Elle attire toujours l’attention par son aspect gros jouet, cette courte et étroite voiture à la carrosserie en ABS rugueux à l’unique couleur bleu-gris (remplacée dans quelques semaines par un brun foncé Night Sepia) dont l’avant, l’arrière et les flancs sont identiques. Conséquence de cette standardisation économique, la porte conducteur s’ouvre à angle droit vers l’avant et celle du passager vers l’arrière. A l’intérieur, pas de fioriture ni garniture intérieure de carrosserie : deux sièges à dossier fixe dont celui du conducteur est réglable en profondeur, des tubulures apparentes dans une ambiance assez sombre. Les petits rétroviseurs ronds se règlent à la main, les surfaces vitrées sont réduites, compensées par le toit partiellement vitré apportant de la lumière mais sans protection du soleil estival ; les vitres latérales s’ouvrent par moitié vers le haut, comme sur les 2CV, sans toutefois risquer de recevoir le battant sur le bras comme avec son illustre ancêtre…
Si la prise en main du véhicule est aisée, le moteur électrique se fait bien entendre dans l’habitacle. Comme pour toutes les motorisations électriques, pas de boite de vitesse mais un sélecteur (marche avant, arrière, point mort) placé entre la porte et le siège conducteur ; le moteur de 6kW est nettement moins nerveux que celui d’une voiture électrique classique. Outre le port USB de recharge et un support de téléphone mobile, l’équipement minimaliste (pas de clim ni radio, et dégivrage du pare-brise avant uniquement), le confort rudimentaire, les suspensions plutôt fermes et l’autonomie de la batterie donnée à 75km (mais plutôt 50 km selon des clients) réservent l’Ami aux courts trajets sur des routes en bon état (voies rapides et autoroutes interdites), à la vitesse maximale de 45 km/h. C’est cette voiture à permis allégé AM (8h de conduite plus le code) que les ados peuvent conduire dès 14 ans, et désormais des personnes se déplaçant en fauteuil roulant grâce à un aménagement bien pensé.
Un équipement complet tout-en-un
La grande nouveauté est de pouvoir commander sur Internet, en demandant la mise en relation avec un opérateur dédié « qui évaluera son besoin et gèrera la logistique de transformation du véhicule. » L’acheteur sera ensuite contacté par l’équipementier Pimas pour compléter au besoin le pack d’aménagement de base (accélérateur/frein par manette, ouverture de porte à 90°, planche de transfert escamotable, rangement du fauteuil roulant). Celui-ci est transporté de deux manières :
- sur le siège passager, en retirant les grandes roues qui prennent place dans une alvéole et sont bloquées par une sangle, idéal pour les fauteuils actifs à cadre rigide. Là, le conducteur est en pleine autonomie dans la mesure où il dispose de la capacité physique de faire passer son fauteuil en restant sur son siège. La place passager est toutefois neutralisée ;
- sur un porte-fauteuil arrimé sur l’arrière, pour ceux qui sont pliables, avec housse de protection contre la pluie. Ce mode de rangement libère la place du passager ou permet de stocker bagages ou achats.
Pour s’installer à bord, le conducteur dispose d’une planche de transfert repliée verticalement, sécurisant la manoeuvre déjà facilitée par la grande ouverture de porte ; il faut toutefois relever cette planche doucement pour qu’elle ne vous reste pas dans la main, et il est dommage qu’en position repliée elle gêne en permanence l’épaule et le bras gauche. L’accélération et le freinage sont assurés par une manette tirer-pousser placée entre les deux sièges ; elle agit par tringlerie sur les pédales. Cette manette doit toutefois être débrayée pour une conduite au pied. Au volant, une boule fixée à gauche permet de conduire d’une main tout en actionnant la manette d’accélération-freinage, on s’y fait très vite. En revanche, il faut jongler avec la commande de clignotant dont la commande n’a pas de rappel automatique : il faut l’arrêter à la main ; ce commodo active également l’essuie-glace.
L’assise étroite et ferme des sièges nécessite de conserver son coussin de fauteuil roulant pour éviter irritations et escarres ; « L’équipementier Pimas développe un système qui va couvrir toute l’assise », précise Christophe Lapeyre, responsable du projet Ami for All. Il est à l’origine de cette adaptation de l’Ami, dans le cadre d’un programme interne d’innovation et d’idées exposées par les collaborateurs : « L’une des idées était de dire « on est un constructeur automobile qui se revendique de donner de la mobilité à nos clients et on ne fait rien pour la partie handicap. Alors on prend un véhicule très particulier chez Citroën, avec des contraintes réglementaires très légères, et on l’adapte tout de suite au monde du handicap. » Le projet a énormément plu, et on m’a affecté pendant un an à sa mise en oeuvre. » Il a travaillé avec l’équipementier Pimas pour élaborer les solutions d’aménagement réalisables : « Ami est la solution de mobilité la moins chère du marché. Électrique, elle présente des avantages pour circuler en ville. On voulait conserver l’ADN d’Ami, économique, accessible, et l’amener dans le monde des personnes paraplégiques, essentiellement. »
L’Ami for All est vendue 10.690€ (bonus écologique déduit et hors options, avec pack aménagement accélérateur/frein par manette, ouverture de porte à 90°, planche de transfert escamotable, rangement du fauteuil roulant), soit un supplément de 3.600€ pour l’adaptation, avec deux factures, l’une pour la voiture, l’autre pour son adaptation. Pour cette dernière, l’acquéreur peut ainsi demander une subvention au titre de la Prestation de Compensation du Handicap aménagement du véhicule, ou de la mobilité pour travailler auprès de l’Agefiph (secteur privé) ou du FIPHFP (emploi public). Le délai de livraison théorique est de huit semaines, adaptation comprise, toutefois des clients évoquent des délais supérieurs. L’Ami for All ne vous emmènera probablement pas loin en vacances, mais elle pourra satisfaire le besoin de mobilité quotidienne de personnes handicapées qui ne peuvent acquérir une voiture standard aménagée.
Laurent Lejard, mai 2024.