabinet des médailles, galerie Mazarine au plafond peint à fresque… Au fil des vitrines, la beauté s’allie au sublime ! Chaque salle comprend un pupitre tactile avec reproduction d’un ou plusieurs objets emblématiques, ainsi que tables multimédias avec LSF. Une appli web permet également de visiter en LSF. Et les pièces exposées sont à bonne portée visuelle des visiteurs en fauteuil roulant.
Enfin, les visiteurs du site Richelieu disposent dès l’entrée, près du contrôle, d’une maquette tactile en noir et braille, d’un guidage podotactile jusqu’à l’accueil (qu’il faudra libérer des cordons de filles d’attente qui empêchent son usage), d’un Compagnon de visite comportant audiodescription et LSF complétant des cartels de salles volontairement sobres, et d’une appli mobile pour Iphone. Une réussite au goût de revenez-y, d’autant plus que les titulaires d’une carte d’invalidité bénéficient d’une gratuité de même qu’un accompagnant.
Marcel Proust fabrique La recherche à la BnF Mitterrand
Voilà l’exposition phare du centenaire de la mort de l’écrivain Marcel Proust : avec La fabrique de l’oeuvre, la Bibliothèque nationale de France site Mitterrand (13e arrondissement) décortique jusqu’au 22 janvier 2023 les étapes de la conception et de l’écriture du célébrissime roman par épisodes « A la recherche du temps perdu. » On y découvre des manuscrits sur cahier d’écolier, à l’écriture bien formée et lisible, d’autres sur feuilles sans lignes, plus nerveuse et nécessitant une grande attention pour la décrypter. L’auteur a corrigé, modifié, amendé en permanence ses écrits, allant jusqu’à ajouter des fragments de feuilles collées les unes aux autres, les fameuses paperoles.
Ces manuscrits sont complétés par les épreuves d’édition abondamment corrigées et complétées par un Marcel Proust perfectionniste jusqu’à l’obsession. L’ensemble plonge le visiteur, qu’il ait lu ou pas La recherche, dans l’ambiance parisienne (y compris au bord de la mer) de la fin du 19e et du début du 20e siècle, marquée par la fin d’un monde, celui d’aristocrates plus ou moins désargentés qui s’opposent puis se fondent dans une haute bourgeoisie triomphante au fil des événements comme l’affaire Dreyfus ou la Première guerre mondiale. Plusieurs espaces de l’exposition évoquent les épisodes de cette immense fresque (que certains ont comparée à une cathédrale quand l’auteur, plus modeste et infiniment moins mondain qu’on ne le croit, évoquait une simple robe), et les replacent dans leur temps en ouvrant des fenêtres de l’un vers l’autre. Outre l’évolution de l’écriture, des toponymes, des personnes et des objets emblématiques (la célèbre madeleine n’était, à l’origine, que du pain rassis puis une biscotte !), deux projections vidéo montrent l’évolution du texte de la célèbre première phrase (« Longtemps, je me suis couché de bonne heure ») et de la dernière, avec affichage successif des mots supprimés, ajoutés, rayés, une illustration parfaite et émouvante de la fabrication d’une oeuvre à lire ou relire.
L’entrée est gratuite pour les personnes handicapées et un accompagnateur, la réservation étant conseillée. Les visiteurs aveugles disposent d’un grand livret à feuilles en relief et braille présentant des manuscrits et leurs modifications. Les documents et autres oeuvres sont exposés à bonne hauteur pour les visiteurs en fauteuil roulant. Quelques visites guidées descriptives complètent ce livret, d’autres sont proposées en Langue des Signes Française (dates et informations en Agenda). Deux concerts restitueront l’ambiance musicale des salons aristocratiques ou bourgeois cette Belle époque, le 12 décembre autour d’oeuvres du compositeur Reynaldo Hahn, (très) proche de l’auteur, et 16 janvier 2023 pour imaginer ce que serait la mystérieuse sonate de Vinteuil. Les proustophiles pourront poursuivre leur recherche de ce Temps, perdu puis retrouvé, au musée Carnavalet où la dernière chambre de l’auteur est reconstituée.
Les Parisiennes citoyennes célébrées à Carnavalet
C’est pendant l’hiver et le printemps 2022 que ce musée a rendu hommage à Marcel Proust lors de l’exposition « Un roman parisien. » Actuellement et jusqu’au 29 janvier 2023, les Parisiennes citoyennes sont à l’honneur ; qu’elles soient nées ou mortes en province ou dans la capitale, elles y ont laissé leur trace.
