L’expertise médicale est un préalable obligatoire avant toute indemnisation. Elle est sollicitée dans le cadre de la réparation du préjudice corporel, notamment pour les accidents de la circulation en France et à l’étranger, les accidents de la vie, les accidents sportifs, les agressions en général, pour évaluer le dommage corporel. On ne peut chiffrer le montant d’une indemnisation sans rapport médical et donc sans expertise médicale. Elle est aussi un préalable obligatoire avant toute indemnisation dans le cadre du contentieux de la responsabilité médicale. Elle permet également et en premier lieu de déterminer les éventuelles responsabilités de chacun des intervenants dans l’acte médical et d’éclairer le juge, s’il s’agit d’une expertise judiciaire, sur la responsabilité encourue et ensuite également sur l’évaluation du dommage corporel.
Actuellement, l’évaluation d’un dommage corporel s’établit par référence à la nomenclature Dintilhac. Bien que celle-ci ne soit pas obligatoire, elle est devenue un outil indispensable et utilisé par tous les professionnels : médecins experts, avocats et juges. Cette nomenclature fait référence à plus d’une trentaine de postes de préjudices, notamment les plus connus en langage courant pour le public : le préjudice professionnel, la tierce personne ou aides humaines, le préjudice moral, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice sexuel, etc., on comprend dès lors, de par la spécificité de la matière en Droit du Dommage Corporel, que la victime ne puisse se défendre seule.
C’est simple, la victime n’est pas médecin, elle n’est pas non plus avocat spécialisé. Mais souvent, hélas, la présence d’un inspecteur de compagnie d’assurances ou du Fonds de Garantie qui vient voir la victime peu après son accident médical et lui offre une provision à valoir sur la réparation de son dommage, l’emporte sur tout le reste. Cette présence donne l’illusion à la victime que tout est possible, qu’elle n’a besoin de l’assistance d’aucun professionnel ni avocat et ni médecin spécialisé de victimes pour garantir tous ses droits dans ce parcours de combattant. Hélas, lorsqu’elle se rend compte de son erreur, il est souvent trop tard. N’oublions pas que dans le système français, pour les accidents de la circulation, ce sont les compagnies d’assurances et Fonds de Garantie qui ont connaissance en premier de l’enquête de police, ce qui est tout à fait anormal. Cela permet aux régleurs qui ont les coordonnées de la victime de la contacter et de lui offrir la mise en place d’une expertise médicale et d’une provision, et par voie de conséquence, la victime ne se pose pas de question et croit que le régleur assure et défend ses droits.
Certes, dans le cadre de l’expertise judiciaire, ordonnée par un Tribunal, l’expert judicaire désigné par le Tribunal ou la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction (CIVI) notamment, est un arbitre impartial. Toutefois, il ne lui appartient pas de constituer le dossier de la victime, ni de la conseiller ni de la défendre, son rôle est de donner son avis entre deux thèses au Tribunal, l’une présentée par une compagnie d’assurances, une mutuelle, ou le Fonds de garantie (FGTI dans le cadre des agressions). Ces régleurs sont toujours assistés par leurs médecins experts et aussi par leurs avocats et inspecteurs lors des expertises lorsque le dommage corporel est important.
Pour la victime d’un dommage corporel, l’accident ou l’agression est une situation dramatique, unique, traumatisante, en général. Elle n’a jamais eu affaire auparavant à un avocat. Parfois, elle connait l’avocat de son divorce ou de son licenciement, ou son avocat pénaliste (ce sont des avocats spécialisés en droit de la Famille, en droit du Travail, en droit Pénal, mais pas en droit du Dommage Corporel et inversement). Pour elle tout est nouveau, tout est angoissant, elle est souvent perdue et a tendance à penser qu’une compagnie d’assurances ou un Fonds de Garantie, sont des organismes apparentés à la Sécurité Sociale. Elle est victime et pour elle l’indemnisation lui est due, sans penser que les régleurs, qu’ils soient des assurances ou fonds, défendent d’abord et avant tout leurs propres intérêts.
Il est donc essentiel pour la victime, surtout lorsque le dommage corporel est important et qu’il peut compromettre son avenir et sa sécurité de se faire assister sans attendre par un avocat spécialisé en droit du dommage corporel qui sollicitera un médecin conseil de victimes avec qui il collabore habituellement pour assister avec lui son client au moment de l’expertise médicale. Certes, les honoraires du médecin conseil de victimes engendrent des frais supplémentaires pour la victime mais les frais d’assistance par un médecin conseil de victimes sont en principe in fine remboursés par la partie adverse en fin de procédure. Il n’en est pas de même des honoraires d’avocats, l’article 700 du Code de Procédure Civile alloué aux victimes est souvent symbolique. Cependant, il faut savoir faire un choix : est-il préférable d’être très souvent mal indemnisé et de faire l’économie des honoraires d’un avocat spécialisé, ou accepter de payer les honoraires de l’avocat qui travaille et être défendu par un professionnel qui connait la matière et les intervenants ?
