Les victimes d’une agression pénale peuvent toujours solliciter la réparation de leur préjudice corporel (exemple : invalidité, perte de revenu, besoin en tierce personne, préjudice moral, préjudice esthétique…) contre l’auteur de l’infraction (crime ou délit) devant la juridiction pénale. Cependant, l’indemnisation devant la juridiction pénale présente pour la victime d’un dommage corporel des inconvénients majeurs, notamment :
– L’auteur de l’agression est souvent insolvable, le risque d’insolvabilité est encore plus grand quand une peine d’emprisonnement est prononcée;
– Il est difficile, voire insupportable pour la victime de défendre ses droits à indemnisation notamment lors d’une expertise médicale ou technique (véhicule et logement adaptés, aides techniques) devant les auteurs qui minimisent le dommage pour ne pas payer une juste indemnisation;
– Le juge pénal est celui de l’infraction, qu’il juge et qu’il sanctionne. La jurisprudence pénale est bien moins riche que celle de la juridiction civile, les indemnités sont souvent bien moins élevées au pénal que devant les juridictions civiles de la CIVI.
Ainsi, il est préférable pour la victime d’un dommage d’une certaine gravité de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction (CIVI) qui jugera de l’indemnisation et demandera au Fonds de Garantie d’indemniser intégralement les victimes d’un dommage corporel en France et à l’étranger, sous certaines conditions édictées par la loi. Le risque d’insolvabilité sera donc écarté, et la victime pourra ignorer l’auteur du dommage durant la procédure d’indemnisation.
La victime pourra demander à la juridiction pénale l’application de la loi pénale à l’encontre de l’auteur de l’infraction, et justice sera rendue, mais elle pourra aussi saisir parallèlement la CIVI et obtenir une meilleure indemnisation de tous ses préjudices. Il ne faut pas croire que l’auteur de l’infraction ne payera rien. Le Fonds de Garantie, s’il indemnise la victime, dispose d’un recours subrogatoire contre l’auteur de l’agression et peut le contraindre à rembourser la totalité des indemnités payées.
Il ne faut pas croire non plus que le Fonds de Garantie indemnise avec largesse les victimes d’infractions. Le Fonds de Garantie défend ses droits, il est représenté par des inspecteurs et des avocats très spécialisés. Sans cesse devant la CIVI des moyens de droit sont invoqués par le Fonds de Garantie pour diminuer, voire exclure le droit à réparation des victimes et le montant de leurs indemnisations. Le Fonds de Garantie est placé sous le contrôle du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, il dispose d’une autonomie financière. Ses ressources proviennent des contributions des assurés et des assureurs perçues sur les contrats d’assurances; des produits des recours exercés contre les auteurs des infractions; des produits de ses placements.
Aussi, le Fonds de Garantie ne peut indemniser sans compter, et il défend donc ses droits. L’indemnisation des victimes est de ce fait loin d’être automatique et intervient dans des conditions légales bien précises et défendues par le Fonds de Garantie. La victime d’une atteinte grave aux personnes peut être indemnisée :
– De faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction ayant entraîné une incapacité (permanente ou totale) de travail d’un mois minimum;
– De la mort d’un proche à la suite d’une atteinte grave;
– D’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle sur un mineur;
– De la traite des êtres humains.
Il existe une abondante jurisprudence sur l’application de ces conditions légales, et aussi sur la prescription de l’action, la forclusion et la faute de la victime qu’invoque le Fonds de Garantie pour limiter ou exclure le droit à indemnisation de la victime. La définition jurisprudentielle de la faute de la victime soutenue par le Fonds de Garantie n’est pas favorable à la victime. La faute peut même ne pas être concomitante à l’infraction, et son interprétation est très extensible. Lorsque notamment la victime participe à une rixe, on examine sa participation exacte et aussi la proportionnalité de la riposte pour apprécier sa faute. La victime a un intérêt certain à être défendue par un avocat spécialisé tant devant le juge pénal que devant la CIVI contre le Fonds de Garantie, car il peut toujours être retenu une faute limitant ou excluant son droit à réparation.
Mais ce n’est pas tout : lorsque le droit à réparation est tranché, il reste toujours l’indemnisation des préjudices de la victime qui, dans un premier temps, participe à des expertises médicales et parfois techniques selon le degré de son handicap (logement et véhicule adaptés, aides techniques). Là encore, le Fonds de Garantie est représenté par des inspecteurs, avocats et experts conseils (médecins et techniciens) spécialisés qui défendent ses intérêts.
Il faut alors discuter de tous les préjudices et de leur évaluation (incapacité, préjudice professionnel, perte d’autonomie et tierce personne, souffrances endurées, préjudice d’agrément, préjudice esthétique, préjudice sexuel…) et, lorsque le rapport d’expertise est déposé, il faut conclure, plaider et défendre à nouveau les droits de la victime pour obtenir devant la CIVI, contre le Fonds de Garantie, la meilleure indemnisation possible. Alors, bien sûr, il est exact que la victime peut se défendre seule devant la CIVI, elle peut le faire sans avocat (et sans médecin conseil), mais ce droit à une défense solitaire est illusoire car, seule, la victime ne connaît pas ses droits. Le Fonds de Garantie, lui, les connaît et sait se défendre, il n’est pas seul, il est représenté par des spécialistes de l’indemnisation : inspecteurs, avocats, médecins, techniciens. La victime doit savoir aussi se défendre, et être aussi assistée d’un avocat et d’un médecin conseil, tous deux spécialisés.
Les avocats du Fonds de Garantie concluent et plaident fort utilement et habilement devant la CIVI, la Cour d’Appel, la Cour de Cassation pour défendre les droits du Fonds de Garantie. Les victimes doivent indiscutablement faire de même. La victime ne peut s’improviser ni médecin, ni avocat, et elle ne peut pas prendre le parti d’être deux fois victimes.
Catherine Meimon Nisenbaum,
avocate à la Cour,
janvier 2015.