Le Covid 19 nous a amené son lot de contrariétés mais a aussi ouvert les champs des possibles à tous : salariés, fonctionnaires, professions libérales, commerçants, employeurs peuvent télétravailler. Certains parlent de révolution digitale, d’autres de dématérialisation du lieu d’exécution, mais en réalité c’est un moyen de promouvoir la qualité de vie au travail tout en minimisant les coûts de l’entreprise.
Un bref historique
Les premières études débutent en 1970 aux Etats-Unis. American Telephone & Telegraph (ATT), qui est le principal fournisseur de services téléphoniques américain, prévoit que la plupart des américains travailleront à domicile à compter de 1990 ! En France, on commence à l’évoquer dans un rapport sur l’informatisation en 1978. On parle alors d’un travail réalisé de manière délocalisée de sorte que ladite activité nécessite l’utilisation intensive de moyens de télécommunications.
Le cadre légal en France
En 2012, l’article L 1.222-9 du code du travail a introduit le télétravail comme s’agissant de toute forme d’organisation dans laquelle un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ses locaux, de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. Deux principes majeurs sont ainsi annoncés : le télétravailleur est considéré comme un salarié à part entière, le télétravail est basé sur le volontariat et le refus de télétravailler ne peut entraîner de rupture du contrat de travail. Cela étant, en cas d’épidémie, de force majeure, la mise en oeuvre peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Cependant, là, le salarié ne peut refuser la mise en place du télétravail.
Cinq ans plus tard, l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail revoit sa notion de la façon suivante :
- « de façon régulière » est supprimée, c’est dire que télétravail occasionnel et régulier ne sont plus distingués ;
- suppression de l’obligation d’un avenant ou contrat de travail : le télétravail peut être formalisé par un accord collectif ou par une charte rédigée par l’employeur ;
- reconnaissance comme « accident du travail » de tout accident survenu pendant des horaires de travail ;
- il est par ailleurs reconnu un droit au télétravail de sorte que l’employeur doit motiver son refus de laisser à son subordonné le droit d’organiser l’exécution de son contrat de travail, comme il le souhaite.
Le cas particulier de la fonction publique
C’est le règne de l’article 133 de la loi du 12 mars 2012 de réforme de la fonction publique. Il prévoit strictement ce qui suit : « Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu’il est défini au premier alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail. » Il est accordé à la demande du fonctionnaire et après décision du chef de service, il y est mis fin à tout moment, avec préavis. Les fonctionnaires, agents publics non fonctionnaires et les magistrats « télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. »
Il a été complété par le décret du 5 mai 2020 modifiant celui du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature. Ces dispositions principales sont en effet plus précises mais c’était en réalité une nécessité : « Le télétravail peut être organisé au domicile de l’agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel. Un agent peut bénéficier au titre d’une même autorisation de ces différentes possibilités […] L’autorisation de télétravail est délivrée pour un recours régulier ou ponctuel au télétravail. Elle peut prévoir l’attribution de jours de télétravail fixes au cours de la semaine ou du mois ainsi que l’attribution d’un volume de jours flottants de télétravail par semaine, par mois ou par an dont l’agent peut demander l’utilisation à l’autorité responsable de la gestion de ses congés. » Ces différentes modalités peuvent être mises en oeuvre au titre d’une même autorisation.
Les agents handicapés, les femmes enceintes et ceux dont l’état de santé le justifie peuvent déroger à ces modalités sur leur demande et bénéficier d’une quotité hebdomadaire de télétravail supérieure aux trois jours de droit commun, pour une durée de six mois maximum, et après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ; cette dérogation est renouvelable, après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail. Autre dérogation possible, « lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site. » Le télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent, et une attestation de conformité « aux spécifications techniques » des installations du domicile de l’agent ou d’un autre lieu privé est requise ; les aménagements de poste nécessaires doivent être mis en oeuvre par la hiérarchie. Toutefois, « le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service. » Une réponse écrite doit être donnée à cette demande dans un délai d’un mois au plus, et il « peut être mis fin à cette forme d’organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l’initiative de l’administration ou de l’agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois […] Le refus opposé à une demande d’autorisation de télétravail ainsi que l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration doivent être motivés et précédés d’un entretien. »
Quelles aides financières ?
Il convient que l’employeur soit indemnisé des travaux à mettre en place en cas d’accueil d’une personne présentant un handicap. Dans les trois fonctions publiques, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) accorde dans le cadre de la pandémie actuelle de Covid-19 une subvention de 1.000€ pour favoriser le travail à domicile des agents handicapés qui n’étaient pas en télétravail avant le début du confinement, le 16 mars 2020. Cette aide couvre l’achat d’un équipement informatique et la connexion à distance. Pour le secteur privé, l’Agefiph propose une subvention d’un même montant de 1.000€ pour financer les équipements nécessaires pour le poste de travail (équipement informatique, siège de bureau, coûts liés au transport du matériel, surcoût des liaisons Internet). Ces aides ne couvrent pas la mise à disposition du local et par conséquent les travaux dudit local, des frais liés à l’espace de travail tels que le chauffage, électricité. L’éventuelle étude de poste de télétravail est gratuite et mise en oeuvre par les prestataires choisis par le FIPHFP et l’Agefiph. Pour cette dernière, c’est le prestataire qui réalise l’étude qui définit également les montants à retenir pour la prise en charge par l’organisme, en identifiant ce qui relève de la compensation du handicap.
Les gains liés au télétravail
Il est important de noter que l’évolution vers le travail permet aux travailleurs handicapés une meilleure gestion du quotidien et évite la perte de temps dans les transports, ainsi que les difficultés liées à l'(in)accessibilité. Elle ouvre la possibilité de vivre loin de son lieu de travail dans les logements moins chers que dans les centres-villes, avec une flexibilité des horaires et une plus grande autonomie dans la gestion des tâches. Et bien sûr une meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Cependant, cette évolution n’est pas sans risques. Le télétravail peut générer un isolement social, de la démotivation professionnelle spécialement chez les jeunes comme le constate cette enquête réalisée pendant le confinement, une confusion entre vie professionnelle et privée, un dépassement des heures de travail.
Alors on télétravaille, oui, mais on travaille !
Laurence Martinet-Longeanie, avocate au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), août 2020.