Souvent, la victime estime qu’elle n’a rien à payer, qu’elle est victime et que tout lui est dû. Ce raisonnement est compréhensible, elle est victime d’une injustice, elle paie celle-ci très chère dans son corps et dans sa tête, par la faute d’un autre qui, lui, va continuer sa vie normalement. Certes, mais c’est mal connaitre le monde dans lequel nous vivons actuellement : les procès en réparation d’un dommage corporel important peuvent se chiffrer à des dizaines de millions d’euros et les compagnies d’assurances et fonds ne sont pas les auteurs du fait dommageable, ils sont les régleurs et à ce titre, moins ils paient et plus leurs intérêts sont défendus. Il est des plus regrettable que les victimes soient peu informées sur la possibilité et l’intérêt d’être assistées par des avocats spécialisés en droit du dommage corporel et qu’elles se rendent seules aux expertises, pas préparées, ou également assistées par les médecins d’assurances recours qui défendent tant les victimes que les régleurs. Là encore, il faut faire un choix et ne pas croire au père Noël. La victime, ne pouvant préparer son dossier, communiquer ses pièces, ne pouvant engager seule une discussion médico légale avec un médecin expert qui sous-entend également connaitre la jurisprudence des tribunaux qui en découlent, l’évaluation du dommage corporel sera donc laissée à la seule appréciation du médecin expert de la compagnie d’assurances ou du Fonds de Garantie et donc du régleur de l’indemnisation, ce qui n’est pas souhaitable.
Cette bonne pratique de l’assistance aux expertises est essentielle pour l’indemnisation d’un dommage corporel car si l’expertise est mal préparée et mal faite, mal évaluée, et discutée, l’évaluation qui en découle et donc l’indemnisation finale sera également mal faite et mal évaluée mais pourtant opposable à la victime toute sa vie. Là, on peut dire, que la victime sera deux fois victimes, de l’accident et de son indemnisation.
Le binôme avocat spécialisé et médecin conseil de victimes est essentiel. Il ne faut jamais oublier que c’est l’avocat spécialisé qui choisit le médecin conseil de victimes qui l’assistera avec lui tout le long de l’expertise. L’avocat spécialisé fera ce choix en fonction de la spécificité du handicap de la victime et donc de ses lésions spécifiques. Les pièces médicales, les explications de la victime, son vécu, ses différents examens, les rapports et éventuels dires sont discutés entre eux pour assurer une parfaite coordination le jour de l’expertise, qu’elle soit amiable ou judiciaire. L’expertise en soi est courte mais elle est le résultat d’une longue préparation sur plusieurs mois qui saura le jour de l’expertise faire ressortir les pièces et les éléments importants du dossier, la gravité des séquelles et ce, pour obtenir une bonne évaluation. Et donc par la suite pouvoir retenir la meilleure jurisprudence possible pour l’indemnisation et permettre à l’avocat de discuter et d’imposer son avis juridique.
L’avocat spécialisé en droit du dommage corporel a souvent, outre des compétences juridiques mais en sus des diplômes médicaux, une pratique, une notoriété qui servent énormément lors de l’expertise médicale notamment, il est présent à l’expertise médicale, c’est lui qui organise et dirige celle-ci et assiste son client avec le médecin conseil de victimes en fonction du dossier et de la jurisprudence. Il est également le plus à même pour décider si le client à plus intérêt à solliciter une expertise contradictoire amiable avec l’assurance adverse ou un fonds de garantie directement ou au contraire une expertise judiciaire devant un juge. Ce choix procédural qui incombe à l’avocat spécialisé est très important car l’expertise doit être menée aussi par un expert compétent dans le dommage corporel invoqué.
Or, si la voie judiciaire peut être privilégiée, il faut savoir que chaque Tribunal a sa propre liste d’expert judiciaire. Toutes les spécialités ne sont pas représentées sur ces listes devant tous les tribunaux. A titre d’illustration, les traumatisés crâniens doivent être évalués par des experts judiciaires neurologues : malheureusement, sur bon nombre de listes, il n’en existe qu’un seul voir même parfois aucun. Ainsi, trop souvent, les préjudices corporels des victimes traumatisées crâniennes et médullaires sont mal évalués et se retrouvent alors doublement victimes : victime d’un dommage corporel et de la carence judiciaire. L’avocat spécialisé connait les experts judicaires susceptibles d’être désignés par rapport à la compétence territoriale de leurs dossiers. Il ne faut également pas omettre de rappeler l’existence des experts judicaires à « doubles casquettes » : ces médecins sont des experts judicaires mais ils assurent aussi la défense des intérêts des compagnies d’assurances et Fonds, un jour expert judicaire, un jour médecin conseil des régleurs.
L’avocat spécialisé a donc aussi des choix essentiels à faire, notamment : le choix du type de procédure : amiable ou judicaire, le choix du médecin conseil de victimes, le choix de la juridiction compétente en fonction de la jurisprudence qui est différente selon le Tribunal compètent et choisit selon les règles de compétence territoriale. Il ne faut jamais oublier que les compagnies d’assurance ou Fonds de Garantie ont des médecins experts qui défendent leurs intérêts car ce sont eux qui les missionnent et règlent leurs honoraires. Ils sont là pour assurer au mieux les intérêts des compagnies d’assurance ou Fonds de Garantie, il faut donc également bien connaitre les experts de compagnies d’assurances et Fonds de Garantie ainsi que leurs représentants pour décider de leur compétence avant de choisir d’organiser une expertise amiable plutôt qu’une expertise judicaire en fonction aussi de la jurisprudence des tribunaux. Seul un avocat spécialisé doté des compétences nécessaires dues à la pratique et à l’expérience professionnelle peut faire ces choix.
L’avocat spécialisé doit donc décider de la voie à suivre selon ses compétences et ce n’est pas un choix toujours évident. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, on assiste de plus en plus à des dérives de l’expertise judiciaire. L’expertise, qu’elle soit amiable ou judiciaire, est donc un sujet d’actualité et l’assistance des victimes se justifient d’autant plus aujourd’hui.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, mai 2019.