Les Français qui sont victimes à l’étranger de dommages corporels suite à un accident de la circulation, une agression ou un attentat peuvent être indemnisés en France et obtenir une bien meilleure indemnisation que celle du pays de l’accident. Cette information peut paraître étonnante, toutefois elle est légalement fondée mais peu connue des Français vivant temporairement ou définitivement à l’étranger.
La loi et la jurisprudence française indemnisent sous certaines conditions ces nationaux et binationaux vivant à l’étranger, qu’ils soient résidants ou non, qu’ils vivent définitivement ou provisoirement, ou même qu’ils soient de simples touristes à l’étranger. Mon cabinet a défendu et obtenu de très bonnes indemnisations pour des victimes françaises gravement handicapées, à la suite d’accidents corporels graves au Brésil, en Côte d’ivoire, en Inde, en Israël, au Maroc, au Pérou, en Tunisie… Elles ont ainsi bénéficié d’une indemnisation nettement supérieure à celle qu’elles auraient pu obtenir à l’étranger, parfois même dix fois supérieure.
On ne peut pas être deux fois victime, il faut connaitre ses droits, les revendiquer et solliciter l’indemnisation intégrale de son dommage corporel en France et non à l’étranger, car un certain nombre de pays indemnisent beaucoup moins que la loi française et parfois pas du tout. C’est dire l’intérêt que les victimes de nationalité française ont, sans discussion aucune, d’être indemnisées en France, et en l’espèce par le FGTI (Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et autres Infractions) et de saisir la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction) en France pour demander l’indemnisation de leur dommage corporel.
Cette différence de traitement dans l’indemnisation s’explique notamment pour les raisons suivantes :
- La loi française applique le principe de l’indemnisation intégrale de tous les préjudices qui sont retenus sans aucune limitation, tandis qu’un grand nombre de pays utilisent des barèmes d’indemnisation et des systèmes de compensation, et limitent les chefs de préjudices indemnisables, ce qui empêche toujours d’être intégralement indemnisé;
- La loi française indemnise exclusivement les victimes de manière totale ou partielle, tandis que certains pays indemnisent toutes les victimes, mais également les conducteurs totalement fautifs de leur accident. Dès lors, le montant des indemnisations se répartit sur un plus grand nombre;
- Mieux encore, dans certains pays étrangers, l’indemnisation n’existe même pas;
- Le droit français est riche de sa Jurisprudence qui depuis des années se développe en faveur du droit des victimes d’un accident corporel. Son ancienneté et sa pratique sont sources de qualité et d’excellence;
- Enfin, la France est un pays riche, il est la 5e puissance mondiale et à ce titre, il peut se permettre de mieux indemniser ses victimes que d’autres pays.
Victimes françaises d’un accident de la circulation à l’étranger
Pour bénéficier de l’application de la loi française et de son système indemnitaire beaucoup plus généreux que le système d’indemnisation d’un grand nombre de pays, il faut :
- Avoir la nationalité française au jour de l’accident corporel;
- Les accidents de la circulation non soumis à la loi Badinter;
- Etablir l’infraction dont on a été victime;
- Et bien sûr, procéder à l’évaluation de son dommage corporel par la réalisation d’une expertise médicale et parfois technique pour le logement, le véhicule adapté et les aides techniques, puis plaider contre le FGTI devant la CIVI tous les postes de préjudices qui, en application de la nomenclature Dintilhac et du principe de la réparation intégrale, sont très nombreux;
- Un accord transactionnel est toujours possible.
Victimes françaises d’une agression à l’étranger
Là encore, les Français, sous certaines conditions, s’ils ont été victimes d’un dommage corporel grave à l’étranger peuvent saisir la CIVI en France pour obtenir réparation de l’intégralité de leur dommage corporel. Dans certains pays, cette indemnisation par un fonds d’indemnisation n’existe même pas. Pour être indemnisé et saisir la CIVI, il faut :
- Avoir la nationalité française au jour de l’accident corporel;
- Etre victime : Soit d’un fait, volontaire ou non, qui présente le caractère matériel d’une infraction ayant entrainé la mort, une incapacité permanente ou une incapacité de travail d’un mois minimum. Soit être victime de la mort d’un proche à la suite d’une atteinte grave. Soit être victime, de faits tels que viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle sur mineur, ou traite d’être humains;
- Etablir l’agression dont on a été victime. Là encore, il est tenu compte de l’éventuelle faute de la victime pour apprécier son droit à indemnisation qui peut dès lors être total, limité ou exclu;
- Et bien sûr, procéder à l’évaluation de son dommage corporel par la réalisation d’une expertise médicale et parfois technique pour le logement, le véhicule adapté et les aides techniques, puis plaider contre le FGTI devant la CIVI tous les postes de préjudices qui, en application de la nomenclature Dintilhac et du principe de la réparation intégrale, sont très nombreux;
- Un accord transactionnel est toujours possible.