Célèbres ou pas, personnalités remarquables ou femmes mobilisées lors d’événements ou combats militants qui se sont déroulés entre la Première Révolution et l’an 2000, on suit leurs actions et luttes permanentes pour s’émanciper du joug masculin. Parce que si elles se sont engagées dans la Révolution de 1789, le pouvoir qui lui a succédé a interdit rapidement les clubs de femmes. Et si elles ont activement participé aux mouvements révolutionnaires et revendicatifs du 19 siècle, puis au 20e en travaillant en usine pendant que leurs hommes étaient au front de la Première guerre mondiale, puis se sont engagées dans la Résistance pendant l’occupation allemande, ce n’est qu’en 1945 et en luttant à nouveau qu’elles ont pu voter et être éligibles. 10 ans après les femmes Turques, 27 ans après les Britanniques ou les Allemandes !
L’élaboration de l’exposition a duré trois ans, en écumant ouvrages et archives qui n’ont laissé que peu de place à la moitié du genre humain…
Si aujourd’hui les femmes sortent et s’habillent comme elles le veulent, cela leur a longtemps été interdit, comme on peut le constater à la lecture d’arrêtés d’interdiction de porter le pantalon.
Des activistes ont pourtant réussi à créer et gérer des titres de presse, dont La Fronde. Tout en rencontrant de grandes difficultés dans une ville devenue malthusienne. Dans la seconde moitié du 20e siècle, les luttes féministes se concentrent sur la liberté sexuelle et le droit de disposer de son corps, avec l’octroi en 1967 du droit à la contraception puis la conquête en 1975 du droit à l’interruption volontaire de grossesse. C’est toute cette histoire que relate au fil des salles une exposition essentielle pour comprendre la place des femmes d’aujourd’hui. Les hommes sont bienvenus ! L’entrée est gratuite pour les personnes handicapées et un accompagnateur. Côté accessibilité, des ateliers pour tous sont organisés, de même que des visites en LSF (voir en Agenda) mais aucune descriptive pour les visiteurs déficients visuels.
Les robes de Frida Kahlo
C’est un aspect étonnant de la vie de la peintre mexicaine Frida Kahlo (1907-1954) qu’expose le musée de la mode du Palais Galliera : jusqu’au 5 mars 2023, Frida Kahlo, au-delà des apparences présente en effet la garde-robe et le style d’une femme engagée politiquement et dans la mise en valeur des cultures mexicaines.
En introduction, le visiteur découvre les parents de l’artiste, le goût de son père pour la photographie, l’enfance de Frida marquée par la poliomyélite qui altéra l’une de ses jambes, sa jeunesse jusqu’à l’accident de tramway lors duquel une barre métallique la transperça du vagin à la colonne vertébrale ce qui l’obligea à porter toute sa vie des corsets exposés ici avec sa prothèse de jambe. Ce calvaire, qui a nourri toute son oeuvre, s’est poursuivi par l’amputation de la jambe droite, quelques mois avant sa mort. On regrettera toutefois que cette présentation chronologique soit déployée dans un corridor étroit où les visiteurs s’agglutinent et dont on a hâte de sortir malgré les documents passionnants qu’elle comporte.
Les robes et objets exposés dans les autres salles, heureusement plus vastes, ont été préservés pendant plus de 50 ans, puisque à la mort de Frida Kahlo ses armoires ont été scellées. La fondation Casa Azul, musée installée dans sa maison de Mexico, en assure la conservation et a prêté les documents, ustensiles et robes déjà exposés à Mexico en 2013. L’ensemble témoigne de la construction du personnage à travers ces objets du quotidien constituant l’apparence d’une artiste qui a peint ses souffrances sur ses toiles, dont médicaments, prothèse de jambe, souliers adaptés et corsets orthopédiques décorés témoignent ici. La visite se poursuit à l’étage par l’influence que le style de Frida Kahlo a eu et a encore sur des créateurs de mode.
L’entrée est gratuite pour les personnes handicapées et un accompagnateur, les pièces présentées sont, pour la plupart, à bonne visibilité des visiteurs handicapés moteurs, un livret de visite adaptée est téléchargeable, des visites en LSF sont programmées, les personnes déficientes visuelles peuvent commander auprès des Souffleurs d’images une visite descriptive de cette exposition passionnante.
Laurent Lejard, décembre 2022.