Avec plus d’une centaine de licenciés, neuf clubs et onze équipes, le rugby-fauteuil est devenu en moins de dix ans un handisport à part entière, régi par la Fédération Française Handisport (FFH). Mais avec une trentaine d’années de retard sur les pionniers canadiens et les autres handisportifs qui leur ont emboité le pas. En effet, au début des années 2000, il n’existait pas en France de sport collectif pour des personnes tétraplégiques disposant d’une mobilité des membres supérieurs et capables de se déplacer en fauteuil roulant manuel. Ces handisportifs ne se retrouvaient pas dans le foot-fauteuil, joué en fauteuil électrique, et leurs moyens physiques ne leur permettaient pas de s’exprimer dans le handibasket. Alors une poignée de Toulousains a commencé à s’organiser pour implanter le quadrugby en France. Face à cette demande, la FFH a accepté d’en faire une discipline reconnue : « Le rugby-fauteuil est né de la volonté d’un groupe de tétras qui le connaissait, explique Michel Terrefond, directeur technique de la discipline à la FFH et joueur du Pananuit. A l’occasion de la Coupe du Monde de rugby qui s’est déroulée en France en 2007, la FFH avait lancé auprès des clubs un appel aux membres qui pouvaient être intéressés par le rugby-fauteuil. Ils étaient conviés à un stage de découverte à Bourges. »
Le développement des clubs.
Le succès de ce premier rassemblement a donné le coup d’envoi à la discipline et son organisation au sein de la FFH. « Actuellement, ce sport est en pleine expansion, avec de nouveaux licenciés à l’occasion des tournois, ajoute Olivier Cusin, sélectionneur national. Ceux qui viennent voir un match sont intéressés, après ils viennent jouer. Et au-delà du sport, c’est surtout un gros avantage dans la vie quotidienne, une autonomie gagnée. Certains me disent qu’ils ont plus progressé en deux ans de sport qu’en dix ans en fauteuil ! Mon vrai plaisir, c’est de les aider dans leur vie de tous les jours, et si en plus ils font du sport de haut-niveau, c’est tant mieux. »
Michel Terrefond regrette toutefois qu’il n’y ait pas encore assez de personnes tétraplégiques ou assimilées intéressées, tout en distinguant ville et campagne: « Il y a un petit vivier dans les grandes villes, mais dans les petits départements, c’est plus difficile à cause des distances à parcourir et du coût des déplacements pour se retrouver et s’entrainer en équipe. Certains départements aident au moyen de la Prestation de Compensation du Handicap, d’autres non. Et il faudrait que l’État abonde les Fonds départementaux de compensation. »
Les licenciés sont dépendants des transports collectifs ou à la demande, peu sont en capacité de conduire une voiture. Malgré ces bémols, Michel Terrefond estime que le rugby-fauteuil a un bel avenir devant lui, et espère atteindre 25 clubs en France dans les années qui viennent.
« Les clubs se sont créés progressivement, et ce n’était pas facile, complète Olivier Cusin. Un fauteuil de rugby coûte près de 5.000€, pour une équipe de huit joueurs, cela fait 40.000€ de budget à trouver. Chacun a tâtonné; au début il y avait un ou deux fauteuils par club et les joueurs devaient se transférer, maintenant dans les neufs clubs tous ont un fauteuil de rugby. Il fallait du temps pour que cela se mette en place. » Actuellement, ce sport comporte un championnat de France structuré en deux divisions, et un tournoi de Coupe de France organisé chaque année, ce qui était le cas à Paris en ce mois de mai 2013.
Plusieurs clubs ont tissé des liens avec des clubs de rugby renommés, dont ceux de Bourgoin-Jallieu, Toulouse et Clermont-Ferrand, ce dernier l’ayant d’ailleurs intégré dans la célèbre AS Montferrand. « On est rattachés à l’ASM Omnisports, précise Alexis Boyer, capitaine de l’équipe de rugby-fauteuil. Un tétraplégique rencontré en centre de rééducation voulait créer un club, on l’a fait ensemble avec le soutien de l’AS Montferrand qui nous a apporté énormément au niveau structure, logistique, administration et encadrement. Je pensais trouver dans le rugby un sport dans lequel je puisse m’épanouir. Les règles sont faites pour nous, les personnes tétraplégiques, j’ai trouvé un sport qui demande beaucoup d’exigence physique, de la préparation, du don de soi. » Il apprécie l’évolution de la discipline, de nouveaux clubs étant en cours de création : « Le rugby-fauteuil est jeune en France, et il se développe à une rapidité assez impressionnante. » Même si, auprès du public, il reste encore confidentiel même à Clermont-Ferrand : « Les gens ne viennent pas, regrette Alexis Boyer, parce qu’on n’a pas les moyens de faire de la communication. Mais quand on a organisé un match de gala contre le Stade Toulousain, il y avait 1.500 spectateurs. »
Une équipe nationale.
L’équipe de France a été créée en 2007, composée des joueurs de Toulouse, elle n’a réellement « existé » qu’en 2009 avec l’arrivée de licenciés d’autres clubs. Depuis, elle a participé aux compétitions internationales et s’est qualifiée pour les Jeux Paralympiques de Londres 2012 où elle a terminé dernière du tournoi…
« Il était inespéré de se qualifier, explique Olivier Cusin. C’est la première fois qu’une nouvelle équipe accède aux Jeux dès sa première olympiade! On est 8e sur 26 équipes au monde. On était 22e il y a un an et demi de cela. On a progressé assez vite. »
L’équipe de France avait échoué à se qualifier aux championnats d’Europe 2009 puis du monde 2010, s’est classée 4e au championnat d’Europe 2011. Elle participera au prochain, du 10 au 19 août 2013 à Anvers (Belgique).
Les déplacements posent beaucoup de difficultés pour les compétitions nationales ou le rassemblement des joueurs en stage de préparation: il n’y a pas assez de places fauteuil roulant dans les trains, l’avion revient trop cher, aussi c’est en minibus loué ou en voiture personnelle que les trajets sont effectués.
« On est tous bénévoles, les joueurs comme le staff précise Olivier Cusin. On a un métier et une vie de famille. Il faut prendre sur le temps libre pour organiser stages, compétition et tournois, pour rester au plus haut niveau et être encore plus performant. » L’équipe de France est rassemblée en stage deux fois dans l’année et trois autres fois en tournois préparatoires. Avec de plus en plus de public : « Les spectateurs sont enthousiasmés, conclut Olivier Cusin, et on les revoit lors d’une seconde compétition, avec des amis qu’ils amènent. C’est un sport chaleureux, on se rentre dans, on rigole, on discute, c’est du rugby avant tout ! «
Laurent Lejard, mai 2013.