Victimes françaises d’un attentat à l’étranger
Là encore, et cela peut paraître surprenant, les Français résidants ou non à l’étranger, victimes d’un attentat à l’étranger peuvent également être indemnisés en France par le FGTI de l’intégralité de leurs dommages corporels sur le fondement de l’indemnisation intégrale des préjudices.
En France, on peut se défendre seul devant la CIVI mais cette défense n’est pas envisageable lorsque le dommage corporel est important, car le Fonds de Garantie travaille bien sûr avec des inspecteurs, des avocats et des médecins spécialisés, qui connaissent parfaitement le droit et cette matière spécifique, ce que la victime elle ignore totalement. La mise en place d’une expertise médicale contradictoire est gratuite devant la CIVI, elle est prise en charge par le Trésor Public. Mais, là encore, la victime d’un dommage corporel grave doit être assistée par un médecin conseil de victime et par son avocat spécialisé en réparation du dommage corporel, c’est indispensable.
Concernant les chefs de préjudices indemnisables, ils sont très nombreux, mais là encore, connaitre la loi et la jurisprudence permet d’obtenir à l’évidence une meilleure indemnisation de ses préjudices corporels. Il est certain que l’on n’obtient pas une indemnisation conséquente et représentative de tous ses préjudices en se défendant seul, sans connaitre ses droits, la procédure et la jurisprudence des tribunaux, face à des professionnels de l’indemnisation, à savoir le FGTI. L’indemnisation des dommages corporels graves met en cause l’avenir de la personne, sa dignité, sa sécurité. Il convient de faire le maximum pour faire valoir l’intégralité de ses droits et être assisté par un avocat spécialisé, constitue donc un atout indiscutable.
Aucune bataille ne se gagne sans se défendre. Il ne suffit pas simplement de demander pour obtenir une indemnisation, encore faut-il connaître ses droits et les faire valoir par le biais d’un avocat spécialisé en droit du dommage corporel qui connait parfaitement la procédure en la matière. Je défends depuis plus de 25 ans des victimes de dommages corporels d’une certaine gravité : traumatisés crâniens, tétraplégiques, paraplégiques, brûlés, amputés. Toutes ces victimes ne peuvent se permettre d’être deux fois victime, leur avenir, leur sécurité dépendent de leur indemnisation qui doit être intégrale et elles doivent se donner toutes les chances de l’obtenir : si elles ont la chance d’être françaises, victimes à l’étranger, elles peuvent très souvent être beaucoup mieux indemnisées en France qu’à l’étranger, mais encore faut il le savoir.
Les victimes qui aimeraient connaitre les droits des victimes et indemnisations en France peuvent consulter notamment, le site internet meimonnisenbaum.com qui existe depuis 2002, et qui relate de très nombreux procès, dont les faits et montants leur permettront de se faire une idée des indemnisations en France.
Cas pratique : un accident à l’étranger indemnisé par la France
En 2012, un Français, en qualité de passager, a été victime d’un accident de la circulation au Maroc et a subi un traumatisme crânien grave. Il sollicitait les conseils d’un avocat spécialisé en réparation du dommage corporel afin d’obtenir la réparation de son dommage corporel. L’avocat spécialisé en France réunissait toutes les pièces du dossier ainsi que la procédure au Maroc, et demandait à un médecin conseil de victimes d’examiner le jeune homme et de rédiger un rapport médical.
En février 2013, l’avocat spécialisé, une fois son dossier étayé, saisissait la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) de Pontoise (Val d’Oise), à l’effet de solliciter une expertise médicale contradictoire ainsi qu’une première provision. En effet, la France indemnise directement ses nationaux (même non résidents en France) victimes d’un accident de la route à l’étranger, ce qui leur évite d’engager des poursuites dans des pays où ils n’auraient pas obtenu grand chose. En septembre 2013, après d’une part un échange d’écritures entre l’avocat spécialisé et le Fonds de Garantie, et d’autre part une audience de plaidoirie, une ordonnance était rendue par le président de la CIVI de Pontoise qui allouait une première provision de 100.000€ à la victime et désignait un expert judiciaire neurologue afin de donner son avis sur son dommage corporel.
En février 2014, une première expertise médicale avait lieu, organisée par l’expert judiciaire et en présence, notamment, de la victime, de son avocat spécialisé et de son médecin conseil de victimes, du Fonds de Garantie et de son médecin conseil. Préalablement à cette expertise, plus d’une soixantaine de pièces médicales avaient été communiquées par l’avocat spécialisé, à l’expert judiciaire et au Fonds de Garantie, pièces qui relataient le parcours médical de la victime et qui furent examinées et discutées durant l’expertise. L’expert judiciaire décidait de s’adjoindre deux experts sapiteurs, l’un pour un examen ORL, l’autre ophtalmologique. Ces derniers examinèrent également la victime et déposèrent leurs rapports en juin et août 2014.
L’expert judiciaire, après avoir tenu compte des discussions et désaccords des parties, déposait son pré-rapport en novembre 2014, estimant que la victime n’était pas consolidée. En décembre 2014, fort du pré-rapport d’expertise de l’expert judiciaire, l’avocat spécialisé saisissait à nouveau la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Pontoise et obtenait une nouvelle provision de 100.000€, portant à 200.000€ le montant total des provisions, permettant ainsi à la victime de vivre sans difficulté financière et ce d’autant plus qu’au moment de l’accident, la victime était étudiant en 3e année universitaire et effectuait un CDI à temps partiel, un tiers temps pour payer ses études.
La victime était suivie tout au long du processus d’indemnisation par l’avocat spécialisé qui obtenait les pièces complémentaires, confortait son dossier, assurait la communication des pièces et organisait l’expertise du médecin conseil de la victime. En février 2016, une deuxième expertise médicale fut à nouveau organisée par l’expert judiciaire, en présence notamment de la victime, de son avocat spécialisé et du médecin conseil de victimes et également du Fonds de Garantie et de son médecin conseil. Préalablement à cette expertise, l’avocat spécialisé avait communiqué à l’expert et au Fonds de Garantie ses nouvelles pièces, comprenant notamment un bilan neuropsychologique et le rapport de consolidation du médecin conseil de la victime. Une discussion mouvementée intervenait entre les parties qui n’étaient pas du tout d’accord sur l’évaluation des postes de préjudices et essentiellement sur les taux d’invalidité (Déficit Fonctionnel Permanent), les besoins en tierce personne.
En avril 2016, faisant suite à cette expertise, l’avocat spécialisé adressait deux dires à l’expert judiciaire afin de conforter les points de vue de son client et contestait les conclusions expertales qui avaient été indiquées oralement aux parties. La rédaction de dires est importante car l’expert judiciaire est tenu de par la loi, dans son rapport, de répondre aux observations des parties qui ont été présentées sous forme de dire. En mai 2016, l’expert judiciaire déposait son rapport définitif, il consolidait la victime et retenait un taux de DFP de 62%, des besoins d’aide humaine de 4 heures par jour et une incapacité de reprendre une activité professionnelle rémunérée en milieu ordinaire, seul le milieu protégé était retenu.
L’avocat spécialisé revenait alors vers son client pour obtenir des pièces complémentaires et saisissait en juillet 2016 la CIVI de Pontoise à l’appui d’une longue requête à l’effet d’obtenir la liquidation du dommage corporel de son client. A réception de cette requête, l’avocat spécialisé et le Fonds de Garantie ont discuté de l’entier dossier à l’effet d’arrêter, si cela était possible, un accord transactionnel. Après discussions, l’avocat spécialisé et le Fonds de Garantie tombaient d’accord sur une transaction qui garantissait les intérêts de la victime, qui fut acceptée par elle.
Un constat d’accord était conclu en janvier 2017 aux termes duquel la victime obtenait une somme en capital de 870.000€ environ, ainsi qu’une rente viagère au titre de l’aide humaine de 32.000€ annuel, représentant une somme capitalisée de 1.100.000€. La famille de la victime a également été indemnisée de tous ses préjudices moraux et matériels. L’accord transactionnel était soumis ensuite à l’homologation de la CIVI de Pontoise, qui rendait sa décision d’homologation en juin 2017. Une fois encore, ce dossier n’a pu aboutir que grâce à la confiance de la victime en son avocat spécialisé qui a pu obtenir satisfaction, lui permettant de reprendre le cours de sa vie, de vivre seule avec une garantie financière.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, décembre 2017.